c) Un dispositif encore trop coûteux et rigide, politiquement peu lisible et militairement déséquilibré par rapport aux intérêts français

La loi de programmation militaire pour 2014-2019 qui prévoit une réduction des effectifs prépositionnés en Afrique à laquelle s'ajoutera une décrue des effectifs en OPEX conduit à une réduction numérique des effectifs français en Afrique dont le coût s'avère aujourd'hui difficilement soutenable au regard des contraintes budgétaires.

La loi de programmation militaire prend acte du fait que la France ne peut plus financer un effort budgétaire supérieur à un milliard par an pour renforcer la sécurité du continent africain.

L'Afrique représente plus de la moitié des crédits consacrés aux forces ou opérations hors du territoire national. Le coût annuel des forces prépositionnées est en 2013 de l'ordre de 400 millions d'euros (entre Djibouti, Libreville et Dakar), celui des OPEX en Afrique de l'ordre de 900 millions (65 millions en Côte d'Ivoire, 107 au Tchad, 26 millions pour l'océan Indien, 22 en Centrafrique, 700 millions pour le Mali) sur un budget d'OPEX variant, suivant les années, entre 800 millions et un milliard d'euros (comme ce fut le cas en 2011 et comme cela sera vraisemblablement le cas en 2013 compte tenu de Serval, dont le coût annuel devrait s'élever à 700 millions d'euros).

La conjonction des diminutions d'effectifs des forces prépositionnées, programmées à 1 200 hommes, et des OPEX dont le niveau, stabilisé à 450 millions d'euros contre 528 millions d'euros en moyenne sur les dix dernières années et plus de 900 ces trois dernières années supposera une diminution d'au moins un millier d'hommes supplémentaires, va nécessairement réduire la présence militaire en Afrique.

Le chiffre de 450 millions d'euros pour solde de tout compte des opérations extérieures signifie, en effet, vraisemblablement, que la France ne s'engagera plus dans plus de deux opérations concomitantes en Afrique. La diminution des effectifs des OPEX impliquera une diminution des effectifs, vraisemblablement à Djibouti et à Libreville, et une transformation de certaines OPEX en opérations permanentes financées au titre des forces prépositionnées. Cette distinction avant tout budgétaire n'a d'ailleurs pas vraiment de sens avec des OPEX comme les opérations LICORNE et EPERVIER qui durent depuis des années.

Surcoût des opérations extérieures en 2011 et 2012

Exécuté 2011

(1)

Exécuté 2012

Prévu 2013

KOSOVO

47

40

36

COTE D'IVOIRE

64

63

65

AFGHANISTAN

518

485

259

TCHAD

97

115

107

LIBAN

79

76

62

LIBYE

368

MALI

ND

DJIBOUTI (Atalante)

29

30

26

CENTRAFRIQUE

22

Autres

43

63

36

Total

1 247

873

611 (hors Mali)

Tout en constatant que les menaces, en particulier dans cette région du monde, sont loin de diminuer, le ministère de la défense s'ajuste à la réalité budgétaire d'une France qui ne peut plus financer une présence militaire en Afrique aussi massive.

Le pari et le défi du ministère de la défense sont d'arriver à produire un dispositif aussi efficace mais moins coûteux.

Cette contrainte doit notamment conduire à repenser la cohérence de l'ensemble de notre dispositif vers un dispositif plus souple où les effectifs s'ajustent en temps réel aux besoins opérationnels.

Avec 300 hommes, notre point d'appui à Dakar a apporté une contribution essentielle à l'opération SERVAL et à des actions de formation des troupes africaines qui ont nourri la MISMA puis la MINUSMA.

Au vu de cette expérience, un meilleur ratio pourrait être trouvé ailleurs entre forces d'action et unités de coopération et de formation. Les points d'appui français doivent plus que jamais assurer une polyvalence entre ses deux missions en coordination avec les écoles nationales à vocation régionale et les forces africaines.

La diminution des moyens budgétaires comme les enseignements de l'opération SERVAL milite ainsi pour le maintien de nos points d'appui en Afrique, mais pour une plus grande flexibilité des effectifs qui doivent pouvoir être modulés rapidement en fonction des besoins opérationnels.

Les effectifs des bases actuels sont, en outre, en déphasage avec les besoins opérationnels pour assurer la sécurité de nos intérêts, notamment pour la protection de nos ressortissants.

Des effectifs nombreux sont aujourd'hui concentrés sur la Corne de l'Afrique et la péninsule arabe, alors que les communautés françaises vivent majoritairement en Afrique de l'Ouest, zone où la menace ne fait que s'aggraver ; de la même façon, le centre de gravité nord-sud paraît trop bas sur la façade ouest africaine.

Le centre de gravité de nos implantations militaires en Afrique mériterait d'être repositionné : aujourd'hui trop concentré au fond du Golfe de Guinée où se trouve la majorité de nos forces (Gabon), il gagnerait à être remonté au Nord.

Déséquilibré entre la façade Ouest et la façade Est de l'Afrique (où nous avons 12 avions, 2 groupements tactiques interarmées et 8 hélicoptères, en incluant nos capacités aux Émirats Arabes Unis), il gagnerait aussi à être rebasculé vers l'Afrique de l'Ouest, où sont nos intérêts les plus anciens, et d'abord nos ressortissants.

Enfin, plus que jamais, dans la décennie à venir, la condition de l'acceptation par les Africains de la présence militaire française en Afrique, et donc de sa légitimité, est naturellement qu'elle contribue réellement à la montée en puissance des architectures de sécurité africaines.

Lors du cinquantième anniversaire de l'Union africaine à Addis Abeba le 25 mai dernier, dont il était le seul invité occidental, le Président de la République François Hollande affirmait : « Je considère que ce sont les Africains qui doivent assurer eux-mêmes la sécurité de l'Afrique. Mais la France est prête à travailler avec les Africains, pour renforcer les capacités d'action, pour doter les armées africaines des moyens de répondre à toutes les agressions. (...) Nous définirons ensemble les formes de la meilleure coopération pour prévenir et traiter les conflits, et pour lutter partout contre le terrorisme. »

Adosser notre présence militaire à la montée en puissance des capacités africaines est une condition décisive pour une bonne acceptation par les Africains de notre présence militaire en Afrique, la première étant évidemment l'expression de la volonté des États concernés.

De ce point de vue, la vocation du dispositif français apparaît encore trop peu lisible pour les opinions publiques africaines.

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