DES DISPARITÉS SOCIALES ENTRAÎNANT DES DISTORSIONS DE CONCURRENCE

LA MOBILITÉ DES CHAUFFEURS DE POIDS LOURDS, CAS PARTICULIER DE LA LÉGISLATION GÉNÉRALE DE L'UNION SUR LA MOBILITÉ DES TRAVAILLEURS

La figure du célèbre « plombier polonais » s'impose spontanément à nombre de nos concitoyens dès que l'on évoque la mobilité des travailleurs au sein de l'Union européenne. Celle-ci est organisée par les articles 56 à 62 du TFUE, mis en oeuvre par la directive 96/71 concernant le détachement de travailleurs effectué dans cadre d'une prestation de services . Ce texte permet à une entreprise établie dans un État membre d'assurer une prestation de services sur le territoire d'un autre État membre. En matière de droits sociaux, il a deux caractéristiques principales : les salaires nets versés, tout comme le droit du travail mis en oeuvre, sont régis par les règles applicables dans l'État membre où la prestation est assurée ; en revanche, le régime de protection sociale est celui du pays de résidence . Par suite, les cotisations sont versées aux organismes sociaux de l'État membre d'origine ; elles sont donc calculées conformément aux dispositions applicables dans l'État membre d'origine. Ainsi, le coût salarial total induit par l'embauche d'un salarié détaché peut procurer une économie substantielle par comparaison avec l'emploi d'un salarié de droit national, bien que la rémunération nette versée soit en principe la même . L'exemple-type du détachement résulte d'un chantier obtenu dans un autre État-membre par une entreprise de construction. Dans le cas du fret routier, les restrictions juridiques au cabotage limitent ce cas de figure à des contrats de transports internationaux.

Il convient de noter que, en application du régime du détachement des travailleurs, une filiale d'entreprise française par exemple, établie dans un pays d'Europe centrale, peut y recruter des chauffeurs locaux, puis les mettre à la disposition de la maison-mère , pour le compte de laquelle ils peuvent effectuer un transport national ou international à partir de la France (à condition que la filiale exerce une activité substantielle dans le pays où elle est implantée). Tel est bien le cas de figure envisagé par la directive 96/71 concernant le détachement de travailleurs effectué dans cadre d'une prestation de services. Le « plombier polonais » devient alors un « chauffeur polonais », en principe rémunéré selon les conditions de son lieu de travail, mais avec les cotisations du pays d'origine. En France, les cotisations sociales patronales représentent au total 25,10 % de l'ensemble représenté par la somme des salaires bruts et des frais de déplacement, alors que le taux polonais se limite à 8,13 %. Si l'on raisonne par rapport à la seule rémunération brute, les cotisations patronales atteignent 33 % en France et 22 % en Pologne ! Même à supposer que l'employeur français ne réalise aucune économie sur la rémunération brute, donc en négligeant les frais de déplacement, l'emploi d'un chauffeur de la filiale polonaise procure une économie égale au tiers des cotisations patronales dues pour l'emploi d'un résident français (quelle que soit sa nationalité) à salaire brut et frais de déplacement identiques.

LES CHAUFFEURS ORIGINAIRES DE PAYS TIERS

Les chauffeurs routiers sont soumis au droit commun de l'immigration : tout conducteur routier, ressortissant d'un État tiers bénéficiaire d'un visa de longue durée dans un État membre ne peut travailler que pour une entreprise établie dans cet État membre. Il ne peut donc pas être mis à disposition dans le cadre d'un détachement de travailleurs, mais il peut assurer un transport international, dans des conditions analogues à celles d'un ressortissant européen. La sortie de l'État membre de résidence est limitée aux besoins du transport international et des éventuelles opérations de cabotage le prolongeant. La décision d'accorder un visa de longue durée relève de chaque État membre ; elle ne produit ses effets que dans cet État. Si un résidant non communautaire souhaite s'établir dans un autre État membre, il doit formuler une nouvelle demande.

La libre circulation des travailleurs est donc réservée aux citoyens de l'Union européenne .

Les ressortissants de pays tiers titulaires d'un titre de séjour peuvent « circuler librement pendant une période de trois mois au maximum sur le territoire des autres parties contractantes » au sein de l' espace Schengen , mais il s'agit-là de libre circulation des personnes, non de mobilité des travailleurs.

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