B. UNE QUADRUPLE EXIGENCE

L'ensemble des éléments de la chaîne de constitution d'offres de l'aviation sont concernés par les exigences qu'impliquera la croissance de la demande dans le secteur : la construction aéronautique, les filières carburants, les aéroports et la navigation aérienne.

Mais ils le seront de façon très imbriquée.

Votre rapporteur n'en donnera qu' un seul exemple : la limitation des mouvements sur les aéroports implique, à terme, une augmentation des capacités d'emport des avions, mais celle-ci rétroagit sur les créneaux de navigation aérienne car l'écart moyen entre avions, de 2,5 nautiques 12 ( * ) , passe à 6 nautiques dans la traînée d'un A 380.

Au total, le maintien à un haut niveau de la progression du trafic aérien introduit une quadruple exigence :

- des avions plus économes en carburant et donc émettant moins de gaz à effet de serre ;

- des aéroports aux capacités d'accueil élargies, tant pour les passagers que pour les avions ;

- et, une navigation aérienne capable d'absorber, en toute sécurité, le ressaut de trafic qui se profile, et la gestion de l'arrivée d'un nouvel acteur : les drones civils dont les perspectives de progression sont impressionnantes et qui devront s'intégrer à la circulation aérienne actuelle.

1. Des avions plus économes en carburant et en émission de gaz à effet de serre

Il n'est pas utile d'insister sur le fait que l'objectif économique de diminution des charges de carburant converge avec l'objectif écologique de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

a) Les carburants

Actuellement, les coûts opérationnels (en incluant l'investissement de l'achat des avions) des compagnies aériennes se répartissent comme suit :

Source : Doganis, 2010

Sur cette base, le prix du kérosène représente donc le quart des dépenses des compagnies aériennes. Mais en fonction des fluctuations du prix du baril, ce quota peut atteindre 30 % des dépenses.

Or, au taux de progression prévisionnel estimé du trafic, la consommation finale pourrait doubler d'ici 2030, si rien n'était entrepris pour limiter la consommation des avions :

Cet accroissement prévisionnel de la consommation de kérosène interviendra dans une période se rapprochant du pic pétrolier, au cours de laquelle on peut estimer que la raréfaction de la ressource aboutira à son renchérissement.

Ceci conduit à s'intéresser au cahier des charges des kérosènes alternatifs.

Le terme cahier des charges n'est pas abusif car ce carburant fait l'objet de normes très rigoureuses établies par l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI) et qui :

- d'une part, évoluent très peu ;

- et d'autre part, impliquent une fongibilité totale d'éventuels carburants de substitution 13 ( * ) , ce qui exclut aussi bien la recherche d'économies fondées sur certaines percées technologiques dans la motorisation qu'une partie des carburants alternatifs (éthanol, biodiésel).

b) La réduction des émissions de gaz

L'objectif de réduction des émissions de gaz se décline parallèlement à la nécessité économique d'améliorer l'efficacité énergétique des avions.

En l'état, l'aviation ne représente que 0,9 % des émissions de gaz à effet de serre en France et 2 % à l'échelon mondial.

Mais sans intervention, ces émissions croîtraient spontanément à un rythme proche de celui du trafic (de l'ordre de 3 à 4 %).

C'est pourquoi l'IATA (Association internationale du transport aérien) en 2009 et l'OACI en 2010 se sont fixés des objectifs assez ambitieux (croissance neutre en carbone d'ici 2020 et réduite en 2050, de 50 % par rapport au niveau de 2005) :

Aux termes de cette projection, la diminution de 50 % des émissions devrait être assurée à parité par les progrès technologiques de la construction aérienne, de la navigation et des infra structures aéroportuaires et, d'autre part, par la montée en puissance de l'utilisation des biokérosènes.

Cette anticipation peut paraître quelque peu optimiste, compte tenu des incertitudes scientifiques et économiques qui pèsent sur le déploiement de systèmes de production de biokérosène 14 ( * ) (cf. chapitre III).

En outre l'aviation a intégré, au 1 er janvier 2012, le système européen d'échange de quotas 15 ( * ) (ETS - Emission trading scheme). Les compagnies devront racheter, en 2012, 15 % des émissions de gaz à effet de serre (fixé par un rapport à un plafond de 93 % des émissions moyennes constatées entre 2004  et 2006).

Ce quota est appelé à progresser par pallier d'ici à 2020. L'ensemble des vols au départ et à l'arrivée du sol européen sont soumis à cette règle.

À un prix de 12 euros la tonne de CO 2 , le coût pour l'ensemble des compagnies est évalué à 1,1 milliard d'euros en 2012 et à 10,4 milliards d'euros en 2020.

Cette directive qui a été jugée conforme au droit européen par la Cour de Justice de l'Union européenne (21 décembre 2011) a été fortement contestée par les compagnies européennes, mais également par plusieurs États (dont la Chine et les États-Unis).

C'est pourquoi l'Union européenne a suspendu son application pour tous les vols reliant les États membres à d'autres continents, ceci afin de permettre à l'OACI de trouver une solution globale. Mais elle a maintenu l'application de l'ETS à l'aviation civile pour tous les vols intra-européens.

Dès lors pour l'année 2012, première année de mise en oeuvre de la Directive, chaque exploitant devra certifier sa production de CO 2 et présenter les permis d'émission correspondants. Le premier bilan de cet exercice est en cours.

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* *

Votre rapporteur exposera dans le chapitre suivant les réponses scientifiques et technologiques qui pourraient contribuer à augmenter l'efficacité énergétique de l'aviation civile . Dès à présent, il tient à souligner que les progrès sur ce point ne sont pas uniquement liés à la construction aéronautique (architecture, avionique, matériaux, motorisation et nouveaux carburants) mais qu'ils concernent aussi les autres segments du secteur comme la gestion des aéroports et la navigation aérienne.


* 12 1 mille nautique = 1 852 mètres

* 13 Ce qu'on appelle dans le milieu le « drop in » s'explique, en grande partie, par le fait qu'il est nécessaire d'alimenter mondialement un stock d'avions dont les différences de millésimes peuvent se traduire en dizaine d'années.

* 14 Ceci, d'autant plus que le bilan net d'émissions de CO 2 des biokérosènes n'est pas égal à zéro.

* 15 La Directive de 2008 a été transposée en droit français en janvier 2011.

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