II. LA NÉCESSITÉ AUJOURD'HUI DE COMBLER LES SUPPRESSIONS DE POSTES QUI ONT MIS EN PÉRIL LES RASED

A. DES EFFECTIFS RÉDUITS D'UN TIERS ENTRE 2008 ET 2012

1. Les RASED comme variable d'ajustement budgétaire
a) Une baisse des effectifs ayant exclusivement porté sur les enseignants spécialisés (maîtres E et maîtres G)

Comme l'indique le tableau ci-après, à la rentrée scolaire 2012 , en France métropolitaine et outre-mer (hors Mayotte, en l'absence de données disponibles), le nombre de postes de RASED s'élevait à 9 988, dont 348 postes vacants , soit 9 640 postes effectivement pourvus .

Par comparaison, à la rentrée scolaire 2008, le nombre de postes en RASED s'élevait à 14 793 (dont 3 638 psychologues scolaires), soit une diminution de 4 800 (- 32 %) du nombre de postes en RASED entre 2008 et 2012 . Sans les 100 recrutements opérés à la rentrée 2012 par la loi de finances rectificative du 16 août 2012 ( cf. infra ), le nombre de postes supprimés dans le cadre des lois de finances initiales votées sous l'ancienne législature s'est élevé à 4 900, soit une diminution d'un tiers (33 %) en quatre ans.

Les mesures de réduction d'effectifs dans l'enseignement scolaire ont affecté les RASED dès la rentrée scolaire 2009 , lors de laquelle 2 125 postes ont été supprimés dans les réseaux et réaffectés dans les classes .

Par ailleurs, conformément à une lettre du ministre de l'éducation nationale aux recteurs en date du 3 mars 2009, 1 300 enseignants spécialisés (option E et option G) ont été affectés en surnuméraire dans une ou plusieurs écoles, sans suppression d'emplois . Ils ont ainsi été appelés à dispenser l'aide personnalisée ( cf . supra ), en contradiction avec le décret du 30 juillet 2008 et la circulaire du 17 juillet 2009 présentés ci-dessus.

L'argument du ministère de l'éducation nationale pour justifier les suppressions de postes était qu'il s'agissait de postes vacants ou occupés par des professeurs non titulaires, ne disposant pas du diplôme d'enseignement spécialisé CAPA-SH, mais intervenant dans les RASED. Ces observations ne sont pas convaincantes, car des ajustements aux besoins en aides spécialisées auraient pu être opérés notamment par un effort supplémentaire en formation .

L'objectif de l'ancienne majorité qu'il n'y ait pas de classes sans maître , conjugué à une baisse délibérée des effectifs et à un essor des aides personnalisés, a tout particulièrement pénalisé les RASED. Sans disparaître, les réseaux ont été vidés de leur substance et mis en péril, apparaissant comme une variable d'ajustement des choix budgétaires .

Répartition des effectifs des RASED et des autres enseignements spécialisés à la rentrée 2012

(en postes)

Source : direction générale de l'enseignement scolaire

Les réductions d'emplois ont été réparties sur l'ensemble de la période 2008-2012 , comme le montre le tableau figurant en annexe 1 au présent rapport qui détaille les évolutions par année et par académie.

Alors que le nombre d'enseignants spécialisés et de psychologues avait été stable entre 2004 et 2008 (environ 15 000 postes), une première diminution importante a été opérée en 2009 (- 2 125 postes, soit - 14 %), avant une certaine stabilisation en 2010 (- 364 postes, soit - 3 %). Une nouvelle accélération de la baisse a été observée en 2011 (- 856 postes, soit - 7 %) et s'est accélérée en 2012 (- 1 533 postes, soit - 13 %). Les données pour l'année 2012 ne sont pas homogènes avec celles détaillées précédemment, également fournies par la DGESCO du ministère de l'éducation nationale, les chiffres figurant en annexe 1 (inférieures de 75 postes) n'intégrant manifestement pas tout ou partie des créations de postes décidées à la rentrée 2012.

Par ailleurs, le nombre de psychologues scolaires est resté stable entre 2008 et 2012 : les baisses d'effectifs se sont donc concentrées sur les enseignants spécialisés, qui ont diminué de près de moitié ( - 43 %) entre 2008 et 2012.

Le tableau joint en annexe 2 au présent rapport détaille la répartition des enseignants et des psychologues scolaires , globalement et par département, à la rentrée scolaire 2012, sur 9 988 postes :

- 4 505 postes ( 45,1 % ) étaient occupés par des maîtres E ,

- 1 779 postes ( 17,8 % ) par des maîtres G ,

- 3 704 postes ( 37,1 % ) par des psychologues scolaires .

En outre, à la rentrée scolaire 2012, on comptait encore 5,4 % de maîtres faisant fonction (n'ayant pas le diplôme CAPA-SH option E ou option G ou le DEPS) et 3,5 % de postes vacants. Ces chiffres sont plus bas pour les psychologues scolaires (respectivement, 1,6 % de maîtres faisant fonction et 3 % de postes vacants).

b) Un demi-million d'élèves suivis chaque année

Une comptabilisation du nombre d'élèves suivis par les RASED a été réalisée en 2010-2011 , auprès des services départementaux et synthétisée au niveau des rectorats.

Ces données ont été transmises par les inspections académiques et validées par les rectorats, et ne sont pas complètes faute de réponses à l'enquête dans plusieurs départements (l'Ariège, la Lozère, la Mayenne, la Sarthe, la Somme et le Tarn, et pour partie les Bouches-du-Rhône, soit environ 3 % de la population nationale et des effectifs scolarisés).

Les résultats ont été les suivants :

- la population ayant fait l'objet d'un diagnostic psychologique représentait 244 729 élèves ;

- la population suivie par les maîtres E et les maîtres G représentait respectivement 295 844 élèves et 112 302 élèves ;

- un quart des élèves suivis, ou ayant bénéficié d'un bilan psychologique, étaient scolarisés en maternelle (25 %) et un peu moins de la moitié en début d'enseignement élémentaire (25 % en CP, 20 % en CE1), tandis qu'un peu moins du tiers des élèves étaient suivis dans les classes correspondant aux cycles dits d'approfondissement (12 % en CE2, 9 % en CM1, 9 % en CM2).

Si l'on tient compte que les élèves suivis par les enseignants spécialisés (maîtres E et maîtres G) sont en partie les mêmes que ceux ayant reçu une aide psychologique, on peut évaluer à environ un demi-million le nombre d'élèves ayant bénéficié d'une aide spécialisée en 2010-2011 .

On peut estimer que la diminution d'un tiers des effectifs des professeurs spécialisés et des psychologues entre 2008 et 2012 a conduit à un recul dans des proportions similaires du nombre d'élèves pris en charge dans les RASED : selon la Fédération nationale des associations de rééducateurs de l'éducation nationale (FNARED), la suppression de près de 5 000 postes d'enseignants aurait laissé 250 000 enfants sans une aide adaptée .

Les résultats entre académies, détaillés ci-après pour les seuls enseignants spécialisés (maîtres E et maîtres G), font apparaître de fortes disparités , que n'a pas expliquées le ministère de l'éducation nationale : considère-t-il les données comme trop hétérogènes , ce qui justifierait qu'il n'ait pas communiqué de données consolidées à l'échelle nationale ?

Nombre d'élèves suivis par les enseignants spécialisés des RASED
(hors psychologues scolaires) durant l'année scolaire 2010-2011

Nombre d'élèves suivis en moyenne par des maîtres E

Nombre d'élèves suivis en moyenne par des maîtres G

AIX-MARSEILLE

NS*

NS*

AMIENS

NS*

NS*

BESANCON

48,80

39,83

BORDEAUX

53,60

34,12

CAEN

39,60

36,10

CLERMONT-FERRAND

48,88

38,89

CORSE

40,08

25,82

CRETEIL

48,36

39,30

DIJON

22,91

11,05

GRENOBLE

69,25

61,39

LILLE

42,81

89,68

LIMOGES

73,79

45,70

LYON

66,83

51,64

MONTPELLIER

NS*

NS*

NANCY-METZ

44,98

43,55

NANTES

NS*

NS*

NICE

75,79

64,45

ORLEANS-TOURS

64,83

50,50

PARIS

50,21

52,29

POITIERS

64,49

54,03

REIMS

35,87

30,99

RENNES

60,98

52,07

ROUEN

50,34

19,74

STRASBOURG

51,78

48,81

TOULOUSE

NS*

NS*

VERSAILLES

39,14

38,19

* NS = non significatif

Source : ministère de l'éducation nationale

Le ministère de l'éducation nationale souligne les limites méthodologiques d'une telle approche , qui n'a pas été renouvelée depuis la rentrée scolaire 2010 : la durée de la prise en charge et la fréquence hebdomadaire des séances sont adaptées aux besoins de chacun des élèves concernés, qui peuvent varier fortement d'un élève à l'autre ; par ailleurs, de multiples paramètres interviennent, comme la plus ou moins grande proximité des écoles, les temps de trajets nécessaires pour s'y rendre, la taille des classes et des écoles, le nombre d'élèves à aider dans chacune et la nature de leurs besoins, les projets pédagogiques des écoles et les autres formes d'aide existantes.

Ces arguments n'ont pas entièrement convaincu vos rapporteurs spéciaux : il ne s'agit pas d'évaluer l'intervention des enseignants spécialisés à travers des objectifs et indicateurs de performance analogues à ceux figurant dans les projets annuels de performances (PAP) et les rapports annuels de performances (RAP) annexés aux projets de loi de finances initiale et aux projets de loi de règlement, mais bien de disposer de données factuelles. Il serait donc souhaitable d'actualiser régulièrement ces informations .

Par ailleurs, il serait utile de disposer d'informations sur le nombre de dossiers de RASED. Il convient de mesurer les conditions dans lesquelles les demandes sont prises en charge .

Recommandation n° 4 : renseigner chaque année le nombre de demandes présentées au titre des RASED, ainsi que les effectifs d'élèves suivis par les maîtres E, les maîtres G et les psychologues scolaires.

2. Une diminution des postes ayant affaibli les zones les plus fragiles

Comme le montre le tableau en annexe 1 au présent rapport, les diminutions des effectifs des RASED entre 2008 et 2012 ont été très inégales selon les académies .

En pratique, la mise en oeuvre du dispositif RASED dépend en effet des directions académiques des services de l'éducation nationale (DASEN), qui déclinent dans chaque département l'application du dispositif RASED. Le DASEN détermine les besoins de son département en postes spécialisés et répartit les moyens dont il dispose dans les différentes circonscriptions.

Entre 2008 et 2012, la baisse des effectifs des maîtres E et des maîtres G a atteint 68 % dans l'académie de Toulouse, 65 % à Caen et 64 % à Limoges ; a contrario , elle ne s'est élevée qu'à 18 % en Martinique, 19 % en Guadeloupe, 26 % à Dijon et à Reims et 27 % à Lyon.

Les baisses d'effectifs ont fortement désorganisé certains réseaux, notamment dans les zones rurales. A une échelle territoriale inférieure à celle de l'académie, des zones blanches, non couvertes par les RASED, sont apparues . Dans 5 départements, on comptait moins de 20 postes de RASED à la rentrée 2012 : la Lozère (9 postes), la Creuse (18 postes), le Gers (19 postes), la Corse du Sud (19 postes) et le territoire de Belfort (20 postes), comme le détaille l'annexe 2 au présent rapport. Même si ces départements sont moins peuplés, leur étendue rend difficile une couverture satisfaisante de l'ensemble de leur territoire.

Les données manquent également pour apprécier si les réseaux ont été préservés dans les zones prioritaires, où la sédentarisation des maîtres a été plus importante. Selon la DGESCO, les zones prioritaires bénéficieraient d'un tiers des postes alors qu'elles ne représentent que 10 % de la population scolaire .

Il est difficile de conclure à une situation plus favorable ou non dans les zones prioritaires, selon l'analyse d'une étude menée sur onze départements, conduite par nos collègues député Xavier Breton et ancien député Gérard Gaudron, alors rapporteurs pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, sur le projet de loi de finances pour 2012 2 ( * ) :

« (...) cela ne signifie pas (...) que l'éducation prioritaire ait été systématiquement préservée, ni (...) que la présence des enseignants spécialisés ait été accrue dans les écoles relevant de ce dispositif. Ce résultat peut s'expliquer, du moins en partie, par le fait que (...) la sédentarisation a concerné « majoritairement » - seulement - l'éducation prioritaire : en effet, des secteurs scolaires n'en relevant pas, mais caractérisés par des centres urbains de petite taille comportant des écoles à forte mixité sociale, et au sein desquelles les écarts scolaires sont importants, en ont également bénéficié ».

Enquête sur le taux d'encadrement par les maîtres spécialisés
dans et hors éducation prioritaire dans onze départements

Postes

Secteur

2009-2010

2010-2011

2011-2012

Ventilation

Maîtres E

Pour interventions en réseau

E.P.

244

268

230

33,18 %

hors E.P.

479

562

464

66,82 %

Pour intervention en surnuméraire (dans 1 ou 2 écoles seulement)

E.P.

52

20

38

33,94 %

hors E.P.

87

54

73

66,06 %

Supports RASED réaffectés en classe ordinaire

E.P.

43

32

45,71 %

hors E.P.

68

17

38

54,29 %

Supports supprimés

E.P.

22

10

7

38,89 %

hors E.P.

31

15

11

61,11 %

Maîtres G

Pour intervention en réseau

E.P.

126

137

111

34,00 %

hors E.P.

254

251

215

66,00 %

Pour intervention en surnuméraire (dans 1 ou 2 écoles seulement)

E.P.

7

7

1

20,00 %

hors E.P.

9

23

4

80,00 %

Supports RASED réaffectés en classe ordinaire

E.P.

4

7

hors E.P.

17

27

6

100,00 %

Supports supprimés

E.P.

1

hors E.P.

2

3

Source : ministère de l'éducation nationale. E.P : éducation prioritaire, cité par Xavier Breton et Gérard Gaudron, Assemblée nationale, rapport pour avis n° 3 806 (2007-2012), annexe n° 22, au nom de la commission des affaires culturelles et de l'éducation, sur le projet de loi de finances pour 2012

3. Un signal inquiétant : l'effondrement des départs en formation

Un indicateur révélateur des incertitudes sur la pérennité des RASED entre 2008 et 2012 a été la très forte baisse des départs en formation de professeurs des écoles afin d'obtenir le diplôme CAPA-SH pour les aides spécialisées, comme le montre le tableau ci-après.

A la rentrée scolaire 2012-2013, le nombre de stagiaires - suivant des données en partie incomplètes, puisque pour les maîtres G seulement deux tiers des départements avaient répondu à l'enquête - ne s'élevait qu'à 127, alors qu'il atteignait 879 pour la France entière à la rentrée scolaire 2008-2009.

Ce sont les demandes de formation pour les maîtres E et les maîtres G qui ont le plus fortement chuté (de plus de 70 % entre 2008 et 2011, contre moins de 45 % pour les psychologues), traduisant une corrélation entre la diminution du nombre de postes et la demande de formation . Il y a en effet lieu de s'interroger sur l'intérêt, pour un professeur des écoles, de suivre une formation spécifique s'il ne peut pas dispenser d'aide spécialisée et est réaffecté dans les classes ou en surnuméraire, suivant la pratique opérée entre 2009 et 2012 pour un nombre croissant de maîtres E et de maîtres G des RASED ( cf . supra ).

Evolutions des effectifs en formation de spécialisation
(CAPA-SH E et G et DEPS)

(nombre de stagiaires, effectifs en juin de la fin de l'année scolaire)

Années scolaires

Maîtres E

Maîtres G

Psychologues

2004-2005

642

292

232

2005-2006

526

253

214

2006-2007

510

261

176

2007-2008

545

253

150

2008-2009

511

182

186

2009-2010

119

46

131

2010-2011

195

64

109

2011-2012

131

51*

103

2012-2013

28

17**

82

*sur 94 départements ayant répondu

**sur 66 départements ayant répondu

Source : ministère de l'éducation nationale

4. Les crédits autres que les dépenses de personnel : la nécessité d'améliorer le remboursement des frais de déplacement

Des crédits de fonctionnement relatifs aux RASED sont retracés dans la sous-action 2 « Prévention et traitement des difficultés scolaires » de l'action 3 « Besoins éducatifs particuliers » du programme 140 « Enseignement scolaire public du premier degré », pour des montants ayant atteint (en exécution) 3,34 millions d'euros en 2010, 2,67 millions d'euros en 2011 et 2,70 millions d'euros en 2012, soit 270 euros par enseignant et par an. Les documents budgétaires ne précisent pas la nature de ces dépenses. Cette lacune devra être comblée .

Recommandation n° 5 : préciser dans les documents budgétaires annexés aux projets de loi de finances la nature des frais de fonctionnement relatifs aux RASED.

Hors dépenses de personnel, une des difficultés rencontrées par les intervenants des RASED porte par ailleurs sur le niveau élevé des frais de déplacement induit par la couverture de territoires parfois étendus, notamment en zone rurale. Selon les témoignages recueillis, les remboursements seraient souvent tardifs et parfois incomplets.

Recommandation n° 6 : rembourser intégralement les frais de déplacement des intervenants des RASED et diminuer les délais de remboursement.


* 2 Assemblée nationale, rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2012, n° 3 806 (2007-2012), annexe n° 22.

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