CONCLUSION

La réforme de la carte judiciaire laisse le sentiment d'une occasion manquée. Dès sa conception, elle a été fragilisée par la méthode retenue, sa précipitation et l'impression qu'elle a laissée que tout avait été décidé à l'avance. Par défaut de perspective, elle a été conduite à l'envers : la réflexion sur les implantations judiciaires a précédé celle sur les missions de la justice et l'organisation judiciaire.

La nouvelle carte judiciaire s'est donc trouvée en décalage avec les autres réformes touchant la justice, ce qui a placé les juridictions dans la situation difficile de devoir gérer, en même temps, la disparition ou l'absorption d'une autre juridiction, et les changements provoqués par l'évolution des contentieux.

Si l'effort déployé par le ministère de la justice pour accompagner la réforme a porté des fruits, notamment en matière immobilière ou - de manière plus controversée -  pour le suivi des personnels, le bilan financier de l'opération est encore incertain, et nombre de promesses de compensation, notamment pour garantir le maintien d'une présence judiciaire, n'ont pas été tenues.

Promue pour garantir la qualité de la justice, la spécialisation des magistrats, et l'amélioration du fonctionnement des juridictions, elle n'a finalement que très partiellement atteint ses objectifs.

La rationalisation engagée des implantations judiciaires a certes abouti à la suppression de juridictions qui ne présentaient plus des niveaux d'activité suffisants, mais elle a été contrariée par les dysfonctionnements ou les incohérences suscitées par ailleurs par la réforme elle-même.

Le redéploiement des effectifs a certes permis de renforcer des juridictions qui en avaient besoin, mais, emportées par une logique budgétaire, les suppressions de postes ont laissé certains tribunaux dans une grande difficulté.

Éprouvant durement les magistrats et les personnels judiciaires, elle n'a pourtant dû qu'à leur dévouement et à leur compétence de ne pas compromettre la continuité du service public de la justice.

Trop souvent, le justiciable a payé le prix de la réforme. Certains territoires ont été abandonnés. Les délais de traitements contentieux ont significativement augmenté et, surtout, la justice s'est éloignée des citoyens, sans qu'aient toujours été mises en place, les structures censées garantir l'accès au droit. Il est à craindre que certains justiciables se soient eux-mêmes, en retour, éloignés de la justice. Des pistes existent pour remédier aux principales conséquences négatives de cette réforme.

Une politique volontariste de maintien de la présence judiciaire dans les lieux qui en sont privés doit être mise en oeuvre, en mobilisant les moyens nécessaires. Au-delà, il sera nécessaire de réfléchir à une nouvelle organisation judiciaire, qui garantisse l'accès au juge de tous les justiciables.

Le chantier de la carte judiciaire est encore ouvert. Cependant, l'institution judiciaire, qui a besoin de stabilité, mérite que ce chantier ne s'engage qu'après une réflexion et une concertation larges, portées devant le Parlement.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page