B. INTÉGRER NOS INTÉRÊTS ÉCONOMIQUES FRANÇAIS DANS LES MISSIONS DE NOTRE COOPÉRATION

Le groupe de travail, en cohérence avec ses propositions sur le renforcement du soutien à nos entreprises en Afrique, souhaite mieux articuler la politique bilatérale de développement avec les intérêts économiques français de long terme, en contribuant à une meilleure veille sur nos intérêts stratégiques et à la promotion de nos savoir-faire.

1. Relier l'aide : une fausse bonne idée

Si les outils de soutien à l'export précités n'ont pas une dimension propre à l'Afrique, l'intervention des pouvoirs publics dans cette partie du monde est marquée par la présence de la coopération au développement sous l'aspect « financement de projet et expertise technique ».

Nous nous sommes interrogés sur le rôle de ces deux outils dans la promotion et le soutien de nos entreprises.

Bien que l'aide au développement française soit une des plus déliée au monde avec plus 90 % de l'aide déliée 64 ( * ) , le taux de retour pour nos entreprises en Afrique est de l'ordre de 50 %. Ce taux est comparable à celui de nos partenaires bailleurs de fonds. Ainsi, bien que l'AFD n'affiche pas explicitement la promotion des intérêts économiques parmi ses objectifs, de fait, la présence de financements français, les liens avec les réseaux économiques, les performances des entreprises elles-mêmes conduisent à privilégier les entreprises françaises aux côtés des entreprises locales.

Faut-il relier l'aide pour mieux défendre nos entreprises ? Si l'idée paraît séduisante face à la concurrence des pays émergents et notamment de la Chine dont l'aide est quasiment intégralement liée à la défense de ses intérêts stratégiques, dans la pratique, un reliement de l'aide aux projets ne semble pas devoir atteindre les objectifs poursuivis sur le long terme.

D'une part, un certain nombre de pays dont l'Afrique du Sud refuse la pratique de l'aide au développement lié. Autrement dit, l'AFD ne peut poursuivre ses activités que si elle continue à pratiquer des financements déliés. C'est le cas dans de nombreux pays à revenus intermédiaires de la tranche supérieure qui souhaitent avoir le choix des contractants et se méfient des procédures de gré à gré.

C'est d'ailleurs une des clauses de l'engagement pris par la France en 1978 au sein de l'OCDE sur les crédits exports qui a été étendue aux pays les moins avancés et aux pays pauvres très endettés.

La France pourrait dénoncer ces accords. Jusqu'à présent la stratégie suivie a été, au contraire, d'amener les pays émergents à adhérer à ces accords, sinon à leur lettre du moins à leur esprit. Sans doute la France y perdrait en crédibilité dans la communauté des bailleurs de fonds, notamment parce que les montants de l'aide déclarée de la France chuteraient drastiquement, l'aide liée ne pouvant être déclarée que si elle comporte un degré de concessionnalité aujourd'hui hors de portée des finances publiques, mais aussi parce qu'elle opérerait un revirement majeur dans une stratégie qui vise à augmenter globalement les exigences des appels d'offre financés par l'aide, aussi bien en matière de transparence que de responsabilité sociale et environnementale.

Un tel revirement rendrait difficile, par ailleurs, les financements croisés qui sont aujourd'hui un axe majeur pour coordonner l'action des bailleurs de fonds. Gagnerait-elle d'un point de vue commercial ?

Les évaluations effectuées sur les protocoles du Trésor avant le déliement font état de surmarges de l'ordre de 30 % quand la concurrence est restreinte aux seules entreprises françaises avec des cas d'entente aussi bien entre entreprises qu'avec les administrations partenaires. Il y a dès lors un risque de financer des projets qui ne correspondent pas à des besoins avérés et de soutenir des entreprises dont les prestations sans cette aide seraient peu compétitives. Et cela sur des montants qui ne peuvent pas avoir des effets massifs puisque la France ne représente que 10 % de l'aide programmable globale.

C'est d'ailleurs pourquoi ni le MEDEF ni les autres syndicats professionnels ne réclament un reliement de l'aide, contraire au principe de libre concurrence. Ces syndicats constatent par ailleurs que le déliement de l'aide d'autres pays a profité aux entreprises françaises dans les pays où elles étaient bien placées. Ils réclament, en revanche, une meilleure prise en compte des intérêts économiques en amont des financements des projets, notamment en matière d'expertise technique, et la promotion d'une concurrence équitable avec les entreprises des pays émergents sur les marchés africains.


* 60 La France en Afrique, Yves Gounin, édition de boeck. 2009.

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