III. REDIMENSIONNER LES DISPOSITIFS ET RESPONSABILISER LES PUBLICS

L'efficacité des prestations fournies par l'office français de l'immigration et de l'intégration conditionne d'autant plus fortement la réussite de la politique d'intégration qu'il en est devenu, depuis le rapprochement avec l'ACSÉ, l'acteur quasi-exclusif.

Depuis plusieurs années, en particulier depuis la formalisation du parcours d'intégration et de son pilier, le contrat d'accueil et d'intégration, l'office a développé et rationnalisé l'ensemble des outils d'intégration , tout au moins sur les plans linguistiques, civiques et professionnels qui en sont les composantes essentielles. Bons dans leurs principes, ces outils apparaissent cependant mal dimensionnés par rapport aux objectifs qu'ils se donnent et aux ambitions de la politique française d'intégration.

Il s'agira, dans cette partie conclusive, de dresser un ensemble de recommandations, portant sur les principales prestations de l'OFII, qui devraient permettre d'effectuer ce redimensionnement dans le sens d'une meilleure efficacité des politiques d'intégration .

A. RESPONSABILISER LES ÉTRANGERS DANS LEUR CURSUS D'INTÉGRATION

1. Instaurer une participation financière des étrangers aux frais des formations linguistiques

Actuellement, l'ensemble des formations d'intégration, linguistiques et civiques, contenues dans le contrat d'accueil et d'intégration et même au-delà, sont intégralement financées par l'OFII et sont donc gratuites pour l'étranger . Certes, les étrangers les paient indirectement, dans la mesure où les ressources de l'office proviennent majoritairement des droits de timbre acquittés par eux lors de la délivrance de leurs titres de séjour. Cependant, de tels droits de timbre sont exigés dans la quasi-totalité des pays européens, y compris ceux où les étrangers participent aux frais de formation. Par ailleurs, il n'y a pas de relation proportionnelle ou logique entre le niveau des taxes acquittées par un étranger et le nombre de formations auquel il aura droit.

Votre rapporteur spécial recommande donc d'instaurer une participation financière des étrangers aux frais de formation , qui aurait pour principal avantage de réduire la part financée par l'OFII et, ainsi, de compenser une éventuelle élévation du niveau requis. Elle aurait également l'intérêt de responsabiliser les étrangers dans leurs parcours de formation et limiterait les abandons, pour autant, bien sûr, que les formations soient payées forfaitairement en début de formation.

Cette recommandation s'inspire du système pratiqué au Royaume-Uni, ainsi que chez notre partenaire d'Outre-Rhin. En Allemagne , le coût horaire moyen d'une formation, tel qu'il est facturé aux prestataires, est de 2,54 euros par heure de cours et par participant. A cet égard, bien qu'elle soit à relativiser, la différence avec le coût horaire français, de 6,05 euros par heure et par participant en moyenne, conduit à penser que des marges d'économies importantes existent, en France, dans les contrats de marchés publics passés avec les prestataires privés , à condition de stimuler la concurrence entre ces derniers sans remettre en cause la qualité de la formation dispensée (qualification des formateurs, locaux, outils techniques) 7 ( * ) .

Sur ce coût de 2,54 euros en Allemagne, les étrangers participent à hauteur de 1,20 euro et l'office fédéral prend en charge la partie restante de 1,34 euro . Le parcours d'intégration comprenant au minimum 660 heures, son coût est donc de 1 676,40 euros, financés à hauteur de 792 euros par l'étranger participant et de 884,40 euros par l'office fédéral. Certes les migrants peuvent faire supporter une partie de ce coût par des aides sociales diverses, mais ces dernières, qui ne peuvent en couvrir la totalité, n'annulent pas le fort effet de responsabilisation de la mesure.

Au total, les cours d'intégration représentent, en Allemagne, une dépense de 224 millions d'euros , contre 60 millions d'euros en France . Avec un budget moins de quatre fois supérieur, l'Allemagne peut ainsi financer, pour environ trois fois plus de participants (98 000 nouveaux participants en 2011 contre environ 35 000 participants CAI et hors CAI) des formations linguistiques jusqu'à cinq fois plus longues, permettant d'atteindre le niveau B1 minimum, ainsi que des formations dites d'orientation sur les valeurs de l'Allemagne et la vie en Allemagne, d'une durée de 60 heures, soit dix fois la durée de la formation civique française.

Le parcours d'intégration de l'office fédéral allemand pour les migrations et les réfugiés ( Bundesamt für Migration und Flüchtlinge )

L'office fédéral pour les migrations et les réfugiés est l'acteur central de la politique d'immigration et d'intégration de l'Allemagne. Il est, en particulier, compétent pour l'organisation des procédures de demande d'asile et la protection des réfugiés, mais également pour la mise en oeuvre de la politique d'intégration. En ce sens, il rassemble les compétences exercées en France à la fois par l'OFII et par l'office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).

La politique d'intégration mise en oeuvre par l'office fédéral s'articule essentiellement autour du parcours d'intégration ( Integrationskurs ) composé de cours de langue allemande et de cours d'orientation. Le parcours normal est composé de 660 heures de formation linguistique .

Afin de s'adapter aux publics concernés, il existe également des parcours spécifiques (parcours d'alphabétisation, d'intégration féminine, d'intégration pour les jeunes, d'intégration pour les parents, et parcours intensif, destiné aux personnes très qualifiées). Dans le cadre de ces parcours spécifiques, la durée de la formation linguistique est comprise entre 400 heures (parcours intensif) et 960 heures .

A côté de la formation linguistique, le parcours comprend également un cours d'orientation , dans le cadre duquel les étrangers sont familiarisés avec la culture, l'histoire, le système juridique et les valeurs démocratiques allemandes, ainsi que la vie quotidienne en Allemagne. Cette formation, qui correspond aux formations civique et « Vivre en France » de l'OFII, dure 60 heures.

La formation linguistique et la formation d'intégration sont sanctionnées par deux examens distincts. S'agissant de la langue, le test « Allemand pour les Immigrants » (« Deutsch-Test für Zuwanderer ») comprend une partie orale et une partie écrite ; le niveau requis est le niveau B1 du cadre européen . En cas d'échec, l'étranger bénéficie de 300 heures de cours de langue supplémentaires.

Tous les étrangers primo-arrivants, quelle que soit la raison de leur arrivée en Allemagne (professionnelle, familiale, humanitaire), peuvent bénéficier de ces parcours d'intégration, sauf les enfants et les jeunes inscrit dans une école ou une formation de droit commun. Les parcours sont obligatoires pour les étrangers bénéficiant de certaines prestations sociales ou sur demande de l'autorité régionale compétente 8 ( * ) .

Ces parcours ont été créés en 2005. Depuis cette date, 812 000 étrangers ont bénéficié de cette formation, dont 495 000 ayant obtenu le diplôme. En 2011, 98 000 nouveaux immigrants sont entrés dans ce parcours. Son coût total pour l'office fédéral est de 224 millions d'euros en 2011.


* 7 En Allemagne au contraire, le prix a été revu à la hausse en 2011, suite au constat d'une insuffisance des moyens alloués aux prestataires. Outre les écarts de coûts salariaux, la différence s'explique en partie par le fait qu'une « heure » de cours correspond en réalité, en Allemagne, à un cours de 45 minutes. Par ailleurs, le nombre plus important de bénéficiaires et d'heures de cours en Allemagne permet sans doute de réaliser certaines économies d'échelle. Enfin, il convient de prendre en compte les coûts particuliers liés aux formations en Outre-Mer.

* 8 Loi sur le séjour des étrangers (§44a Aufenthaltsgesetz).

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