2. Les aides directes

Les aides directes à la presse sont financées principalement sur les crédits de l'action 2 du programme 180 - Presse de la mission « Médias, livre et industries culturelles », pour un total de 396,5 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013. La Cour relève que « le panorama actuel des aides directes fait apparaître une volonté de couvrir l'ensemble des préoccupations du secteur, ce qui se traduit, selon les années, par l'existence d'une quinzaine d'aides classées en trois catégories dans les documents budgétaires ».

Les aides directes se caractérisent, de fait, par leur grande hétérogénéité , due au degré d'ancienneté des dispositifs, à leur montant, au nombre de bénéficiaires des aides et à la nature de ces derniers.

a) Les aides à la diffusion

Elles représentent les trois quarts des aides directes à la presse , dont une majeure partie revient à l'aide au transport postal (60 %). Ce dernier pourcentage apparaît élevé, dans la mesure où ce mode de diffusion n'est pas porteur d'avenir. Au contraire, il est voué à décroître, au profit du portage. Les aides à la diffusion ciblent les deux principales formes de vente de la presse : la vente au numéro dans les points de vente et la vente par abonnement, cette dernière s'effectuant, soit par transport postal, soit par portage. On distingue :

- l'aide au transport postal de la presse , qui constitue la principale aide directe, avec un montant de 249,4 millions d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2013 8 ( * ) . Elle est versée par l'Etat à la Poste afin de lui permettre d'accorder des tarifs préférentiels à la presse. Votre rapporteur spécial relève que les crédits correspondant à cette aide sont transférés, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014, du programme 180 - Presse de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au programme 134 - Développement des entreprises et du tourisme de la mission « Economie ». Il regrette ce transfert qui rend complexe la lecture consolidée de l'ensemble des aides au secteur de la presse écrite.

L'aide au transport postal et l'accord tripartite de 2008 entre l'Etat, La Poste et les entreprises de presse

Les articles L. 2 et L. 4 du code des postes et communications électroniques prévoient que la presse bénéficie de tarifs bonifiés de transport postal , au titre des missions de service public de la Poste. Ces tarifs sont fixés par l'Etat.

En 2008, une négociation tripartie a conduit l'Etat, la presse et La Poste à conclure des accords , dit « accords Schwartz » pour la période 2009-2015 . Ceux-ci prévoient l'engagement réciproque de chacune des parties sur des évolutions progressives et programmées : hausse de la productivité de la Poste, hausse des tarifs acquittés par les éditeurs de presse et baisse de la compensation que l'Etat verse à la Poste.

L'ensemble des titres de presse inscrits à la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) au titre de l'aide postale est concerné par l'évolution des tarifs postaux, avec des trajectoires cependant différentes pour la presse d'information politique et générale (IPG) et non IPG , les hausses de tarifs subies par cette dernière étant plus sensibles. Ainsi, l'augmentation des tarifs postaux passerait de 2 % en 2009 à 3,5 % en 2015 pour la presse IPG, contre 3 % et 5 % pour la presse non IPG.

L'Etat compense à la Poste une partie du surcoût ainsi supporté par cette dernière par rapport au tarif postal de service universel, en échange de gains de productivité de l'entreprise matérialisés par la décroissance de la subvention budgétaire 9 ( * ) , qui reflète aussi la baisse anticipée des volumes transportés. A l'issue des accords, le déficit résiduel supporté par la Poste au titre du transport postal de la presse est réputé réglé.

- l'aide au transport par la SNCF , versée par l'Etat à cette entreprise pour lui permettre de réduire le coût de cette forme de transport pour les titres de presse (4,5 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013, et suppression de cette aide en projet de loi de finances (PLF) pour 2014) ;

- l'aide au portage 10 ( * ) de la presse : créée en 1999 et substantiellement remaniée en 2009, elle est versée aux titres de presse recourant à cette forme d'acheminement. Son montant est passé de 8 millions d'euros avant 2009, à 70 millions d'euros en 2009, avec une baisse depuis 2012 (45 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2012, 37,6 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013, et 36 millions d'euros en PLF 2014) ;

- une exonération de charges patronales qui concerne les professionnels chargés du portage , à savoir les vendeurs-colporteurs et les porteurs de presse 11 ( * ) , pour un montant proche de 17 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013. La Cour des comptes relève que cette mesure a fait l'objet d'une sous-budgétisation récurrente et qu'il conviendrait d'accroître la dotation en loi de finances initiale afin de tenir comptes des dépenses réelles . Votre rapporteur spécial se félicite donc de la prise en compte de cette recommandation dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. En effet, la dotation prévue à ce titre s'élève à 21,2 millions d'euros.

En outre, la Cour des comptes classe dans la catégorie des aides à la diffusion deux autres aides relatives à l'acheminement et à la vente de la presse au numéro, pourtant référencées comme aides à la modernisation dans les documents budgétaires :

• l'aide à la distribution de la presse quotidienne (18,9 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013 comme en projet de loi de finances pour 2014), versée aux quotidiens nationaux d'information politique et générale qui la reversent de fait à Presstalis pour contribuer à sa restructuration ;

• l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse , versée aux points de vente porteurs de projets visant à la modernisation de l'espace de vente et à leur informatisation (4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013 comme en projet de loi de finances pour 2014).

b) Les aides à la modernisation

Elles ont pour objectif d'accompagner les projets des entreprises dans leur processus de modernisation technologique et sociale, et représentent 23 % du total des aides directes à la presse écrite, soit 95,6 millions d'euros . Votre rapporteur spécial s'étonne de la part modeste du soutien public dédié à ce type d'aides, alors que la modernisation des modes de production, de diffusion et de distribution constitue un enjeu majeur pour l'avenir du secteur.

Les aides relatives à la modernisation de l'outil sont regroupées dans le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) créé par le décret du n° 2012-484 du 13 avril 2012 relatif à la réforme des aides à la presse et au fonds stratégique pour le développement de la presse, doté de 33,9 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013 contre 30,9 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014 , qui comprend trois sections :

• la première est consacrée aux projets de mutation et de modernisation industrielle et bénéficie aux agences de presse, aux quotidiens d'information politique et générale et assimilés et aux quotidiens gratuits imprimés par des entreprises de presse ;

• la seconde concerne les projets numériques : la plupart des services de presse en ligne (SPEL) reconnus par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) y ont accès, avec une priorité accordée aux SPEL d'information politique et générale.

• la troisième est dédiée au financement d'actions innovantes et au développement du lectorat . Cette section s'adresse aux bénéficiaires des deux autres sections ainsi qu'à certains titres favorisant le débat d'idées.

Il existe, enfin, un dispositif de bonifications pour les actions de responsabilité sociale des entreprises (RSE), collectives ou innovantes.

Les aides sont attribuées par l'Etat sur dossier, après appel à projet, et sur la base de l'avis d'un comité d'orientation où siègent à parité les administrations et les représentants du secteur. Le fonds a disposé de 18,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 23,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP) en 2012.

De surcroît, la Cour des comptes relève que les crédits affectés au fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) sont particulièrement concernés par les mesures de régulation budgétaire (33 ,7 millions en AE et 38,3 millions en CP en loi de finances initiale pour 2012, pour 24,4 millions d'euros en AE et 28,6 millions d'euros en CP réellement disponibles en 2012). Votre rapporteur spécial s'étonne que ce fonds, outil « rationalisé » par rapport aux dispositifs qu'il remplace, et vecteur essentiel des aides à la modernisation de la presse, soit si affecté par les mesures de régulation budgétaire . Il appelle donc de ses voeux une « régularisation » rapide de cette situation dès 2013, alors que la dotation du fonds paraît déjà mal calibrée pour tenir le rôle central qu'on lui assigne.

Les aides à la modernisation sociale relèvent quant à elles essentiellement du fonds d'aide à la modernisation sociale (18,4 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013), qui regroupe des mesures d'accompagnement en faveur des salariés concernés par la restructuration des imprimeries de presse. Il convient aussi de mentionner à cet égard les crédits du programme 103-Anticipation des mutations économiques et développement de l'emploi de la mission « Travail et emploi », géré par le ministère du travail : 19,5 millions d'euros étaient ouverts en 2013 au titre du plan « IMPRIME 12 ( * ) ».

c) Les aides au pluralisme

Alors que le soutien public à la presse écrite se justifiait à l'origine par le souci de garantir le pluralisme, corollaire de la liberté d'expression, les aides au pluralisme ne représentent que 3 % du total des aides directes à la presse écrite. Au nombre de trois, leur montant total est modeste (12 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013 ) . Elles ciblent les titres de la presse d'information politique et générale présentant une fragilité particulière :

• le fonds d'aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale (IPG) à faibles ressources publicitaires , créé en 1986 et doté de 9,2 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2013, contre 8,7 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2014. Le bénéfice de cette aide ouvre également droit à des tarifs très avantageux de transport postal et à une aide accrue au portage. Les bénéficiaires de cette aide sont très peu nombreux : la Croix, l'Humanité, France Soir, Libération et Présent, ainsi que trois quotidiens destinés aux enfants et adolescents, dans des proportions inférieures ;

• le fonds d'aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces , créé en 1989. Doté de 1,4 million d'euros en loi de finances initiale pour 2013, il concernait 18 publications en 2012. Le projet de loi de finances pour 2014 prévoit une reconduction de ce montant ;

• le fonds en faveur de la presse hebdomadaire d'information politique et générale régionale , créé en 2004. Doté de 1,4 million d'euros en loi de finances initiale pour 2013, il bénéficie à plus de 200 publications. De même, la dotation prévue pour 2014 s'élève à 1,4 million d'euros.


* 8 A périmètre constant, l'aide au transport postal s'élève à 150,5 millions d'euros en projet de loi de finances pour 2014. Cette forte baisse par rapport à 2013 s'explique par la fin de la compensation du moratoire postal décidé en 2009, une baisse tendancielle, prévue par les accords « Schwartz », du besoin de compensation des tarifs postaux de près de 20 millions d'euros, et par un ajustement correspondant à une fraction modérée (50 millions d'euros) de l'impact du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) sur la dotation versée par l'Etat au titre de l'aide au transport postal.

* 9 L'aide de l'Etat passerait de 242 millions d'euros en 2009 à 180 millions d'euros en 2015, soit une diminution de 62 millions d'euros (-25 %).

* 10 Le portage consiste à livrer les journaux et magazines au domicile des lecteurs, abonnés ou non.

* 11 Les vendeurs colporteurs sont les personnes qui effectuent, sur la voie publique ou par portage à domicile, la vente de publications quotidiennes et assimilées, alors que les porteurs de presse assurent la seule distribution de ces publications et non pas leur vente.

* 12 Dispositif d'une durée de trois ans prenant la forme d'un congé de conversion à l'issue d'un licenciement, pendant lequel la rémunération est de 85 % du salaire annuel précédent la première année, 80 % la deuxième année, et 75 % la troisième année.

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