IV. LES NOUVEAUX ENJEUX DE LA PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME DANS LE MONDE

A. DÉBAT JOINT SUR LE RACISME

1. Une stratégie pour la prévention du racisme et de l'intolérance en Europe

L'Assemblée a constaté la progression, ces dix dernières années, des manifestations de racisme, de haine et d'intolérance, tant en gravité qu'en nombre. Sont ainsi mis en avant les effets de la crise économique sur le tissu social et l'échec des gouvernements à concevoir et à mettre en application des politiques en matière de cohésion sociale, de migration et d'inclusion des Roms, ainsi que le rôle amplificateur de l'utilisation croissante d'internet et des médias sociaux.

Il y a désormais urgence à élaborer une véritable stratégie face au racisme, à la haine et à l'intolérance en Europe, plutôt qu'une approche au cas par cas. Cette démarche suppose le renforcement des cadres juridiques existants assorti d'une mise en oeuvre effective par les États membres.

Mme Maryvonne Blondin (Finistère - SOC) a salué la volonté politique exprimée par le gouvernement français de lutter contre toutes les formes de discriminations et a invité l'Assemblée à la vigilance à ce sujet :

« Le projet de résolution que nous soumet notre collègue M. Gunnarsson constitue un instrument important pour lutter contre la propagation des discours de haine. Je partage son point de vue selon lequel il convient de mettre l'accent sur la prévention et l'éducation.

Ces deux rapports seront comme des lanceurs d'alerte dans les États membres du Conseil de l'Europe, mais, il faut le souligner, la situation est variable selon les pays.

En France, différentes enquêtes d'opinion montrent que seuls 8 % des Français croiraient en l'inégalité des races. Mais le racisme n'a pas disparu, il s'est transformé en un racisme sociétal et culturel. Dans le contexte de crise financière, économique et sociale, l'individualisme et le repli sur soi, sur ses semblables, sur ses frontières, se renforcent ; le rejet de l'autre, de l'étranger, augmente ; et les extrémismes se durcissent. Tout cela est facilité par les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, ce fameux cyberespace, dont on peut mesurer l'efficacité de la circulation de tous types d'informations et dont on voit les ravages qu'il fait chez les jeunes.

Le Conseil de l'Europe doit absolument défendre ses valeurs et ses objectifs. Des paroles c'est bien, mais des actes et le renforcement de nos cadres juridiques, c'est mieux.

Je voudrais rappeler à notre Assemblée le discours de la ministre française Najat Vallaud Belkacem, ici même, l'an dernier, qui a mis en place un plan d'action et un cadre juridique certes, me direz-vous, pour l'égalité entre les femmes et les hommes et pour lutter contre les discriminations, mais lutter contre les discriminations, c'est lutter contre l'intolérance, contre le rejet de l'autre, contre le racisme.

Le ministre de l'Éducation nationale français, Vincent Peillon, déclarait lundi dernier dans un journal français : « Le meilleur rempart contre tous les préjugés qui conduisent au racisme et à l'antisémitisme, c'est l'instruction, la réflexion et le dialogue. »

Le Conseil de l'Europe est reconnu pour sa contribution à la lutte contre toutes les discriminations. Il est du devoir de notre Assemblée que de faire reculer cette poussée du racisme. C'est une tâche de longue haleine et il ne faut pas baisser la garde !! Car c'est le sommeil de la raison qui engendre des monstres. »

Mme Bernadette Bourzai (Corrèze - SOC) a d'ailleurs souligné l'action du Conseil de l'Europe en la matière :

« Merci, Monsieur Gunnarsson, pour cet excellent rapport. Il souligne avec clarté la nécessité pressante aujourd'hui d'intervenir pour promouvoir ce qui auparavant allait de soi : la tolérance et le respect de l'autre.

Ces dernières années sont marquées par la diffusion d'un nouveau racisme politique en Europe. Certes, ce dernier émerge conjointement à la crise économique. Il est vrai aussi que le développement des réseaux sociaux a libéré le discours raciste en Europe et donné à ces discours de haine une résonance inédite jusqu'alors.

Mais, si cette crise exacerbe les tensions traditionnelles, elle n'est pas seule coupable. Ne nous voilons pas la face : les partis politiques ont leur part de responsabilité. Les partis politiques extrémistes et populistes ont déployé une nouvelle stratégie pour convaincre. Ils ont dilué leur message pour attirer un nombre croissant d'électeurs. Face à cette concurrence, certains partis politiques traditionnels se sont approprié les éléments de discours de ces partis, contribuant à les diffuser dans l'ensemble de la société.

La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) a dressé un constat alarmant dans son rapport annuel 2012 publié le 25 octobre dernier. L'intolérance s'affiche désormais sans complexe : discrimination raciale, xénophobie, antisémitisme et intolérance sont de plus en plus visibles en Europe. Rappelons que, selon l'Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne, une personne sur quatre provenant d'un groupe minoritaire a déjà été' confrontée à un crime à caractère raciste en Europe.

Comment pouvons-nous aujourd'hui repousser l'extrémisme à la frontière du politique, là où il aurait dû rester ? Face à l'ampleur du phénomène, la présidente de l'ECRI, Eva Smith, en a conclu que « la lutte contre le racisme et l'intolérance ne peut être efficace que si l'on arrive à faire passer le message dans la société tout entière. À cet égard, la sensibilisation du grand public ainsi qu'une stratégie de communication adaptée sont essentielles ».

Au mois de mars 2013, le Conseil de l'Europe a déjà lancé, à destination du grand public, son mouvement contre le discours de haine. Je rejoins le rapporteur sur la nécessité d'aller plus loin au sein de notre Organisation. Le Conseil de l'Europe a ainsi organisé à Erevan une conférence de haut niveau sur la lutte contre le racisme, la xénophobie et l'intolérance en Europe, les 21 et 22 octobre derniers. Les conclusions de cette dernière ont souligné la nécessité de partager les bonnes pratiques non seulement entre États membres mais aussi entre organisations internationales et régionales.

À cet égard, je salue l'initiative du rapporteur tendant à soutenir l'approche volontariste de la Déclaration de Rome contre le racisme et l'intolérance à laquelle 17 États membre de l'Union européenne ont adhéré en septembre 2013. En adoptant aujourd'hui ce rapport, nous franchissons une nouvelle étape dans la lutte contre le racisme et l'intolérance.

À la veille des élections au Parlement européen, je voudrais rappeler que, comme le disait Gilles Perrault, « La tolérance, c'est la civilisation par excellence ». »

2. La lutte contre le racisme dans la police

L'Assemblée a souligné l'existence d'actes racistes dans la police dont certains ont pu être mis en lumière par des faits divers. Elle invite à ce sujet les États membres à analyser de façon critique les pratiques de la police et à prendre les mesures nécessaires afin d'éviter l'impunité de ces crimes racistes.

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