II. UN PARTENARIAT BIENVENU DANS UN PAYS SOUS ASSISTANCE FINANCIÈRE

A. UNE ÉCONOMIE FRAGILISÉE PAR LA CRISE MONDIALE ET LE CONTEXTE RÉGIONAL

Déjà fragilisée par la crise financière internationale, la Jordanie subit désormais les conséquences du « printemps arabe » et de la guerre civile en Syrie (1 point de PIB sur trois ans selon les Nations unies) qui affectent à la fois commerce extérieur et flux touristique. La fréquentation touristique du site de Petra a ainsi été divisée par deux depuis 2011 passant de 1 million de visiteurs annuels avant la guerre à 500 000 fin 2013. Or, la contribution du tourisme au PIB est évaluée à 40 % 2 ( * ) . La croissance annuelle de l'activité du pays établie à 8 % entre 2004 et 2008 tourne dans ces conditions autour de 3 %, taux à rapprocher de celui de l'augmentation annuelle de sa population (2,2 %). Cette performance économique, qui reste assez bonne si on la compare aux pays voisins, ne saurait néanmoins masquer un taux de chômage relativement haut : 14 % de la population active en 2013 - seules 15 % des femmes travaillent - et une inflation de l'ordre de 5,6 % en 2013 qui érode le pouvoir d'achat. Le salaire moyen s'élève quant à lui à 250 dinars jordaniens (245 euros environ).

Afin de répondre à la crise et éviter que la contestation sociale ne se traduise en révolte politique, les autorités jordaniennes ont, en 2011, adopté des mesures d'urgence : subventions visant les produits alimentaires de base, majoration des salaires et des pensions dans la fonction publique et gel du prix de l'essence. L'impact financier de ces dispositions ont conduit le gouvernement à réviser cette politique, contraint notamment par ses bailleurs de fonds. La réponse à la crise est en effet également passé par un endettement important - 88 % du PIB en 2013 contre 75,5 % en 2012 - et un soutien financier de la plupart de ses partenaires : Fonds monétaire international, Banque mondiale, États-Unis, pays du Golfe, Union européenne, Japon et France.

Les pays du Golfe (Arabie Saoudite, Émirats arabes unis, Koweït et Qatar, même si ce dernier est moins allant), réunis au sein du Conseil de coopération des États arabes du Golfe ont ainsi dégagé en 2012 une enveloppe de 5 milliards de dollars par an sur 5 ans (3,6 milliards d'euros) dédiée à la coopération avec la Jordanie. De fait, la contribution de ces pays aux investissements publics jordaniens est désormais supérieure à 50 %. Les États-Unis ont de leur côté versé une aide civile de 500 millions de dollars (360,1 millions d'euros) en 2013, somme à laquelle il convient d'ajouter 300 millions de dollars (216,2 millions d'euros) au titre de l'aide militaire. L'Union européenne a également accordé une aide macro-financière de 180 millions d'euros le 26 novembre 2013 qui vient s'ajouter aux subventions déjà accordées dans le cadre la politique de voisinage (223 millions d'euros entre 2011 et 2013), au programme SPRING pour l'accompagnement de la transition démocratique (93 millions d'euros entre 2012 et 2013) et à l'aide humanitaire (114 millions d'euros au titre du programme Echo ). Au final, l'aide extérieure du pays atteignait 1,623 milliard de dollars (1,169 milliard d'euros) fin 2013 (1,2 milliard de dollars en 2012 - 865 millions d'euros).

À ces aides il convient d'ajouter des prêts. Le FMI a ainsi ouvert, le 3 août 2012, une ligne de crédit de 2 milliards de dollars sur trois ans (1,44 milliard d'euros), conditionnée à l'adoption de réformes structurelles visant la fiscalité, la formation professionnelle ou les subventions. C'est dans ce contexte qu'est intervenue l'augmentation des tarifs de l'électricité le 15 août 2013. Cette hausse, étalée sur quatre ans, a néanmoins été limitée pour l'heure aux seules entreprises. Elle fait suite à une augmentation des prix du carburant enregistrée en novembre 2012 qui avait suscité de nombreuses manifestations dans le pays. La hausse progressive des tarifs de l'électricité est censée éviter toute crispation sociale.

1,03 milliard de dollars (740 millions d'euros) a déjà été versé par le FMI. L'Union européenne a, de son côté, décidé d'octroyer un prêt de 180 millions d'euros le 26 novembre 2013. Le Japon a ouvert deux lignes de crédits de respectivement 156 millions de dollars (112,5 millions d'euros) et 120 millions de dollars (86,54 millions d'euros), cette dernière étant dédiée à la consolidation budgétaire. La Banque mondiale a accordé un crédit de 150 millions de dollars (108,16 millions d'euros). L'agence française de développement a octroyé un prêt de 150 millions d'euros. La garantie du Trésor américain a par ailleurs permis à la Jordanie d'emprunter 1,25 milliard de dollars (910,4 millions d'euros) sur les marchés. La Russie a privilégié les investissements dans le nucléaire jordanien. Il s'agit, pour elle, de renforcer son influence dans la région, au-delà de ses liens avec la Syrie.

Dons et prêts de la communauté internationale à la Jordanie en 2013

(en millions d'euros)

Pays ou Organisation

Dons

Prêts

États-Unis

360

216,2 (crédits militaires)

901,4 (Garantie du Trésor)

Conseil de coopération des États du Golfe

3 600

Union européenne

148

180

(décaissement en 2014)

Fonds monétaire international

1,44 (début du décaissement en 2012)

Japon

112,5
(décaissement en 2012)

86,54

France

150

Banque mondiale

108,16

Les estimations pour 2013 en ce qui concerne la situation des comptes extérieurs traduisent une certaine amélioration. Le déficit courant devrait ainsi être ramené de 17,3 % du PIB en 2012 à 10,5 % au terme de l'exercice 2013. Le déficit de la balance des paiements évalué à 3,2 milliards de dollars en 2012 (2,31 milliards d'euros) s'est transformé en excédent estimé à environ 650 millions de dollars (468,70 millions d'euros). Les avoirs en devises de la Banque centrale de Jordanie sont, quant à eux, passés de 6,63 milliards de dollars (4,78 milliards d'euros) fin 2012 à 10,87 milliards de dollars un an plus tard (7,84 milliards d'euros).

Cette amélioration reste néanmoins liée à l'augmentation des transferts privés et surtout publics. Le montant de la dette extérieure continue ainsi à augmenter alors que les importations demeurent trois fois supérieures aux exportations.

La situation de NEPCO, la compagnie nationale d'électricité, fragilise néanmoins les comptes publics. La charge pour l'État de cette entreprise est estimée à 6,6 % du PIB, portant le déficit global des comptes publics à 9,6 % du PIB. Une telle évolution relativise la réduction du déficit budgétaire de 3 points obtenue en un an : 5,2 % du PIB en 2013 contre 8,3 % en 2012.

L'augmentation de l'aide extérieure et la réforme en cours de la collecte fiscale devraient contribuer à ramener le déficit budgétaire à 4,3 % du PIB fin 2014. Cette diminution demeure néanmoins en trompe l'oeil puisque reposant principalement sur les subventions des partenaires du Royaume hachémite, ce qui accentue sa dépendance, notamment à l'égard des pays du Golfe. Les dépenses courantes devraient en effet augmenter de 10 % au cours de l'exercice alors que l'État devra faire face aux échéances de la dette contractée par NEPCO, ce qui devrait contribuer à augmenter la charge budgétaire de celle-ci : 7 % du PIB en 2014. In fine le déficit public devrait être compris entre 7,8 et 8,1 % du PIB à la fin 2014. Dans ces conditions, la dette publique pourrait dépasser 100 % du PIB à l'horizon 2016.


* 2 Le site de Petra regroupe à lui seul 85 agences de tourisme, 40 hôtels, 50 guides, 15 taxis, sans compter les loueurs de chevaux et les vendeurs de souvenirs.

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