B. LES AGRICULTEURS, MAILLON FAIBLE DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGRO-ALIMENTAIRES

1. Un revenu agricole soumis à de fortes fluctuations

Ces tendances se reflètent dans les évolutions du revenu agricole dans l'Union européenne alors même que la PAC assure aux agriculteurs européens un soutien de leur revenu.

Évolution du revenu agricole dans l'Union européenne
(revenu agricole/UTA (*) en valeur réelle)

(*) UTA : Unité de travail annuel, mesure de la quantité de travail fourni dans les exploitations agricoles correspondant au travail d'une personne à temps plein pendant une année.

Au début des années 90, le revenu agricole s'accroît fortement pour se replier dans la seconde moitié de la décennie tout en remontant en fin de période jusqu'à un niveau supérieur à celui de l'année d'origine.

Dans les années 2000, les fluctuations sont fortes. Le revenu suit d'abord une tendance baissière. Celle-ci est inversée par l'épisode haussier des années 2006-2008 très favorable au revenu agricole. Toutefois, en 2010, après s'être redressé à la suite de l'effondrement de 2009, le revenu agricole n'atteint en termes réels un niveau supérieur à celui de 1993 qu'à hauteur de 14 % (dans l'Union européenne à 15) soit, en glissement, une croissance annuelle de l'ordre de 0,6 % très inférieure à la croissance économique générale.

Dans ces conditions, il n'est pas étonnant d'observer que le revenu agricole moyen se situe très en-deçà du revenu moyen des autres secteurs économiques

Situation relative du revenu agricole dans l'Union européenne

Avec 60 % du revenu moyen des autres secteurs dans l'Union européenne à 15 (30 % dans l'Union européenne à 12), le revenu agricole moyen est loin de l'objectif de parité avec les autres activités économiques.

La corrélation entre le revenu agricole et les évolutions des prix paraît plus étroite que celle existant avec les dépenses de la PAC.

Évolution récente des prix de marché de certains produits de base

Néanmoins, on relève une exception européenne qui vient conférer une signification particulière à cette corrélation.

En effet, alors que les prix agricoles mondiaux sont stabilisés, les prix à la production dans l'Union européenne s'inscrivent à la baisse :

Évolution récente du ciseau des prix dans l'agriculture

La stabilisation du revenu agricole par UTA n'est acquise dans ses conditions qu'au prix d'une contraction de l'emploi agricole.

Celle-ci a été d'autant plus nécessaire au maintien du revenu que si les prix à la production ont baissé, les prix des intrants ont été stables.

Dans la seconde moitié des années 2000, la tendance baissière des prix à la production agricole est interrompue sous l'effet des tensions apparues sur les marchés. Mais les prix des intrants s'accroissent encore plus.

Les producteurs ont un pouvoir de négociation faible.

Reposant sur de multiples producteurs individuels, à la tête d'installations familiales, la production agricole est marquée par une grande atomisation en face d'un aval et d'un amont (les fournisseurs d'intrants) très concentrés.

Certains secteurs sont emblématiques de ce déséquilibre : les fruits et légumes par exemple combinent un amont atomisé et un fort regroupement des acheteurs. En face de 300 organisations de producteurs ne représentant que 55 % de la production en valeur, et d'une myriade de producteurs indépendants, la grande distribution assure 74 % du chiffre d'affaires au niveau de la vente de détail 106 ( * ) , et fait reposer son approvisionnement sur moins d'une dizaine de centrales d'achat.

Les caractéristiques particulières de la production mettent également le producteur en situation de faiblesse : ainsi pour les fruits d'été (melon, pêche, abricot, etc.) ou encore pour le lait, difficilement stockables plus de quelques jours, il est nécessaire de vendre sans attendre, ce qui ne met pas l'agriculteur en position de force dans la négociation.

Dispersés face à des acheteurs peu nombreux et bien organisés, les agriculteurs ont développé des stratégies de regroupement à travers notamment les coopératives agricoles. Ils peuvent également se regrouper sous d'autres formes d'organisation de producteurs, notamment sous forme d'associations.

Cependant, la concentration de l'offre dans l'agriculture peut se heurter au droit de la concurrence, qui empêche les regroupements permettant de peser réellement sur le marché dès lors que ces coalitions préservent l'indépendance de chaque membre.

De ce point de vue, le droit européen est paradoxal, puisqu'il admet des coopératives historiques, comme par exemple au Danemark, qui concentrent la quasi totalité de la collecte de lait (Arla Foods), mais empêche dans le même temps les producteurs de lait français de se regrouper s'ils représentent un chiffre d'affaires de plus de 40 millions d'euros dans l'Union européenne ou une part de marché de plus de 5 % sur un marché pertinent, celui-ci pouvant être apprécié non pas au niveau de l'ensemble de l'Union européenne mais d'un État membre voire d'une région.

Or les agriculteurs connaissent une grande vulnérabilité face à la volatilité des prix .


* 106 Chiffres tirés de l'avis du Conseil de la concurrence n° 08-A-07 du 7 mai 2008 relatif à l'organisation économique de la filière fruits et légumes.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page