C. UNE INSTITUTION AU BORD DE L'ASPHYXIE

L'entrée en vigueur du Protocole n°11 a coïncidé avec l'adhésion au Conseil de l'Europe et à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales d'un nombre important d'États issus des anciens régimes communistes d'Europe centrale et orientale (voir carte ci-après).

Source : site Internet de la Cour européenne des droits de l'homme.

Cette évolution s'est traduite par une croissante exponentielle des requêtes portées devant la Cour - qui ont été multipliées par douze en l'espace de dix ans 15 ( * ) .

1. Le droit de recours individuel, « clé de voûte » du mécanisme de protection des droits de l'homme en Europe

La Cour européenne des droits de l'homme peut être saisie, soit par un État partie (article 33 de la Convention), soit « par toute personne physique, toute organisation non gouvernementale ou tout groupe de particuliers qui se prétend victime d'une violation des droits reconnus dans la Convention ou ses Protocoles » (article 34).

Alors que les rédacteurs de la Convention plaçaient de nombreux espoirs dans les requêtes étatiques, celles-ci sont, en définitive, demeurées rares.

Seules une vingtaine de requêtes étatiques ont été portées devant la Cour européenne des droits de l'homme depuis sa création :

- deux requêtes de la Grèce contre le Royaume-Uni (1956 et 1957) au sujet de la situation à Chypre, alors sous administration britannique ;

- une requête de l'Autriche contre l'Italie (1960) concernant une procédure pénale ayant abouti à une condamnation pour un meurtre commis au Tyrol du Sud ;

- quatre requêtes (Danemark, Norvège, Suède et Pays-Bas, 1967) et une requête conjointe (Danemark - Norvège - Suède, 1970) contre la Grèce à l'époque du régime des Colonels ;

- deux requêtes de l'Irlande contre le Royaume-Uni (1971 et 1972) relatives à l'Irlande du Nord. Pour la première fois, des requêtes étatiques ont été déférées à la Cour européenne des droits de l'homme et ont donné lieu à un arrêt (18 janvier 1978) ;

- quatre requêtes de Chypre contre la Turquie (1974, 1975, 1977 et 1994) suite à l'intervention turque à Chypre en 1974. La dernière a été examinée par la Cour, qui a rendu un arrêt le 10 mai 2001 ;

- cinq requêtes introduites en 1982 par le Danemark, la France, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède contre la Turquie après les événements de septembre 1980. Un règlement amiable entériné dans un rapport de la Commission a mis un terme à cette affaire ;

- une requête du Danemark contre la Turquie (1997) contenant des allégations de torture sur un citoyen danois en garde à vue par la police turque. L'affaire s'est conclue par un règlement amiable entériné par la Cour ;

- une requête de la Géorgie contre la Russie (26 mars 2007) concernant la réaction des autorités russes suite à l'arrestation à Tbilissi d'officiers russes soupçonnés d'espionnage.

Source : Pierre-Henri Imbert, « Convention européenne des droits de l'homme
de 1950 et ses protocoles », Jurisclasseur Libertés.

En revanche, le droit de recours individuel, garanti par l'article 34 de la Convention, qui a été généralisé en 1998 avec l'entrée en vigueur du Protocole n°11 (voir supra ), explique, combiné à l'extension du nombre d'adhésions au Conseil de l'Europe, à la fois le succès de la Cour dans la promotion et la sauvegarde des droits de l'homme en Europe mais également les difficultés matérielles auxquelles elle est aujourd'hui confrontée.

La Cour, qui considère le droit de recours individuel comme faisant partie « des clefs de voûte du mécanisme de sauvegarde des droits de l'Homme » (CEDH, 4 février 2005, Mamatkulov et Askarov c. Turquie ), a en effet eu l'occasion de rappeler que le droit de saisine de la Cour était absolu et qu'il ne souffrait d'aucune entrave .

Or aujourd'hui, environ 800 millions d'individus ont la possibilité de saisir la Cour européenne des droits de l'homme .

A l'heure actuelle, la Fédération de Russie, la Turquie, l'Italie 16 ( * ) , la Roumanie et l'Ukraine sont les plus gros « pourvoyeurs » de requêtes.


* 15 7 771 requêtes étaient pendantes le 31 décembre 1998 ; ce nombre avoisinait les 95 000 en octobre 2008 (chiffres cités par M. Jean-Paul Costa, président de la Cour européenne des droits de l'homme, dans son allocution d'ouverture au séminaire consacré aux dix ans de la « nouvelle » Cour européenne des droits de l'homme, qui s'est tenu à Strasbourg le 13 octobre 2008).

* 16 En ce qui concerne l'Italie, une part très significative des requêtes se fonde sur la longueur des procédures judiciaires dans ce pays.

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