B. UNE ACTION SPÉCIFIQUE QUI S'EST CONSIDÉRABLEMENT ÉTOFFÉE AU COURS DES DERNIÈRES ANNÉES

1. La création, à partir des années 1990, d'organes dédiés à la promotion de l'intégration des Roms

A partir des années 1990, la question de la situation des Roms sur le territoire du Conseil de l'Europe s'est posée avec davantage d'acuité, du fait de l'adhésion des pays d'Europe centrale et orientale. Face au risque tant d'une duplication des actions menées par les différents organes que d'un manque de suivi régulier, le Conseil de l'Europe a élaboré des programmes destinés spécifiquement aux Roms, afin d'apporter une réponse ciblée au défi de leur intégration.

En 1994, le Secrétaire général du Conseil de l'Europe a nommé un Coordonateur pour les Roms et les Gens du voyage , chargé de coordonner les activités du Conseil de l'Europe dans ce domaine, de conseiller le Secrétaire général sur ces questions, de tisser des liens avec les organisations roms et de coopérer avec les autres organisations internationales concernées, en particulier l'Union européenne et l'OSCE.

Puis, en septembre 1995, la création d'un Comité d'experts sur les Roms et les Gens du voyage (MG-S-ROM) a également été décidée. Ce comité, qui se réunit deux fois par an, rassemble des membres désignés par les États membres, ainsi que des représentants de l'Assemblée parlementaire, du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et de l'ECRI. La Commission européenne peut également y siéger en qualité d'observateur. Il joue, en quelque sorte, un rôle de conseil auprès des États membres. Il est chargé de suivre l'évolution de la situation des Roms et des Gens du voyage dans les États membres au regard des différents instruments juridiques conclus dans le cadre du Conseil de l'Europe. Il analyse et évalue également les politiques et les pratiques des États membres à l'égard des Roms et des Gens du voyage. Surtout, il peut élaborer des lignes directrices pour l'élaboration de politiques nationales destinées à promouvoir les droits des Roms et des Gens du voyage.

La création de ces deux nouvelles structures - le Coordonateur et le MG-S-ROM - s'est également traduite, dans les structures administratives internes du Conseil de l'Europe, par la mise en place d'une division dédiée aux Roms et aux Gens du voyage.

2. La mise en place d'instances représentatives des Roms au niveau paneuropéen

L'action du Conseil de l'Europe en faveur des Roms a pris un nouveau tournant au début des années 2000 , suite à l'appel lancé par la Présidente de Finlande, Mme Tarja Halonen, « de créer pour les Roms, sous une forme ou une autre, une instance consultative pour les représenter au niveau paneuropéen », lors d'une allocution devant l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe le 24 janvier 2001. L'idée était de permettre aux Roms de faire entendre leur voix au niveau européen en faisant non seulement part de leurs préoccupations, mais aussi en prenant part aux décisions les concernant.

C'est ainsi qu'en 2004, le Forum européen des Roms et des Gens du voyage a vu le jour à Strasbourg. Instance autonome et indépendante des gouvernements, le Forum réunit des représentants de fédérations nationales et d'organisations internationales roms afin de défendre les droits des Roms et de veiller à leur plein respect.

D'autres réseaux ont également été créés afin d'assurer une meilleure représentation politique de ces populations sur la scène européenne. Il s'agit en particulier du Forum des jeunes Roms européens et du Réseau international des femmes roms (IRWN), qui vise à améliorer l'accès des femmes roms aux soins de santé et à l'emploi et à lutter contre les discriminations dont elles sont victimes.

3. La relance de l'action du Conseil de l'Europe depuis l'été 2010

Les évènements de l'été 2010 ont également contribué à renouveler l'approche du Conseil de l'Europe sur la question des Roms . Après la vague d'expulsion de campements Roms en Europe occidentale, le Secrétaire général a organisé une réunion à Strasbourg, en présence des représentants des 47 États membres du Conseil de l'Europe, de l'Union européenne et de la communauté rom, afin de condamner la discrimination largement répandue à l'encontre des Roms et leur marginalisation sociale et économique. Une « Déclaration de Strasbourg » a été adoptée le 20 octobre 2010, au sein de laquelle les acteurs se sont engagés sur trois séries de principes : la non-discrimination, la citoyenneté, les droits des femmes et des enfants ; l'inclusion sociale, notamment en matière d'éducation, de logement et de soins de santé ; et l'autonomisation, comme l'amélioration de l'accès à la justice.


L'action particulière du Conseil de l'Europe
en matière de lutte contre l'anti-tsiganisme :
l'exemple de la campagne Dosta !

Prenant acte du fort sentiment anti-Roms qui règne sur le territoire européen, le Conseil de l'Europe a lancé depuis 2006, avec le soutien financier de la Commission européenne, une campagne de sensibilisation, appelée Dosta ! - un terme romani qui signifie « ça suffit » - afin de faire tomber les préjugés qui frappent les Roms.

La question de la lutte contre l'anti-tsiganisme est un axe important du travail mené par le Conseil de l'Europe. A de multiples reprises, cette organisation a en effet rappelé que les Roms constituaient la minorité la plus persécutée d'Europe et qu'ils souffraient d'une image négative et erronée au sein de la société, étant associés tour à tour à un nomade ou à un voleur sale et associable. Le Commissaire aux droits de l'homme observe, en effet, dans son rapport de février 2012, « le profond enracinement de l'anti-tsiganisme ». Il s'inquiète du fait que des groupes extrémistes prennent, dans plusieurs pays européens, expressément pour cible les Roms. Il déplore également les stéréotypes anti-Roms qui se multiplient dans les médias à travers toute l'Europe. Aussi appelle-t-il les États membres à combattre « les préjugés et les stéréotypes qui sont le moteur de la discrimination et de la violence à l'égard des Roms et des Gens du voyage en Europe ». A cet égard, il rappelle à juste titre que « sans l'éradication de l'anti-tsiganisme, tous les efforts et programmes visant à l'intégration des Roms resteront vains ». Le Forum européen des Roms et des Gens du voyage fait un constat identique et estime que la lutte contre l'anti-tsiganisme doit être un préalable à toute action.

La campagne Dosta ! s'attaque à une quinzaine de préjugés profondément enracinés dans l'imaginaire collectif (le nomadisme, la musique et la danse, la criminalité, la propreté et la pureté, les coutumes, les métiers traditionnels, la tenue vestimentaire, la religion, les femmes, les enfants, l'éducation, l'emploi, le logement...) afin de les balayer. L'idée est de véhiculer une image positive des Roms, en mettant en avant le fait qu'ils ont des droits et des aspirations au même titre que les autres citoyens européens, et que la culture rom fait, par ailleurs, partie intégrante du patrimoine culturel européen et contribue à enrichir les sociétés européennes. La campagne s'appuie en particulier sur un site Internet, des spots pour la télévision et la radio, des projets scolaires et des formations pour les médias et les enseignants. Plusieurs conférences et des festivals destinés à promouvoir la culture rom ont également été organisés.

Un prix spécial Dosta ! a par ailleurs été créé en juin 2007 pour renforcer le rôle des collectivités locales dans le domaine de la protection des droits des Roms et des minorités. Ce prix récompense des initiatives créatives et innovantes susceptibles d'assurer l'intégration sur le long terme des Roms présents sur le territoire, tout en respectant la diversité de ces communautés et en assurant une participation active de ces populations à la vie démocratique.

La campagne Dosta ! a initialement été lancée en 2006-2007 dans cinq pays des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Monténégro, Serbie et ex-République yougoslave de Macédoine) puis étendue à la Moldavie et à l'Ukraine en 2008-2009. Depuis, l'Italie, la Roumanie, la Croatie et la Slovénie ont rejoint la campagne en 2008, suivies de la Lettonie en 2009, de la Bulgarie et de la France en 2010.

Dans la foulée de cette déclaration, le Secrétaire général a nommé un Représentant spécial pour les questions relatives aux Roms , M. Jeroen Schokkenbroek, afin de piloter la nouvelle approche retenue. La nomination d'un tel représentant témoigne du fort intérêt que porte le Conseil de l'Europe à la situation des Roms, le Secrétaire général ne s'étant adjoint les compétences que de deux représentants spéciaux : l'un pour les questions roms et l'autre chargé de la mise en oeuvre de la réforme du Conseil de l'Europe.

Parmi ses missions, M. Jeroen Schokkenbroek a la charge du programme de formation de médiateurs roms , intitulé ROMED, prévu par la Déclaration de Strasbourg. Ce programme doit concerner la formation de plus d'un millier de médiateurs, pour la plupart issus de la communauté rom, afin de dispenser, d'une part, des conseils juridiques et administratifs aux communautés roms et, d'autre part, de faciliter la communication entre ces communautés et les autorités publiques sur des questions concrètes comme la scolarisation des enfants, l'accès aux soins, le logement et l'emploi. Quinze États membres du Conseil de l'Europe y participent aujourd'hui, parmi lesquels la France, l'Espagne et l'Italie, mais aussi la Bulgarie, la Hongrie ou la Roumanie.

Une base de données sur les bonnes pratiques identifiées en matière d'intégration des Roms a également été élaborée et mise en ligne sur le site Internet du Conseil de l'Europe depuis le 24 octobre dernier. Cet outil, destiné aux autorités nationales et locales comme aux ONG, recense des exemples de politiques ou de bonnes pratiques qui ont fait l'objet d'une évaluation positive par le Conseil de l'Europe. L'idée est de dresser un catalogue de techniques éprouvées qui pourraient être adaptées dans d'autres pays. Les bonnes pratiques ainsi listées portent sur des domaines variés, allant de l'éducation des enfants roms à l'insertion professionnelle en passant par les modalités de consultation politique des communautés roms. Le Représentant spécial a néanmoins indiqué que la plupart de ces bonnes pratiques avaient vocation à être mises en oeuvre de manière temporaire, jusqu'à ce que l'intégration soit devenue définitive, faute de quoi elles ne feraient qu'accroître la ségrégation qui existe aujourd'hui entre Roms et non-Roms.

Parallèlement, un groupe d'experts désignés au plus haut niveau par les 47 États membres du Conseil de l'Europe a été mis en place : il s'agit du Comité ad hoc d'experts sur les questions Roms (Cahrom). Ce comité se réunit deux fois par an et doit permettre aux États membres d'échanger sur leurs expériences et leurs bonnes pratiques. Il est placé directement sous l'autorité du Comité des ministres et peut lui proposer des avis ou des recommandations pour adoption et l'alerter sur des questions nouvelles nécessitant une attention urgente.

Au final, l'action du Conseil de l'Europe s'articule donc aujourd'hui autour de trois dimensions : l'élaboration de normes favorisant l'intégration des Roms, la surveillance des politiques et des pratiques mises en oeuvre au niveau national, mais également l'assistance aux États membres par le biais de divers programmes comme celui destiné à la formation de médiateurs.

Le Représentant spécial a indiqué que le Conseil de l'Europe entendait, dans les prochains mois, s'atteler à renforcer le rôle de l'échelon local qui lui paraît primordial dans la mise en oeuvre des politiques d'intégration des Roms . A cet égard, la base de données recensant les bonnes pratiques devrait être un outil utile pour le lancement de cette nouvelle phase.

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