II. LES RELATIONS ÉCONOMIQUES FRANCO-TURQUES : UN POTENTIEL À TRANSFORMER EN TOURNANT LA PAGE D'UNE PÉRIODE DE RELATIONS POLITIQUES EN DENTS DE SCIE

A. DES LIENS ÉCONOMIQUES ANCIENS ET FÉCONDS

1. Des relations commerciales étroites entre la France et la Turquie

Comme l'a souligné l'ambassadeur de Turquie en France lors de sa rencontre avec les membres de la délégation, les relations franco-turques sont très anciennes : elles datent du XVI ème siècle .

La France et la Turquie entretiennent aujourd'hui des relations économiques très étroites . Comme l'ont montré les diagrammes figurant dans la première partie du rapport :

- la France est le huitième client de la Turquie , avec près de 4,1 % des exportations ;

- la France constitue le septième fournisseur de la Turquie avec environ 3,6 % des importations.

Parallèlement, la Turquie constitue le cinquième débouché commercial de la France , hors UE et Suisse, et ceci après les États-Unis, la Chine, la Russie et le Japon. La France est enfin le septième investisseur étranger en Turquie .

Les relations commerciales franco-turques atteignent près de 12,6 milliards d'euros en 2012 : 6,9 milliards d'euros d'exportations de la France vers la Turquie et 5,7 milliards d'euros d'importations en France depuis la Turquie. Notre pays est donc bénéficiaire dans ses échanges avec la Turquie : ce pays représente d'ailleurs le dixième excédent de la France , alors qu'il s'agissait du quatorzième en 2011, et son douzième client dans le monde.

L'ensemble de ces données montrent que la France ne peut se désintéresser du développement économique turc .

2. La présence significative d'entreprises françaises en Turquie

L'importance des liens économiques entre la France et la Turquie est également illustrée par la présence de nombreuses entreprises françaises dans ce pays . On peut citer, entre autres, Alstom, Axa, BNP Paribas, Carrefour, Danone, Groupama, Lafarge, Renault, Schneider, Saint-Gobain, Total...

Le nombre d'implantations d'entreprises françaises est passé de 15 en 1985 à près de 400 aujourd'hui, employant près de 100 000 personnes.

Plusieurs exemples illustrent la place centrale des entreprises françaises dans certains secteurs économiques :

- Axa est la première compagnie d'assurance turque en termes de collecte de primes ;

- TEB (BNP Paribas) est la neuvième banque du pays ;

-  Aéroports de Paris (ADP) est devenu le principal actionnaire (à hauteur de 38 %) de l'opérateur aéroportuaire TAV.

Au cours de leur déplacement, les membres de la délégation ont pu visiter deux sites importants illustrant le rôle économique central joué par les entreprises françaises en Turquie : l'usine Renault située à Bursa et l'usine Alstom située à Gebze.

? Pour ce qui concerne Renault , l'entreprise est présente en Turquie, à Bursa, depuis 1969, par l'intermédiaire de sa filiale Oyak Renault, détenue à 51 % par Renault et à 49 % par Oyak, le fonds de pension de l'armée turque 15 ( * ) .

L'usine de Bursa , où la production a commencé en 1971, s'étend sur 51 hectares et emploie plus de 6 000 salariés . Elle a produit en 2012 un peu plus de 300 000 véhicules 16 ( * ) , soit près de la moitié de la production locale des véhicules passagers et plus de 13 % de la production totale du groupe Renault. Ainsi, un véhicule sur deux sortant des usines turques est un véhicule Renault et un véhicule sur six vendus en Turquie est un véhicule Renault . Renault est, avec Dacia, le leader du marché turc et si Fiat, Toyota ou Hyundai disposent également d'un site de production dans le pays, l'usine de Bursa est la plus intégrée.

70 % de la production locale d'Oyak Renault est exportée vers l'Europe, ce qui fait de la société l'un des premiers exportateurs turcs.

Les membres de la délégation de votre commission relèvent que le secteur automobile est un secteur clé de l'économie turque et un secteur majeur des relations franco-turques :

- les objectifs fixés pour 2023 par le Gouvernement sont d'élever les exportations turques à 500 milliards d'euros dont 150 pour le seul secteur automobile. Le secteur automobile constitue en effet l'un des principaux postes d'exportation de la Turquie. Le Gouvernement souhaite une multiplication par quatre du niveau de production (qui atteint aujourd'hui 1 million de véhicules), une multiplication par trois du nombre de véhicules exportés et par quatre des exportations en valeur ;

- le secteur automobile est le premier poste d'échanges entre la France et la Turquie : il représente près de 19 % des exportations françaises à destination de la Turquie et plus de 30 % des importations en provenance de Turquie. Alors que la Turquie est, comme on l'a vu précédemment, l'un de nos principaux excédents dans le monde tous produits confondu, il s'agit, en matière automobile, du quatrième déficit de notre pays , après l'Allemagne, l'Espagne et le Japon.

- enfin, le marché automobile turc a un potentiel extrêmement important compte tenu de son taux d'équipement très bas par rapport aux pays occidentaux : 140 véhicules pour 1 000 habitants contre par exemple 408 en Bulgarie, près de 600 en Allemagne ou 800 aux États-Unis.

Ces données expliquent le caractère stratégique de la présence de Renault en Turquie : la présence de l'usine à Bursa a permis l'industrialisation de cette ville et le renforcement des relations économiques franco-turques. Au terme de leur visite sur place, les membres de la délégation soulignent qu' Oyak Renault est tout autant une entreprise turque qu'une entreprise française .

Il convient enfin de noter que la présence de Renault a conduit des équipementiers français à s'installer en Turquie, comme Faurecia ou Valeo, cette dernière entreprise disposant à Bursa d'un site employant près de 1000 personnes.

? La délégation de votre commission a également visité l'usine Alstom de Gebze .

Suite à l'acquisition par l'entreprise de la branche Transmission d'AREVA (T & D), Alstom s'est doté d'une branche dans le secteur de la transmission à haute tension, appelée « Alstom Grid ». L'entreprise est devenue propriétaire de la plus grande usine de transformateurs de grande puissance du monde , créée en 1996 à Gebze et que la délégation de votre commission a eu la chance de visiter.

Cette usine aux dimensions particulièrement impressionnantes , couvrant près de 90 000 m 2 et employant environ 1 000 personnes, exporte près de 85 % de sa production et fait partie des 50 premiers exportateurs turcs . Il s'agit donc, comme Oyak Renault, d' un des acteurs essentiels de l'économie turque .

3. Le secteur de l'énergie, un secteur désormais clé des relations économiques franco-turques

Au-delà des entreprises françaises présentes de longue date en Turquie, d'autres entreprises ont essayé d'obtenir des contrats importants dans le pays. Si ADP a finalement abandonné l'appel d'offres pour la construction du troisième aéroport stambouliote, AREVA a obtenu un contrat majeur au cours des dernières semaines .

Début avril, AREVA et Mitsubishi Heavy ont ainsi remporté le contrat de construction d'une deuxième centrale nucléaire turque , qui devrait coûter environ 17 milliards d'euros. Il s'agit de construire quatre réacteurs d'une capacité totale de 4,5 Gigawatts (GW) sur le site de Sinop, au bord de la Mer Noire. La construction devrait commencer en 2017 et le premier réacteur entrera en service à partir de 2023, exploité par GDF Suez.

Le secteur de l'énergie dispose d'un potentiel très important pour les entreprises françaises : la Turquie devrait devenir d'ici dix ans le troisième consommateur européen d'électricité et le gouvernement turc prévoit d'ici là la construction de plusieurs centrales nucléaires sur cette période, pour réduire sa dépendance vis-à-vis des importations de pétrole et de gaz. La consommation énergétique turque augmente en effet très fortement, à un rythme de 8 % par an. Les pouvoirs publics souhaitent donc une augmentation de 77 % de la puissance électrique installée, avec un passage de 54 à 96 GW entre 2012 et 2020.


* 15 Renault Maïs, la filiale commerciale en Turquie, est quant à elle détenue à 49 % par Renault et à 51 % par Oyak.

* 16 L'usine produit aujourd'hui la Fluence, la Fluence Z.E. et la Clio IV.

Page mise à jour le

Partager cette page