I. REGARDS SUR LE VIETNAM

A. UNE LONGUE HISTOIRE

Héritier d'une tradition historique très ancienne, puisque sa première organisation politique (culture de Dong Son) a émergé aux alentours de mille ans avant Jésus-Christ, le Vietnam s'est peu à peu affirmé en résistance à l'occupation chinoise. À compter de l'an 1010, qui marque par ailleurs la fondation de la ville de Hanoi, l'État se construit parallèlement à l'unification du pays. Peu de temps après l'achèvement de ce processus, en 1802, l'attaque de Tourane (Da Nang), en 1858, constitue le début de la conquête coloniale du pays. Celle-ci débouche, en 1884, sur la signature d'un traité de protectorat entre la France et le Vietnam, puis, en 1887, sur la création de l'Union indochinoise sous domination française.

Le 2 septembre 1945, Ho Chi Minh déclare l'indépendance du Vietnam. À compter du 23 novembre 1946, la guerre d'Indochine s'engage ; elle se poursuit jusqu'à la bataille de Dien Bien Phu, dont l'issue, le 7 mai 1954, débouche sur le début de la Conférence de Genève. Les accords qui en résultent organisent la partition du pays, avant que se produisent, dix ans plus tard, les incidents qui marquent le début de la guerre du Vietnam. Celle-ci s'achève, en 1975, avec la chute de Saigon, qui aboutit à la réunification du pays.

1. Une intégration à la communauté internationale récente

Dix ans plus tard, le lancement du Doi Moi constitue le point de départ de l'ouverture économique du pays. Marquée successivement par la normalisation des relations avec la Chine, puis le rétablissement officiel des relations diplomatiques avec les États-Unis et l'intégration du Vietnam à l'ASEAN (Association des Nations de l'Asie du Sud-Est), cette politique débouche sur l'adhésion du pays à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) en 2007.

Sur le plan des relations bilatérales, après l'établissement des relations diplomatiques entre la France et le Vietnam en 1973, la visite du Président François Mitterrand, en 1993, illustre l'intensité retrouvée des liens entre les deux pays. Par ailleurs, l'organisation du sommet de la Francophonie à Hanoi, en 1997, souligne la place que le Vietnam joue au sein de cette instance.

2. Un pays en transition

Cette intégration traduit une volonté d'ouverture économique, rendue nécessaire par une expansion démographique rapide. Si le taux de natalité est désormais tombé à moins de 2 enfants par femme, soit au même niveau qu'en France, l'accroissement de la population reste très fort, de l'ordre de 1,4 % par an. Chaque année le Vietnam voit sa population augmenter d'environ un million d'habitants, pour un total de 89 millions d'habitants en 2011.

Cette expansion démographique constitue un défi majeur pour les autorités vietnamiennes, confrontées à une double nécessité : former, encadrer et permettre l'accès au marché du travail d'une population jeune et nombreuse, dont la moitié a moins de 30 ans, et tirer les conséquences du vieillissement progressif de la population pour le système de retraites et de sécurité sociale.

Par ailleurs, l'exode rural massif pose de graves problèmes d'urbanisme et fragilise un pays déjà confronté à des déséquilibres géographiques importants. La fragilité croissante du Vietnam en matière de changement climatique ajoute une menace écologique déjà présente, sous d'autres formes, comme séquelle de l'utilisation d'armes chimiques pendant la guerre et de l'emploi massif de pesticides dans l'agriculture.

3. Une économie de marché dans un cadre socialiste

La politique d'ouverture engagée par le Vietnam depuis les années 2000 a permis au pays d'engranger des résultats spectaculaires : en huit ans, le produit intérieur brut a été multiplié par huit, de sorte qu'il atteignait, en 2011, 1 400 dollars par habitant et lui permettait d'acquérir le statut de « pays à revenu intermédiaire ». Corollaire ou conséquence de ce développement très rapide, la situation économique du Vietnam laisse persister des déséquilibres majeurs : déficit budgétaire, déficit de la balance des paiements, imputable principalement au déficit de la balance commerciale, inflation élevée, tensions sur le marché des changes, en raison du manque de confiance des opérateurs dans le dong, faible performance du secteur public.

Sur un plan global, l'économie vietnamienne souffre encore d'une spécialisation sur des produits à faible valeur ajoutée, d'autant que ce phénomène le rend vulnérable aux chocs extérieurs.

Enfin, réussir à atteindre l'objectif fixé pour 2020, c'est-à-dire devenir une nation industrialisée, suppose de relever au préalable de nombreux défis : combler le manque d'infrastructures du pays, élever le niveau de qualification de la main d'oeuvre, mettre en place un environnement juridique clair et moderniser l'administration. Les entretiens qu'a eus la délégation montrent, par ailleurs, le chemin qui reste à parcourir en matière de respect des droits de propriété intellectuelle - notamment en ce qui concerne les droits d'exclusivité.

4. Un système éducatif sous pression

Selon la Constitution, la scolarisation des enfants vietnamiens est obligatoire et gratuite de 6 à 14 ans. En 2010, 24 % du budget national étaient consacrés à l'éducation. En 2012, on comptait 15,4 millions d'élèves et 2,2 millions d'étudiants.

Si l'objectif de scolarisation de tous les enfants semble pratiquement atteint, avec un taux de scolarisation de 94 %, l'accès à l'éducation reste inégal selon les régions. Dès lors, les autorités éducatives s'attachent désormais au développement qualitatif avec pour ambition, en particulier, le renforcement du rôle de l'État dans la régulation et l'équité du système éducatif. De fait, celui-ci présente encore des carences, dont les interlocuteurs de la délégation se sont d'ailleurs montrés conscients : corps enseignant peu formé, déficit d'infrastructures d'accueil, notamment dans le primaire, méthodes d'enseignement très traditionnelles, faiblesse des rémunérations des enseignants. Ces derniers seraient souvent contraints de détenir un second emploi au sein de structures d'enseignement privé qui connaissent un fort développement et aiguisent les inégalités sociales. En effet, toutes les familles ne disposent pas de ressources financières pour permettre à leurs enfants de bénéficier de ce supplément d'apprentissage, qu'il prenne la forme de cours particuliers ou d'enseignement privé collectif, y compris - nous a-t-il été affirmé - dans les locaux même des écoles publiques.

Cette inégalité des chances entre les enfants s'accroît au fur et à mesure de la scolarité, notamment par le biais d'une sélection par concours d'entrée, tant est forte la concurrence pour accéder aux meilleurs établissements scolaires situés dans les grandes villes du pays.

La gouvernance du système éducatif semble d'autant moins assurée que le Vietnam ne possède pas, à ce jour, de système centralisé d'informations à même de gérer la carrière des enseignants, dont le statut reste très hétérogène entre fonctionnaires et vacataires, selon les provinces et, même, les établissements.

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