ANNEXE VI - PROCÉDURE D'INSTRUCTION DES DOSSIERS PAR LE CIVEN

PROCEDURE SELON LAQUELLE LE COMITE D'INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLEAIRES (CIVEN) APPRECIE LE DROIT À INDEMNISATION DES VICTIMES DES ESSAIS NUCLEAIRES AYANT PRESENTE UNE DEMANDE EN APPLICATION DE LA LOI N° 2010-2 DU 5 JANVIER 2010 ET DU DECRET N° 2010-653 DU 11 JUIN 2010

Aux termes de l'article 1er de la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 : « Toute personne souffrant d'une maladie radio-induite résultant d'une exposition à des rayonnements ionisants due aux essais nucléaires français (...) peut obtenir réparation intégrale de son préjudice (...) ».

C'est au comité d'indemnisation institué par l'article 4 de la loi qu'il appartient d'examiner « si les conditions de l'indemnisation sont réunies ». Lorsqu'elles le sont, « l'intéressé bénéficie d'une présomption de causalité , à moins qu'au regard de la nature de la maladie et des conditions de son exposition le risque attribuable aux essais nucléaires puisse être considéré comme négligeable ».

Le présent document a pour objet de définir la méthode selon laquelle, en vue d'arrêter les recommandations qu'il doit faire au ministre sur les demandes d'indemnisation qui lui sont présentées, le comité apprécie dans chaque cas si la présomption de causalité instituée par la loi peut être retenue ou si, au contraire, la probabilité que l'affection invoquée ait un lien avec les essais nucléaires doit être regardée comme négligeable.

Ainsi que le lui prescrit l'article 7 du décret n° 2010-653 du 11 juin 2010 pris pour l'application de la loi, le comité a élaboré cette méthode « en s'appuyant sur les méthodologies recommandées par l'AIEA » 1 . Le comité entend se référer également à l'ensemble de la documentation scientifique disponible relative aux effets de l'exposition aux rayonnements ionisants.

Par ailleurs, malgré l'existence de controverses sur la légitimité de l'extrapolation des risques aux niveaux de doses faibles où l'épidémiologie ne distingue aucun excès mesurable, la méthode retenue fait l'hypothèse d'une relation dose-effet, sans seuil, et assure ainsi au demandeur le bénéfice d'une vraisemblable surévaluation du risque.

La méthode de travail du comité emprunte les étapes décrites ci-après.

1° Vérification de l'identité et de la qualité du demandeur (victime ou, en cas de décès de celle-ci, ayant-droit).

____________________________________________________________________

1 Voir en particulier le document dénommé TECDOC 870

(http://www-pub.iaea.org/MTCD/publications/PDF/te_870_web.pdf)

2° Examen des conditions de recevabilité de la demande d'indemnisation :

- Le comité vérifie si la victime est ou a été atteinte d'une des maladies radio-induites mentionnées à l'article 1er de la loi et dont la liste est annexée au décret ;

- et si elle a résidé ou séjourné

O à une date incluse dans les périodes mentionnées à l'article 2 de la loi,

O dans un des lieux indiqués au même article et précisés par l'article 2 du décret.

Dans le cas où le comité constate que l'une de ces trois conditions n'est pas remplie, il émet l'avis que la demande n'est pas recevable.

3° Si ces conditions sont remplies, l'instruction comporte :

3.1 Une estimation de la dose reçue à partir des données éventuellement disponibles, telles que :

- des résultats de dosimétrie externe individuelle,

- des résultats de dosimétrie interne (par examens anthroporadiométriques et dosages radiotoxicologiques),

- des dosimétries d'ambiance,

- des informations sur les conditions d'exposition, les missions réalisées, l'activité éventuelle en zone règlementée...

En l'absence de dosimétrie individuelle, la dosimétrie d'ambiance sert de référence.

Pour les populations locales, en l'absence de dosimétrie individuelle, est recherchée soit la dosimétrie d'ambiance locale, soit une dosimétrie reconstituée.

Le comité tient pour exactes les mesures de dosimétrie effectuées par les autorités responsables des essais.

3.2 Une recherche des autres éléments permettant d'apprécier si le risque attribuable aux essais nucléaires peut ou non être regardé comme négligeable (1er alinéa du II de l'article 4 de la loi) :

- année de naissance,

- sexe,

- nature de l'affection,

- âge au moment de l'exposition,

- âge à la date du diagnostic (délai de latence),

- autres facteurs (expositions médicales aux rayonnements ionisants, expositions à d'autres risques professionnels, tabagisme, etc...),

- publications scientifiques.

3.3 Calcul de la probabilité de causalité

La probabilité qu'une maladie constatée soit liée à une exposition aux rayonnements ionisants ou « probabilité de causalité » peut être calculée à partir des éléments énumérés ci-dessus (nature de la maladie, doses reçues, nature des rayonnements, âge au moment de l'exposition, délai d'apparition de la maladie...).

L'évaluation de cette probabilité de causalité se fonde sur les études épidémiologiques validées par la communauté scientifique internationale. Des formules mathématiques adaptées aux différentes affections permettent d'évaluer le risque relatif (RR), c'est-à-dire le rapport entre le nombre des maladies apparaissant dans une population exposée aux rayonnements ionisants et celui qui apparaît dans une population équivalente non exposée.

A partir de ces modèles épidémiologiques et à l'aide de ces outils mathématiques, il est possible d'estimer la probabilité que la maladie constatée chez un individu soit liée à la dose de rayonnements ionisants qu'il a reçue. La dose absorbée, pondérée des facteurs appropriés, est exprimée en milli-sieverts (mSv) et la probabilité de causalité (PC) 2 est exprimée en pourcentage entre 0 et 100%.

Le comité utilise, chaque fois que cela est possible, le logiciel de calcul mis au point aux Etats-Unis par le National Institute for Occupational Safety and Health (NIOSH-IREP), lui-même élaboré et régulièrement tenu à jour, conformément aux recommandations de l'AIEA. Le comité retient comme probabilité de causalité la valeur médiane calculée au moyen de ce logiciel. (cf Annexe)

Pour le calcul de la probabilité de causalité, le comité décide :

- en cas de dosimétrie individuelle nulle, d'attribuer à chaque dosimètre, la valeur du seuil de détection (0,2 mSv) ;

- en l'absence de dosimétrie individuelle, d'attribuer la valeur seuil pour chaque mois de présence lors des campagnes d'essais nucléaires atmosphériques.

Ce choix surestime l'exposition réelle.

____________________________________________________________________

2 Par exemple, une probabilité de 5 % signifie que pour 100 sujets exposés à une dose d et atteints d'un cancer, 5 cancers sont liés à l'exposition, les 95 autres sont de survenue indépendante des rayonnements ionisants. Parmi les 100 cancers, il est impossible de savoir lesquels sont réellement induits par l'exposition.

3.4 Interprétation des résultats

Pour tenir compte de ce que le législateur a institué une présomption de causalité susceptible d'être renversée, uniquement si le risque imputable aux essais nucléaires apparaît comme négligeable, le CIVEN considère :

- qu'une probabilité de causalité très faible (inférieure à 1 %) conduit, en principe au rejet de la demande ;

- qu'une probabilité de causalité supérieure ou égale à 1 % conduit à la décision de retenir ou non la demande, en prenant en compte toutes les données disponibles.

Lorsque la demande est retenue, il est procédé à l'évaluation des préjudices de toute nature imputables à la maladie, en se référant à la nomenclature des préjudices corporels (de la victime directe) dite « Nomenclature Dintilhac 3 » .

Pour l'évaluation des préjudices corporels imputables à l'affection radio-induite, le CIVEN a recours à une expertise médicale . Le médecin chargé de procéder à l'expertise est choisi, en fonction de sa compétence dans le domaine intéressé, sur l'une des listes d'experts mentionnées au I de l'article 2 de la loi n°71-478 du 29 juin 1971 modifiée relative aux experts judiciaires.

Le CIVEN adresse une mission d'expertise au médecin chargé de procéder à l'expertise.

L'expert convoque le demandeur, par lettre recommandée, au moins 15 jours avant la date de l'expertise. Cette convocation précise l'objet, la date et l'heure de l'expertise ainsi que le lieu où elle doit se dérouler.

Le demandeur peut se faire assister du médecin de son choix.

L'expert dispose d'un délai de deux mois à compter de la date de réception de la mission pour déposer son rapport en deux exemplaires, l'un destiné au CIVEN, l'autre au demandeur, par l'intermédiaire du médecin qu'il aura désigné.

Le demandeur peut adresser au CIVEN ses observations sur le rapport de l'expert.

____________________________________________________________________

3 http://lesrapports.ladocumentationfrancaise.fr/BRP/064000217/0000.pdf

5° A partir des conclusions de l'expertise, le CIVEN évalue le montant de l'indemnisation correspondant à ces préjudices en utilisant le référentiel de l'ONIAM 4 .

La recommandation faite au ministre reprendra ces différents éléments.

Il sera précisé que le montant définitif de l'indemnité sera calculé après déduction des sommes dues aux tiers payeurs (Etat, sécurité sociale, mutuelles etc...) en remboursement des indemnités éventuellement versées au titre des mêmes préjudices.

____________________________________________________________________

4 http://www.oniam.fr/textes/referentiel_oniam_20090701.pdf

Page mise à jour le

Partager cette page