B. DES AIDES HÉTÉROGÈNES, AUX OBJECTIFS MULTIPLES

Le soutien public à la presse est ancien et se justifiait à l'origine par la défense du pluralisme . Cette politique publique donne une traduction concrète à l'objectif à valeur constitutionnelle d'information pluraliste des citoyens. Aujourd'hui, elle répond, également, à deux autres objectifs stratégiques mentionnés dans les documents budgétaires : soutenir le développement économique de la presse écrite et favoriser sa modernisation .

A l'inverse des autres pays développés, la France se distingue par le caractère massif des aides et par le recours à une palette d'aides directes ou indirectes , ciblées ou non, dont certaines sont anciennes (aides au transport postal, taux préférentiel de TVA et aide au transport par la SNCF notamment).

De surcroît, la Cour relève que la « diversification des objectifs et modalités d'intervention de l'Etat a conduit à une accumulation de dispositifs de soutien (...), les suppressions étant beaucoup plus rares que les créations, et à une complexité croissante de cette politique publique ».

Les tableaux suivants récapitulent les montants associés aux différentes aides dont bénéficie le secteur de la presse.

Tableau n° 1 : Total des aides à la presse écrite en 2013

(en million d'euros)

Aides directes (aides à la diffusion, aides à la modernisation, aides au pluralisme)

416,0

Aides indirectes (dépenses fiscales et modalités de calcul de l'impôt)

446,5

Agence France Presse (souscription des abonnements de l'Etat auprès de l'AFP)

119,6

Total

982,1

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et rapport de la Cour des comptes

Tableau n° 2 : Aides directes en 2013

(en millions d'euros)

Aides à la diffusion

331,3

Aide au transport postal

249,4

Aide au portage de la presse

37,6

Exonération de charges patronales pour les porteurs de presse

16,9

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse

4,5

Aide à la modernisation de la distribution de la presse

18,9

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

4,0

Aides au pluralisme

12,0

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale (IPG) à faibles ressources publicitaires

9,2

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'IPG à faibles ressources de petites annonces

1,4

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1,4

Aides à la modernisation

72,7

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'IPG

19,7

Fonds stratégique pour le développement de la presse

33,5

Plan IMPRIME

19,5

Total des aides directes

416,0

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et rapport de la Cour des comptes

Tableau n° 3 : Aides indirectes en 2013

(en millions d'euros)

Taux super réduit de TVA pour les périodiques

175,0

Déduction spéciale d'impôt sur le revenu et d'impôt sur les sociétés en faveur des entreprises de presse

1,0

Réduction d'impôt pour la souscription au capital des sociétés de presse

0,5

Exonération de contribution économique territoriale (CET) 4 ( * )

210,0

Abattement fiscal au bénéfice des journalistes et des entreprises de presse 5 ( * )

60,0

Total des aides indirectes

446,5

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2013 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et rapport de la Cour des comptes

1. Les aides indirectes

Les aides indirectes sont les aides de nature fiscale . La plupart d'entre elles sont anciennes et reconduites sans véritable examen de leur pertinence. Par ailleurs, leur coût n'est pas toujours aisément identifiable.

a) Le taux super réduit de TVA à 2,1 %, « socle » de la politique d'aide à la presse écrite

Le taux préférentiel de TVA constitue une aide ancienne (datant de 1920), mais c'est la loi de finances pour 1989 qui a étendu le bénéfice du taux de 2,1 % à l'ensemble des publications agréées 6 ( * ) . Depuis lors, ce taux s'applique aux ventes, commissions et courtage concernant les publications de presse, au moins trimestrielles, payantes et imprimées. En revanche, la presse en ligne ne bénéficie pas de ce régime « historique » favorable et est assujettie au taux « normal » de 19,6 %.

Les conditions légales d'octroi de l'agrément sont peu restrictives, permettant à de nombreux titres de l'obtenir. Le taux réduit est donc une mesure de portée générale en faveur du secteur de la presse . D'après le projet annuel de performances pour 2014 de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2014, 1 700 entreprises en bénéficiaient en 2012.

Le coût de cette mesure est resté plutôt stable entre 2001 et 2011, oscillant entre 190 et 205 millions d'euros 7 ( * ) , montants qui en font le dispositif d'aide à la presse le plus coûteux après l'aide au transport postal.

Enfin, l'existence de taux de TVA préférentiels n'est pas une spécificité française : elle constitue au contraire la forme d'aide à la presse la plus fréquente à l'étranger.

b) L'exonération de contribution économique territoriale : un coût indéterminé

Cette mesure, régie par l'article 1458 du code général des impôts (CGI) prévoit l'exonération de contribution économique territoriale (CET) pour toutes les publications de presse, les sociétés coopératives de messageries de presse et les sociétés qui leur sont liées, les agences de presse et les correspondants locaux de presse régionale ou départementale. En outre, les services de presse en ligne reconnus par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) en bénéficient aussi. Cette mesure ne fait l'objet d'aucun chiffrage récent, ni précis, la dernière estimation l'évaluant à 200 millions d'euros. La Cour souligne donc la nécessité de disposer rapidement d'un ordre de grandeur du coût de cette mesure .

c) D'autres mesures fiscales dont la justification et l'efficacité ne sont pas évidentes

Aux deux aides majeures précédemment citées, s'ajoutent d'autres aides fiscales, dont la justification de la pérennisation est moins évidente.

Il s'agit notamment de l'abattement fiscal au bénéfice des journalistes et des entreprises de presse, d'un montant de 7 650 euros . Celui-ci, instauré dans les années 1930, visait à compenser des frais professionnels importants. Cet abattement s'applique de plein droit, sans que les intéressés soient tenus de justifier l'affectation effective de leur rémunération au paiement de frais professionnels à due concurrence . D'après les calculs de la Cour des comptes, il représente un avantage fiscal non négligeable qui va de 1 850 euros pour un journaliste en contrat à durée indéterminée (CDI) célibataire sans enfant, à 130 euros, pour un journaliste pigiste célibataire avec deux enfants à charge. Son coût budgétaire est estimé à 60 millions d'euros .

Par ailleurs, la Cour cite, au titre des aides indirectes susceptibles de faire l'objet d'un réexamen, deux mesures fiscales en faveur de l'investissement dans les entreprises de presse : le régime des provisions pour les entreprises de presse , prorogé d'année en année en loi de finances, et la réduction d'impôt en faveur des entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés qui souscrivent au capital de sociétés de presse . Ces deux mesures visent à répondre au problème récurrent de la sous-capitalisation des éditeurs de la presse française , mais elles ne concernent qu'un nombre très limité de bénéficiaires (respectivement 76 et 50 en 2011), pour un coût inférieur à un million d'euros chacune.


* 4 Chiffre de la Cour des comptes, qui souligne le manque de fiabilité de cette donnée.

* 5 Chiffre de la Cour des comptes.

* 6 Le bénéfice du taux de TVA à 2,1 % est lié à l'octroi d'un agrément par une commission administrative, la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP), qui constitue le point d'entrée dans le « régime économique général de la presse ». Ce dernier ouvre droit à plusieurs aides, dont le taux réduit de TVA et l'aide au transport postal.

* 7 Le coût de cette mesure est traditionnellement évalué en comparaison avec le taux réduit de TVA (5,5 %). Mais si l'on rapportait cette mesure au taux normal de 19,6 %, son coût serait de l'ordre du milliard d'euros.

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