5. L'action sur la demande - promouvoir la défense de l'Europe
Tous les Etats européens bénéficient de la protection des Etats-Unis au travers de l'Alliance atlantique. Beaucoup en ont profité pour réduire leur outil de défense au-delà du raisonnable. Ils bénéficient aujourd'hui de cette sécurité, sans en payer le prix. Cette situation pourrait ne pas durer si les Etats-Unis se lassaient de payer pour les Européens. Il faut donc que, dans le respect de leurs alliances, les Européens se prennent en charge eux-mêmes.
Mais pas plus que la défense des Etats-Unis ne repose sur les seuls Etats de Floride et de Californie, la défense de l'Europe ne peut reposer exclusivement sur la France et le Royaume-Uni. La défense de l'Europe est aujourd'hui une nécessité parce que plus aucun Etat européen n'a les moyens d'assumer seul les coûts d'un outil de défense permettant de satisfaire les principales fonctions stratégiques. Il est donc nécessaire que chacun y contribue à la même hauteur, avec le même pourcentage d'effort. Cela aussi fait partie de la solidarité européenne.
Les réflexions qui précèdent permettent de voir en quoi l'absence de réflexion stratégique partagée au niveau européen entrave l'émergence d'une authentique politique de défense européenne.
Si l'on souhaite mettre en place une politique de défense européenne, la première chose par laquelle commencer est bien de mener une analyse stratégique partagée avec une même vision géostratégique, une même vision des conflits futurs, partageant les mêmes ambitions et définissant ensemble les grandes lignes de l'outil de défense.
Tant qu'il n'y aura pas d'accord sur tout cela, il ne pourra y avoir de politique de défense européenne, pas plus que la constitution d'une base industrielle de défense européenne, tout au plus la mise en place de quelques centrales d'achats 20 ( * ) et des projets ponctuels. Bref, un « Livre blanc sur la défense européenne » n'est pas une option pour ceux qui souhaiteraient que la France soit porteuse d'une ambition européenne. Il en est le préalable.
* 20 Dans un article paru dans le journal Le Monde, le 21 mai 2012, le professeur Jolyon Howorth de Yale et le Général Jean-Paul Perruche, directeur de recherches à l'INSERM déclarent : « L'expérience franco-britannique lancée il y a dix-huit mois par le traité de défense de Lancaster House montre que le bénéfice à escompter de la mutualisation et du partage est proportionnel à l'interdépendance acceptée, c'est-à-dire "in fine" à la souveraineté partagée. Il y a peu de chances que la simple coordination de moyens nationaux soit à la mesure du problème capacitaire et d'ambition des Européens. Le partage de souveraineté n'a de sens que s'il s'intègre dans des politiques convergentes, des objectifs de sécurité et des stratégies partagés, c'est-à-dire dans un processus d'intégration politique. Même s'il peut paraitre un objectif utopique à certains, le partage de souveraineté est sans doute préférable à la perte de souveraineté que génèrent les coupes budgétaires et les déficits capacitaires nationaux qu'elles engendrent. La mutualisation et le partage ont des incidences politiques, économiques, industrielles et opérationnelles. L'UE a l'avantage d'être un projet politique global, là où l'OTAN ne traite que de sécurité ; elle est aussi le lieu où les Européens créent des intérêts communs, il serait logique qu'elle soit aussi le lieu où ils les défendent ensemble. ».