2. La réforme du pacte de stabilité de l'automne 2011 place le présent projet de programme de stabilité sous une contrainte de sincérité

En novembre 2011 ont été adoptés six textes de droit communautaire dérivé, communément appelés « paquet gouvernance » (ou « Six-pack »), dont trois réforment le pacte de stabilité.

Le pacte de stabilité : quelques rappels

Le pacte de stabilité et de croissance (PSC) prévoit notamment, dans le protocole n° 12 au traité sur l'Union européenne (TUE) relatif aux déficits excessifs, que les Etats de l'Union européenne ne doivent pas avoir de déficit public supérieur à 3 points de PIB et une dette publique supérieure à 60 points de PIB.

Il comprend deux volets :

- un volet dit « préventif » ;

- un volet dit « correctif ».

Le volet préventif a pour base juridique l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE), relatif à la coordination des politiques économiques, et le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997 5 ( * ) . Ce règlement concerne l'ensemble des Etats, que leur déficit soit ou non supérieur à 3 points de PIB. Dans sa rédaction initiale, il prévoyait essentiellement que les Etats, qui devaient poursuivre un « objectif budgétaire à moyen terme » conforme aux « grandes orientations économiques » définies par le Conseil, transmettaient chaque année à la Commission européenne un programme de stabilité (un programme de convergence pour ceux n'appartenant pas à la zone euro). Il ne prévoyait aucune sanction.

Le volet correctif a pour base juridique l'article 126 du TFUE, relatif aux déficits excessifs, et le règlement (CE) n° 1467/97 du Conseil du 7 juillet 1997 6 ( * ) . Il prévoit, pour les Etats ayant un déficit public supérieur au seuil de 3 points de PIB, diverses procédures pouvant, le cas échéant, déboucher sur des sanctions. Dans la rédaction initiale de ce règlement, le seuil de dette de 60 points de PIB n'était pas pris en compte pour l'imposition éventuelle de sanctions.

Pour une présentation détaillée du « paquet gouvernance », ainsi que des deux projets de règlement en cours de discussion (« Two-pack ») et du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe (« TSCG »), le lecteur est invité à se reporter au rapport 7 ( * ) de votre rapporteure générale sur le premier projet de loi de finances rectificative pour 2012.

Le paquet gouvernance (« Six-pack »)

Réforme du pacte de stabilité

Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la mise en oeuvre efficace de la surveillance budgétaire dans la zone euro

Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques

Règlement (UE) n° 1177/2011 du Conseil du 8 novembre 2011 modifiant le règlement (CE) n° 1467/97 visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs

Autres sujets

Règlement (UE) n° 1174/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 établissant des mesures d'exécution en vue de remédier aux déséquilibres macroéconomiques excessifs dans la zone euro

Règlement (UE) n° 1176/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 sur la prévention et la correction des déséquilibres macroéconomiques

Directive 2011/85/UE du Conseil du 8 novembre 2011 sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres

a) Présentation générale de la réforme

La réforme par le « Six-pack » des volets préventif et correctif du pacte de stabilité a été réalisée conformément aux tableaux ci-après, explicités et commentés dans le rapport précité de la rapporteure générale.

La discussion a duré plus longtemps que prévu : alors qu'elle devait être achevée en juin 2011 (les propositions de la Commission ayant été rendues publiques le 20 septembre 2010), les textes n'ont été adoptés qu'en novembre 2011.

Le débat a essentiellement porté sur la nature de la « semi-automaticité » des sanctions. Le Conseil est parvenu à ce que, contrairement à ce que prévoyait le texte de la Commission, chaque imposition éventuelle de sanctions à la majorité qualifiée inversée soit précédée d'une décision à la majorité qualifiée « normale ». Dans un communiqué 8 ( * ) , le Parlement européen se félicite quant à lui d'avoir imposé au Conseil le recours à la majorité qualifiée inversée dans le cadre du volet « préventif ».

Le volet préventif du pacte de stabilité

Le TFUE

Les règlements successifs

Articles et paragraphes

Objet

1997

2005

« Six-pack »

Article 121 9 ( * )

Règlement (CE) n° 1466/97 du Conseil du 7 juillet 1997

Règlement (CE) n° 1055/2005 du Conseil du 27 juin 2005

Règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011

Règlement (UE) n° 1173/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011 (seuls Etats de la zone euro)

2

« Grandes orientations de politiques économiques » (GOPE).

Les objectifs budgétaires à moyen terme spécifiques se situent entre - 1 % du PIB et l'équilibre ou l'excédent budgétaire en données corrigées des variations conjoncturelles et déduction faite des mesures ponctuelles et temporaires.

3

« Surveillance multilatérale » par le Conseil

Programmes de stabilité (ou de convergence)

L'Etat membre qui n'a pas atteint son objectif à moyen terme doit en principe réduire son déficit structurel hors mesures exceptionnelles d'au moins 0,5 point de PIB par an.

Idem + « semestre européen »

4

Recommandations adressées par le Conseil « lorsqu'il est constaté (...) que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux [GOPE] ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de [l'UEM] »

Lorsque le Conseil constate qu'un État n'a pas pris de mesures à la suite de sa recommandation, décision à la majorité qualifiée inversée de lui imposer un dépôt portant intérêt de 0,2 point de PIB.

Source : d'après les textes indiqués

Le volet correctif du pacte de stabilité

Le TFUE

Les règlements successifs

Articles et paragraphes

Objet

1997

2005

« Six-pack »

Article 126 10 ( * )

Règlement
(CE) 1467/97

Règlement (CE) 1056/2005

Règlement (UE) 1177/2011

Règlement (UE) 1173/2011

2

Seuils de 3 points de PIB pour le déficit et 60 points de PIB pour la dette

+ possibilité de dépasser ces seuils, si :

- le déficit a « diminué de manière substantielle et constante et atteint un niveau proche de la valeur de référence » ou le dépassement est « exceptionnel et temporaire » ;

Définition du dépassement « exceptionnel » du seuil de 3 points de PIB

« s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques ou s'il est consécutif à une grave récession économique » 11 ( * ) .

« lorsque le dépassement de la valeur de référence résulte d'un taux de croissance annuel négatif du PIB ou d'une baisse cumulative de la production pendant une période prolongée de croissance annuelle très faible du PIB par rapport au potentiel de croissance. »

« s'il résulte d'une circonstance inhabituelle indépendante de la volonté de l'État membre concerné et ayant des effets sensibles sur la situation financière des administrations publiques, ou s'il est consécutif à une grave récession économique. »

- la dette publique « s'approche de la valeur de référence à un

rythme satisfaisant ».

3

Rapport de la commission

La Commission tient compte de « tous les facteurs pertinents »

6

Décision du Conseil sur l'existence d'un déficit excessif

Prise en compte des « facteurs pertinents » 12 ( * ) pour les étapes suivantes

Décision à la majorité qualifiée inversée d'imposer un dépôt ne portant pas intérêt de 0,2 point de PIB 13 ( * ) .

7

Recommandations du Conseil à l'Etat membre

8

Constatation par le Conseil qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise

Décision à la majorité qualifiée inversée d'imposer une amende de 0,2 point de PIB.

9

Mise en demeure de l'Etat membre par le Conseil de prendre des mesures dans un délai déterminé

Amélioration du solde structurel hors mesures exceptionnelles d'au moins 0,5 point de PIB « à titre de référence »

11

Sanctions 14 ( * )

Dépôt ne portant pas intérêt (0,2 à 0,5 point de PIB), le cas échéant transformé en amende 2 ans après l'exigence du dépôt

Amende, affectée au FESF ou au MES.

Source : d'après les textes indiqués

b) Dans le cas des Etats de la zone euro : l'instauration de nouvelles sanctions, à la majorité qualifiée inversée

L'une des principales novations du « Six-pack » est, dans le cas des seuls Etats de la zone euro, la mise en place de nouvelles sanctions , qui seraient imposées dans le cadre d'une nouvelle procédure, dite de « majorité qualifiée inversée ».

Le principe de la majorité qualifiée inversée est que la proposition de sanction proposée par la Commission est adoptée, sauf si le Conseil décide du contraire à la majorité qualifiée. Comme on le verra plus loin, les Etats disposent en pratique de diverses possibilités de blocage à la majorité qualifiée « ordinaire » .

Le tableau ci-après synthétise les différentes étapes du processus de sanction. On observe que la phase ultime, celle d'une amende supérieure à 0,2 point de PIB (mais « plafonnée » à 0,5 point de PIB 15 ( * ) ), serait toujours décidée à la majorité qualifiée « ordinaire ». On verra toutefois ci-après que le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe (dit « TSCG ») prévoit que les Etats de la zone euro qui le ratifieront s'engageront à appliquer le principe de majorité qualifiée inversée, dans le cas des propositions ou recommandations de la Commission relatives à un Etat en situation de déficit excessif.

Un Etat ne respectant pas le critère de dette, et passible de la procédure dite de « déficit excessif », pourrait être sanctionné au même titre qu'un Etat ayant un déficit supérieur à 3 points de PIB.

Les sanctions prévues par le « Six-pack » de novembre 2011, dans le cas des seuls Etats de la zone euro (règlement (UE) n° 1173/2011)

Déclenchement de la sanction

Sanction

Adoption

Volet préventif

Décision du Conseil établissant l'absence d'action en réponse à une recommandation du Conseil sur la base de l'article 121(4) du TFUE 16 ( * )

Dépôt portant intérêt

(en principe 0,2 % du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Volet correctif

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(6) du TFUE (existence d'un déficit excessif) 17 ( * ) , seulement si les Etats membres ont déjà versé un dépôt portant intérêt (en cas de non-conformité avec les dispositions du volet préventif) ou en cas de violation particulièrement grave des règles

Dépôt ne portant pas intérêt

(en principe 0,2 % du PIB)

Vote à la majorité qualifiée inversée

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(8) 18 ( * ) du TFUE (absence d'action suivie d'effet en réponse à la recommandation de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(7) 19 ( * ) )

Amende

(en principe 0,2 % du PIB)

Décision du Conseil sur la base de l'article 126(11) 20 ( * ) du TFUE (absence d'action effective en réponse à la mise en demeure de corriger le déficit excessif sur la base de l'article 126(9) 21 ( * ) )

Amende

(0,2 % du PIB+composante variable)

Vote à la majorité qualifiée « ordinaire »

Source : d'après les textes indiqués

Les Etats en situation de déficit excessif sont donc désormais sous forte contrainte. En effet, si le Conseil décide (à la majorité qualifiée « ordinaire ») qu'ils n'ont pas adopté d'« action suivie d'effet » pour se conformer à ses recommandations, ils se voient en principe imposer une amende de 0,2 point de PIB à la majorité qualifiée inversée.


* 5 Règlement relatif au renforcement de la surveillance des positions budgétaires ainsi que de la surveillance et de la coordination des politiques économiques.

* 6 Règlement visant à accélérer et à clarifier la mise en oeuvre de la procédure concernant les déficits excessifs.

* 7 Rapport n° 390, 21 février 2012.

* 8 Commission des affaires économiques et monétaires, « Foire aux questions sur le « paquet de six » sur la gouvernance économique », 21 septembre 2011.

* 9 Ex-article 103 du traité CE, devenu article 99 avec la renumérotation par le traité d'Amsterdam de 1997.

* 10 Ex-article 104 C du traité CE, revenu article 104 avec la renumérotation par le traité d'Amsterdam de 1997.

* 11 Toutefois « lorsque le Conseil décide, conformément à l'article 104 C paragraphe 6, s'il y a ou non un déficit excessif, il tient compte, dans son évaluation globale, des observations éventuelles de l'État membre montrant qu'une baisse annuelle du PIB en termes réels de moins de 2 % est néanmoins exceptionnelle eu égard à d'autres éléments d'information allant dans le même sens, en particulier le caractère soudain de la récession ou la baisse cumulative de la production par rapport à l'évolution constatée dans le passé ».

* 12 « S'il est pleinement satisfait à la double condition (...) que (...) le déficit des administrations publiques reste proche de la valeur de référence et que le dépassement de cette valeur soit temporaire ».

* 13 Si le Conseil décide qu'il existe un déficit excessif dans un État membre qui a constitué, auprès de la Commission, un dépôt portant intérêt, ou si la Commission « a identifié des cas particulièrement graves de non-respect des obligations en matière de politique budgétaire ».

* 14 « Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes : - exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres ; - inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné ; - exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de l'Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ; - imposer des amendes d'un montant approprié. »

* 15 Conformément au règlement (UE) n° 1175/2011 du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2011.

* 16 « 4. Lorsqu'il est constaté, dans le cadre de la procédure visée au paragraphe 3, que les politiques économiques d'un État membre ne sont pas conformes aux grandes orientations visées au paragraphe 2 ou qu'elles risquent de compromettre le bon fonctionnement de l'Union économique et monétaire, la Commission peut adresser un avertissement à l'État membre concerné. Le Conseil, sur recommandation de la Commission, peut adresser les recommandations nécessaires à l'État membre concerné. Le Conseil, sur proposition de la Commission, peut décider de rendre publiques ses recommandations. »

* 17 « 6. Le Conseil, sur proposition de la Commission, et compte tenu des observations éventuelles de l'État membre concerné, décide, après une évaluation globale, s'il y a ou non un déficit excessif. »

* 18 « 8. Lorsque le Conseil constate qu'aucune action suivie d'effets n'a été prise en réponse à ses recommandations dans le délai prescrit, il peut rendre publiques ses recommandations. »

* 19 « 7. Lorsque le Conseil, conformément au paragraphe 6, décide qu'il y a un déficit excessif, il adopte, sans délai injustifié, sur recommandation de la Commission, les recommandations qu'il adresse à l'État membre concerné afin que celui-ci mette un terme à cette situation dans un délai donné . Sous réserve des dispositions du paragraphe 8, ces recommandations ne sont pas rendues publiques. »

* 20 « 11. Aussi longtemps qu'un État membre ne se conforme pas à une décision prise en vertu du paragraphe 9, le Conseil peut décider d'appliquer ou, le cas échéant, de renforcer une ou plusieurs des mesures suivantes : -- exiger de l'État membre concerné qu'il publie des informations supplémentaires, à préciser par le Conseil, avant d'émettre des obligations et des titres ; -- inviter la Banque européenne d'investissement à revoir sa politique de prêts à l'égard de l'État membre concerné ; -- exiger que l'État membre concerné fasse, auprès de l'Union, un dépôt ne portant pas intérêt, d'un montant approprié, jusqu'à ce que, de l'avis du Conseil, le déficit excessif ait été corrigé ; -- imposer des amendes d'un montant approprié. Le président du Conseil informe le Parlement européen des décisions prises. »

* 21 « 9. Si un État membre persiste à ne pas donner suite aux recommandations du Conseil, celui-ci peut décider de mettre l'État membre concerné en demeure de prendre, dans un délai déterminé, des mesures visant à la réduction du déficit jugée nécessaire par le Conseil pour remédier à la situation. En pareil cas, le Conseil peut demander à l'État membre concerné de présenter des rapports selon un calendrier précis, afin de pouvoir examiner les efforts d'ajustement consentis par cet État membre. »

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