4. Repenser le marquage CE
a) Inciter la Commission à prendre pleinement en compte les exigences de sécurité des dispositifs médicaux

Quelques mois après l'adoption de la directive 2007/47/CE du 5 septembre 2007, la Commission européenne a pris l'initiative de lancer une grande consultation relative aux dispositifs médicaux. Le scandale des prothèses PIP a souligné l'urgence qui s'attache à poursuivre sur la voie du renforcement de la réglementation.

L'idée de départ était d'aboutir à une proposition de révision de la réglementation pour juillet 2012.

Confrontée à ce drame, qui concerne près de quatre-vingt-dix mille personnes dans toute l'Union, la Commission a appelé les Etats membres, le 9 février 2012, à prendre des mesures immédiates pour « assurer la pleine et stricte application de la législation actuelle » . Par la voix de John Dalli, commissaire à la santé et à la politique des consommateurs, elle appelait de ses voeux une action concertée dans trois directions : renforcer les contrôles, accroître la surveillance, restaurer la confiance.

Les mesures préconisées tendent notamment à :

- vérifier les désignations des organismes notifiés, afin de garantir qu'ils ne le sont que pour le champ d'évaluation qui correspond à leurs moyens et compétences ;

- s'assurer de la réalisation d'une véritable évaluation de la conformité, y compris par des inspections inopinées chez les fabricants ;

- renforcer la surveillance du marché ;

- améliorer les modalités de la matériovigilance, en facilitant la déclaration et l'analyse des événements indésirables ;

- mettre au point des outils permettant d'assurer la traçabilité des dispositifs médicaux.

Beaucoup de ces mesures rejoignent les recommandations que la mission sera amenée à formuler : au niveau européen comme au plan national, la première urgence consiste tout simplement à mettre véritablement en oeuvre les dispositions qui existent déjà.

Qu'il s'agisse du fonctionnement des organismes notifiés, de la surveillance du marché, de la coordination des interventions ou de la transparence de la matériovigilance, la Commission partage largement les vues de la mission, qui sont détaillées ci-après.

Sur le plan plus général de la refonte des directives existantes, la Commission a fait le choix de privilégier le renforcement du marquage CE plutôt que de mettre en place une véritable AMM pour les dispositifs les plus risqués . Pour écarter cette assimilation au médicament, la commission se fonde notamment sur des considérations financières : elle estime que la création d'une nouvelle agence dédiée au contrôle des dispositifs médicaux, voire un élargissement des missions de l'Agence européenne du médicament, relèvent de l'utopie car cela supposerait de mobiliser des ressources scientifiques et techniques très variées, pour un coût qu'elle juge inacceptable. Laisser le soin à chaque Etat membre d'autoriser la mise sur le marché de ces dispositifs conduirait à devoir mettre en oeuvre un mécanisme de reconnaissance mutuelle, lui aussi fort onéreux.

Interrogés par la présidente et le rapporteur de la mission, le 6 juin 2012, les services de la Commission ont d'ailleurs indiqué privilégier un renforcement des dispositions existantes. Un « marquage CE renforcé » serait mis en place. Le comité restreint du MDEG 72 ( * ) disposerait d'un pouvoir d'évocation de l'ensemble des dispositifs de classe III et en cas de suspicion de problèmes sanitaires pour les autres. Un tel système permettrait également de vérifier l'homogénéité du travail des organismes notifiés. Il favoriserait l'information des autorités nationales, averties en amont de l'arrivée de nouveaux produits sur le marché.

Certains - les fabricants notamment - objecteront probablement qu'un tel dispositif retarderait la mise sur le marché de dispositifs innovants. D'autres regretteront, à l'inverse, que le comité n'ait que la faculté de délivrer un simple avis, plutôt que de disposer d'un véritable pouvoir de blocage de la certification. Si la question n'est pas encore tranchée, la Commission objecte, en tout état de cause, que l'avis rendu par le comité sera immanquablement suivi d'effet de la part des organismes notifiés.

Par courrier en date du 20 février 2012, la France et cinq autres Etats membres ont fait part à la Commission de leur préoccupation quant au renforcement des exigences de mise sur le marché des dispositifs médicaux.

La révision de la directive a pris du retard. Prévue pour le printemps, elle est aujourd'hui annoncée pour l'automne 2012. Ce délai doit être mis à profit pour prendre en compte cette préoccupation, afin de prévoir une véritable appréciation du rapport bénéfices-risques, de renforcer les pouvoirs de contrôle des organismes notifiés et d'instituer un mécanisme d'autorisation des dispositifs médicaux de classe III les plus risqués.

Proposition n° 8 :
Inciter la Commission, dans le cadre de la refonte des directives, à prendre pleinement en compte les exigences de sécurité des dispositifs médicaux

b) Créer une liste positive des dispositifs médicaux les plus risqués au niveau européen

Parallèlement à la réflexion menée par la Commission, qui devrait déboucher sur un projet de règlement à l'automne, le Parlement européen s'est saisi de l'affaire PIP. Le 14 juin 2012, il a adopté une résolution « sur les implants mammaires en gel de silicone défectueux fabriqués par la société française PIP » .

La résolution pointe du doigt l'échec du système de certification des organismes notifiés et appelle à tirer les leçons de cette fraude. Ce texte invite par conséquent les autorités nationales et communautaires à renforcer la qualité des contrôles exercés par les organismes notifiés et à améliorer la traçabilité de ce type d'implants.

Le Parlement européen élargit la problématique au cas des prothèses de hanche, laquelle, estime-t-il, illustre également « l'échec de l'actuel système de certification de la conformité aux exigences essentielles de santé et de sécurité ainsi que de la surveillance et des contrôles effectués par les organismes notifiés par les autorités nationales compétentes ».

Il considère que « le souhait de garantir au patient un accès rapide à de nouveaux dispositifs médicaux ne doit jamais prévaloir sur la nécessité d'assurer sa sécurité » .

La mission partage cette préoccupation, tout comme la demande d'un renforcement des contrôles des dispositifs médicaux déjà sur le marché.

La résolution appelle la Commission à examiner « la nécessité d'une autorisation de mise sur le marché pour les dispositifs médicaux dangereux, qui soit conforme ou analogue aux obligations à remplir pour les produits médicaux » . Ce parallèle avec le médicament peut être approuvé s'il s'agit d'accroître les exigences requises pour assurer la sécurité des dispositifs médicaux avant leur mise sur le marché. Subordonner la certification d'un nouveau dispositif médical risqué à la réalisation d'essais cliniques préalables permettrait de créer une liste positive , ce que souhaite vivement la mission.

En revanche, il n'est pas possible de transposer au dispositif médical l'ensemble de la procédure d'autorisation de mise sur le marché applicable au médicament, compte tenu des spécificités de ce secteur (multiplicité des classes de produits, rythme de l'évolution technologique, équilibre économique des entreprises innovantes...).

Proposition n° 9 :
Créer une liste positive des dispositifs médicaux
les plus risqués au niveau européen

c) Interdire l'utilisation de produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques dans les dispositifs médicaux

En revanche, on peut regretter que ni la Commission ni le Parlement européen n'aient saisi l'occasion pour prendre en considération la question de l'utilisation de produits cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) dans les dispositifs médicaux.

Pour certaines substances, comme les phtalates, le débat est déjà ancien. Dans certaines conditions, cette substance, dont la toxicité est établie, est susceptible d'être relarguée par le plastique. C'est pourquoi la directive 2007/47/CE a institué un étiquetage obligatoire pour les dispositifs médicaux contenant des phtalates lorsqu'ils sont « destinés à administrer dans l'organisme et/ou à retirer de l'organisme des médicaments, des liquides biologiques ou autres substances ou des dispositifs destinés au transport et au stockage de ces liquides ou substances » . La directive exige également la justification spécifique de l'utilisation de cette substance et l'indication dans la notice d'information des risques résiduels et des mesures de précaution appropriées dans le cas où les dispositifs médicaux sont spécialement destinés aux enfants ou aux femmes enceintes ou allaitant. Ces dispositions sont entrées en vigueur en mars 2010.

Dans des recommandations formulées en mars 2009, l'Afssaps avait invité ces populations à risque à « rechercher des solutions de substitution » . Aujourd'hui, la révision des directives relatives aux dispositifs médicaux offre l'occasion d'aller plus loin car il n'est pas acceptable qu'un dispositif médical implantable soit plus dangereux qu'un jouet quand il est question de substances cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques.

Proposition n° 10 :
Interdire l'ensemble des CMR de catégorie 2 dans les dispositifs médicaux destinés aux nourrissons, jeunes enfants et femmes enceintes


* 72 Le « Medical Device Expert Group » regroupe les autorités compétentes des Etats membres, les fabricants et les autres parties prenantes du secteur des dispositifs médicaux intéressés à la mise en oeuvre des directives les concernant. Il peut se réunir en comité restreint, ne comprenant que les autorités compétentes.

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