III. SI LA FRANCE A JETÉ LES BASES D'UNE STRATÉGIE MARITIME, LE LIVRE BLANC SUR LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ NATIONALE DE 2008 N'A PAS PRIS LA JUSTE MESURE DE CET IMPÉRATIF

Le niveau d'ambition de la France sur les océans se mesurera dans les prochains mois en partie aux choix qui seront faits pour maintenir ou non ces programmes d'équipement qui ont vocation à assurer le renouvellement de la flotte.

Le débat qui s'annonce ne se résume pas à un débat budgétaire, il faut au préalable définir à partir d'une analyse du contexte stratégique, les menaces et les enjeux auxquels la France sera confrontée dans les prochaines années.

C'est la vocation du prochain Livre blanc qui redéfinira les principaux enjeux de la sécurité et de la défense du pays au regard des évolutions observées depuis 2008.

A. LE LIVRE BLANC FRANÇAIS SUR LA DÉFENSE ET LA SÉCURITÉ NATIONALE DE 2008 N'A PAS BIEN PRIS EN COMPTE L'IMPORTANCE STRATÉGIQUE DES OCÉANS

Le Livre blanc de 2008 a-t-il été une occasion perdue pour le fait maritime ? Beaucoup le pensent, certains l'ont dit lors des auditions en appelant de leurs voeux une stratégie maritime adaptée aux enjeux du XXI e siècle, car c'est à partir de cette stratégie maritime que les choix capacitaires de demain devront être faits.

Or, dans le contexte institutionnel français, cette stratégie maritime doit s'intégrer dans la définition globale des ambitions nationales et des objectifs de sécurité de défense tels qu'ils sont définis à échéance régulière dans les livres blancs.

A la lecture du texte de 2008, force est de constater que la dimension stratégique des océans et leur importance pour la France ont été sous-estimés.

Dans son analyse stratégique, le Livre blanc souligne plusieurs enjeux d'importance pour la France mais omet souvent leurs perspectives maritime et navale.

L'arc de crise allant de l'Atlantique à l'océan Indien n'est ainsi appréhendé qu'au travers des pays riverains des océans. Pourtant, les océans constituent un trait d'union entre les pays mais aussi des zones potentielles de conflit : détroit d'Ormuz, golfe d'Aden, golfe de Guinée, océan Indien.

De même, l'importance stratégique de la liberté de circulation des biens et des personnes qu'offrent les océans est sous-estimée, alors qu'elle est capitale aussi bien pour nos économies qu'en matière militaire comme l'ont illustrée les récentes opérations (Libye, République de Côte d'Ivoire).

Notre dépendance à l'égard des matières premières, la compétition pour les ressources, les conséquences des progrès technologiques en matière d'extraction sous-marine et d'énergies marines et celles du réchauffement climatique ne sont pas traitées à leur juste mesure.

Même si le Livre blanc reconnaît la dimension stratégique des flux, il n'a pas perçu que la mondialisation se traduisait par une fluidification des échanges, synonyme, le plus souvent, d'une maritimisation.

La compétition pour l'accès aux ressources off-shore, la concentration des richesses sur les littoraux, notre dépendance à l'égard des flux ne sont pas perçues comme des éléments stratégiques structurants.

A l'heure où cette mondialisation nous rend davantage dépendants de ce qui se passe loin de la France, le Livre blanc s'est avant tout focalisé sur la métropole en omettant même une véritable réflexion stratégique sur la position de la France dans le monde et sur l'importance des DOM/COM.

De ce fait l'importance stratégique des espaces sous souveraineté française ou ceux sur lesquels la France a une autorisation exclusive d'exploitation n'est pas clairement désignée et défendue.

La sensibilité croissante des Etats en matière de souveraineté et les tensions liées à l'exploitation des ressources naturelles qui pourraient entraîner des revendications croissantes de territorialisation des espaces maritimes non déclarés ne sont pas perçues comme des évolutions majeures du contexte géostratégique.

Les DOM-COM ne sont dès lors pas perçus comme des atouts économiques, ni stratégiques. Le Livre blanc préconise de resserrer le dispositif en présence dans ces territoires autour des questions relatives à la sécurité civile et aux catastrophes naturelles.

Le Livre blanc souligne le rôle stratégique du prépositionnement des forces dans une vision avant tout terrestre. Cette vision a conduit au développement de bases militaires dans plusieurs pays étrangers. Le Livre blanc rationalise ce dispositif terrestre mais ne prend pas suffisamment en compte les possibilités offertes par les océans voire par la mise en place de forces terrestres sur des bâtiments prépositionnés pour intervenir sur toute une région plutôt que sur un pays.

Comme l'illustre la mission Corymbe, un bâtiment de la Marine dans le golfe de Guinée a une capacité d'action régionale et permet tout à la fois de transporter des forces, de les soutenir quand elles sont à terre, d'évacuer éventuellement des ressortissants, de lutter contre la piraterie ou contre le trafic de stupéfiants.

L'intervention récente de la frégate La Motte-Piquet au côté des Américains dans le Golfe arabo-persique est une autre illustration de la réactivité offerte par le prépositionnement dynamique. Une bonne prise en compte du fait maritime offre donc au politique une clé de compréhension géopolitique et une capacité d'action élargies à l'échelle de la région.

La sous-estimation des enjeux maritimes de long terme ne permet pas toujours d'anticiper correctement les besoins en équipements de la Marine.

Page mise à jour le

Partager cette page