II. L'EUROPE SPATIALE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE, ENTRE PUISSANCE ET INTERDÉPENDANCE

Une politique spatiale ambitieuse est nécessaire, d'une part dans l'intérêt de l'Europe, d'autre part pour traiter de problématiques mondiales, en coopération avec les autres puissances spatiales.

A. L'ESPACE : UNE AMBITION NÉCESSAIRE POUR L'EUROPE

La maîtrise des technologies spatiales est un enjeu politique et de souveraineté ; mais aussi un enjeu économique et industriel. Il s'agit des deux facettes d'une même ambition : celle de l'autonomie européenne.

1. Une ambition industrielle et technologique

Cette ambition industrielle et technologique nécessite de réduire la dépendance de l'Europe dans certains secteurs technologiques clefs, et d'aider les industriels européens, confrontés à une concurrence internationale croissante, à consolider leurs positions commerciales et donc leur compétitivité.

a) Réduire la dépendance de l'Europe

La dépendance de l'Europe pour son approvisionnement en certains composants est problématique dans le contexte de l'existence des règles d'exportation américaines ITAR, qui engendrent des contraintes pour les industriels européens. Plus généralement, en dehors du contexte ITAR, cette dépendance est préjudiciable à la compétitivité de l'industrie européenne.

(1) Les règles ITAR

Les règles ITAR interdisent aux industriels européens d'exporter sans autorisation des produits qui comporteraient des composants ou technologies développés aux États-Unis, obligeant ces industriels à développer de coûteuses filières « non ITAR » (ITAR free) comme l'a fait Thalès Alenia Space, néanmoins objet d'une investigation de la part du département d'État américain, en lien avec l'exportation de son satellite W3C à la Chine.

Ce pays est en effet la cible principale des règles ITAR, depuis la publication en 1999 d'un rapport parlementaire l'accusant d'espionnage industriel 34 ( * ) . Était notamment incriminée dans ce rapport l'attitude des autorités chinoises et de deux industriels américains, à la suite du crash de plusieurs satellites américains sur le territoire chinois. Ces échecs auraient conduit lesdits industriels à suggérer aux Chinois des améliorations de leur fusée Longue Marche, de nature à en accroître la fiabilité, qui leur auraient été utiles d'un point de vue non seulement commercial mais aussi militaire.

Cette situation, inextricable au plan du droit international, est surtout inacceptable sur le plan politique dans la mesure où des entreprises européennes sont théoriquement susceptibles de subir des sanctions économiques en conséquence.

LES RÈGLES I TAR

L'ensemble des règles d'exportation ITAR (International Traffic in arms regulations), destinées à « assurer la paix et la sécurité nationale et internationale » concerne les transferts d'armement et activités connexes. Ce champ comprend toutes les technologies militaires et composants qui y sont attachés. Le concept « d'exportation » est étendu, à l'extérieur des États-Unis mais également, à l'intérieur du territoire américain, aux étrangers qui travaillent pour des compagnies américaines. Les règles d'exportation s'appuient entre autres sur la liste de munitions USML (United States Munitions List) qui comporte une vingtaine de catégories. Les items spatiaux sont contenus dans deux catégories distinctes suivant qu'ils sont associés au lanceur (catégorie IV) ou au satellite (catégorie XV). En s'intéressant au détail des deux listes, il devient évident qu'il est quasiment impossible qu'un item spatial ne soit pas sous régulation ITAR tant la liste est exhaustive. Pour les partenaires internationaux, cette exhaustivité pose aussi problème dans la mesure ou si un seul composant de leur produit, aussi insignifiant soit-il, est sous la législation ITAR, ils doivent passer par des procédures d'approbation pour la commercialisation de leur produit ou sa réexportation. La mise en oeuvre de ces procédures est éclatée entre plusieurs institutions dont le Département du commerce pour tout ce qui n'est pas sur la liste USML et la direction du contrôle des échanges du Département d'État pour tout ce qui est inclus dans la liste USML. Les entreprises qui ne respecteraient pas les règles ITAR sont soumises à des pénalités élevées de 500.000 $ par violation si aucune intention criminelle n'est décelée, et de plus d'un million de dollars par violation si une intention criminelle a pu être prouvée.

Source : Mission pour la Science et la Technologie de l'Ambassade de France aux États-Unis

L'assouplissement des règles ITAR est actuellement en débat aux États-Unis. En effet, ces règles sont remises en cause par les industriels américains, qui leur reprochent d'avoir fait diminuer leurs parts de marché, en raison de procédures fastidieuses. Un rapport récent des départements d'État et de la Défense préconise de retirer des centaines de composants de la liste des munitions, pour les placer sous la responsabilité du Département du Commerce, au titre de la « Commerce control list ». Trois classes d'objets seraient particulièrement visées :

- les satellites de télécommunications ne possédant pas de composants classifiés ;

- les satellites de détection, en deçà de certains seuils de performance ;

- tout composant, système ou sous-système associé à ces types de satellites.

L'exemption de licence ne concernerait en tout état de cause pas les pays soumis à un embargo sur les armes (Iran, Corée du nord, Chine).

L'assouplissement des règles ITAR aurait des effets ambigus pour les industriels européens. Il est probable que ce changement serait plus négatif que positif. Les procédures d'acquisition de composants américains seraient certes simplifiées, permettant de raccourcir les délais de fabrication, mais au prix d'un retour en force probable des industriels américains qui sont, les premiers, victimes de ces règles.


* 34 Final Report of the Select Committee on U.S. National Security and Military/Commercial Concerns with the Peoples' Republic of China (présidé par Christopher Cox).

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