3. Quelles conséquences concrètes pour les nouvelles règles budgétaires européennes ?
a) La Commission européenne a vu son rôle renforcé

La conséquence immédiate du « paquet gouvernance », déjà perceptible, est que la Commission dispose d'un pouvoir de pression accru vis-à-vis des Etats.

Certes, la décision à la majorité inversée d'imposer un dépôt ne portant pas intérêt aux Etats en déficit excessif ne concerne que les nouveaux Etats en déficit excessif. Cependant, comme on l'a indiqué, les Etats actuellement en déficit excessif sont désormais passibles d'une amende s'ils ne se conforment pas aux recommandations du Conseil . En effet, si le Conseil décide (à la majorité qualifiée ordinaire) qu'ils n'ont pas adopté d'« action suivie d'effet » pour se conformer à ses recommandations, ils se voient en principe imposer une amende de 0,2 point de PIB à la majorité qualifiée inversée.

Ainsi, le 11 novembre 2011, la Commission européenne, anticipant l'entrée en vigueur du « paquet gouvernance » le 13 décembre 2011, a examiné dans quelle mesure les Etats de l'Union européenne en situation de déficit excessif autres que ceux bénéficiant d'une aide financière 22 ( * ) se conformaient à la recommandation qui leur avait été adressée par le Conseil sur la base de l'article 126(7) du TFUE. Elle a considéré que tel n'était pas le cas de cinq d'entre eux : trois de la zone euro (Belgique, Chypre, Malte) et deux hors zone euro (Pologne, Hongrie).

Le 11 janvier 2012, elle a considéré que depuis lors, les cinq Etats concernés avaient pris les mesures nécessaires, à l'exception de la Hongrie. En particulier, la Belgique a dû prendre des mesures pour ramener comme prévu son déficit sous 3 points de PIB en 2012, alors que la Commission européenne prévoyait à l'automne 2011 un déficit de 4,6 points de PIB.

b) Malgré le vote à la majorité qualifiée inversée, le Conseil conserve diverses possibilités de blocage

En pratique toutefois, les Etats disposent de diverses possibilités de blocage à la majorité qualifiée « ordinaire » .

En effet, le vote à la majorité qualifiée inversée s'applique seulement si le Conseil le décide préalablement à la majorité qualifiée « ordinaire ». Concrètement, dans le cas particulier des Etats actuellement en situation de déficit excessif, l'amende de 0,2 point de PIB ne peut être décidée à la majorité qualifiée inversée que si le Conseil a auparavant décidé à la majorité qualifiée ordinaire que l'Etat n'a pas pris d'« action suivie d'effets » pour se conformer à sa recommandation. Il existe certes une exception dans le cas du dépôt ne portant pas intérêt, mais il n'est alors possible de se passer d'une telle décision du Conseil que si la Commission « a identifié des cas particulièrement graves de non-respect des obligations en matière de politique budgétaire ».

Par ailleurs, dans tous les cas, « le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut modifier la recommandation de la Commission et adopter le texte ainsi modifié comme décision du Conseil ». Or, le montant de 0,2 point de PIB pour les dépôts et amendes « de base » concerne uniquement la recommandation de la Commission. Rien n'empêcherait donc le Conseil de « sanctionner » un Etat en décidant, à la majorité qualifiée « ordinaire », de lui imposer une sanction moins élevée.

La majorité qualifiée inversée : le texte exact du règlement (UE) n° 1173/2011

Volet préventif

Volet correctif

1. Dépôt portant intérêt

2. Dépôt ne portant pas intérêt

3. Amende « de base » de 0,2 point de PIB (1)

Etape préalable, impliquant un vote du Conseil à la majorité qualifiée « ordinaire » (pouvoir de blocage du Conseil dans les cas 1 et 3)

Le Conseil arrête une décision constatant qu'un État membre n'a pas pris de mesures à la suite d'une de ses recommandations.

Le Conseil décide qu'il existe un déficit excessif dans un État membre qui a constitué, auprès de la Commission, un dépôt portant intérêt,

ou

la Commission « a identifié des cas particulièrement graves de non-respect des obligations en matière de politique budgétaire ».

Le Conseil décide qu'un État membre n'a pris aucune action suivie d'effets pour corriger son déficit excessif, à la suite d'une recommandation.

Procédure de vote à la majorité qualifiée inversée

« La Commission recommande au Conseil, dans un délai de vingt jours à compter de l'adoption de la décision du Conseil, d'imposer » à l'État membre, au moyen d'une « décision ultérieure », la sanction prévue.

La décision « est réputée adoptée par le Conseil, à moins que celui-ci ne décide, statuant à la majorité qualifiée, de rejeter la recommandation de la Commission dans un délai de dix jours à compter de son adoption par la Commission ».

Pouvoir de modification du texte à la majorité qualifiée « ordinaire »

« Le Conseil, statuant à la majorité qualifiée, peut modifier la recommandation de la Commission et adopter le texte ainsi modifié comme décision du Conseil. »

(1) En cas d'absence d'action effective en réponse à une mise en demeure (et non d'une simple recommandation), le montant de l'amende est de 0,2 point du PIB + une composante variable, et le vote a lieu à la majorité qualifiée « ordinaire ».

Source : d'après les textes indiqués

c) Des marges de manoeuvre des Etats considérablement réduites par le projet de « traité SCG »

Cependant, les Etats de la zone euro qui ratifieraient le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance en Europe (« TSCG ») s'engageraient à appliquer le principe de majorité qualifiée inversée pour toutes les propositions ou recommandations de la Commission relatives à un Etat en déficit excessif.

Le TSCG irait donc beaucoup plus loin que le « Six-pack » en matière de majorité qualifiée inversée, réduisant ainsi les capacités de blocage dont disposent les Etats dans le droit actuel.


* 22 Grèce, Irlande, Portugal, Roumanie et Lettonie.

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