AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le 20 octobre 2005, la mission commune d'information du Sénat présentait son rapport sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante.

Après avoir analysé les raisons du « drame de l'amiante en France », la mission présentait pas moins de vingt-huit propositions pour mieux indemniser les victimes et tirer des leçons pour l'avenir.

Le 28 février 2013, la commission des affaires sociales a souhaité créer en son sein un comité de suivi amiante afin de dresser un bilan de la mise en oeuvre des propositions formulées en 2005. Présidé par Aline Archimbaud, le comité a souhaité approfondir la réflexion sur deux sujets essentiels: l'indemnisation des victimes et les enjeux du désamiantage.

Le comité de suivi a tout d'abord mené un cycle d'auditions sur l'indemnisation des victimes de l'amiante d'avril à novembre 2013 au travers de 2 tables rondes et de 6 auditions.

Puis, de janvier 2014 jusqu'au mois de mai, le comité a poursuivi sa réflexion sur les enjeux du désamiantage, à travers 19 auditions, 4 tables rondes et un déplacement sur le campus de Jussieu de l'université Pierre et Marie Curie, soit au total 36 organismes rencontrés sur cette thématique spécifique.

Parmi les vingt-huit propositions présentées en 2005, dix-sept ont été mises en oeuvre, sept concernant l'indemnisation des victimes et son financement sont restées lettre morte, une relative à la qualification des diagnostiqueurs doit encore connaître une véritable mise en oeuvre et trois, portant sur la constitution de bases de données, sont encore en cours de réalisation neuf ans plus tard.

Si le comité de suivi considère que la réglementation actuelle est globalement satisfaisante, en particulier dans son volet protection des travailleurs qui a été considérablement renforcé par le décret du 4 mai 2012, quatre faiblesses ont été identifiées auxquelles il convient de trouver des réponses très rapidement.

Tout d'abord, le pilotage des politiques publiques en matière d'amiante est défaillant alors que ce sujet transversal concerne quasiment tous les ministères. Les enjeux financiers du désamiantage sont mal connus faute d'une méthodologie commune et d'une impulsion politique majeure.

Ensuite, le repérage de l'amiante constitue le maillon faible de la réglementation. Critiquées par de nombreuses personnes auditionnées, la formation et la certification des diagnostiqueurs n'ont été modifiées qu'à la marge depuis 2006. Or un diagnostic amiante de qualité est la condition sine qua non d'une protection adéquate des travailleurs et de la population.

Par ailleurs, la protection des travailleurs pâtit du faible nombre des interventions des corps de contrôle. L'inspection du travail, en première ligne sur ce sujet, se retrouve ainsi bien seule pour vérifier le respect par les employeurs de la réglementation.

Enfin, le comité de suivi pointe certaines insuffisances en matière de santé publique : par exemple, la réévaluation du seuil d'empoussièrement pour déclencher des travaux tarde à être menée à son terme, les déchetteries spécialisées pour recevoir de l'amiante sont trop peu nombreuses, tandis que le suivi-post-professionnel des personnes exposées n'est pas satisfaisant.

Refusant toute polémique stérile, et soucieux de ne pas empiéter sur les compétences du juge judiciaire, votre comité de suivi a souhaité présenter des propositions à la fois ambitieuses et opérationnelles pour relever le pari du désamiantage dans les décennies à venir.

I. LES PRINCIPAUX CONSTATS DU COMITÉ DE SUIVI

A. L'AMIANTE CONSTITUE UN DRAME SANITAIRE MAJEUR, QUI IMPOSE DES EFFORTS SOUTENUS DANS LES DÉCENNIES À VENIR

1. Une catastrophe sanitaire majeure...

Le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé dès 1977 toutes les variétés d'amiante comme substances cancérogènes avérées pour l'homme, compte tenu de leurs rôles dans l'apparition des mésothéliomes (plèvre, péritoine, péricarde, testis vaginalis) et des cancers du poumon. En 2009, le Circ a considéré que l'exposition à l'amiante pouvait également provoquer des cancers du larynx et de l'ovaire.

Selon l'InVS, il n'existe pas actuellement de système qui permettrait d'avoir « une vision complète de l'impact de l'amiante sur la santé de la population française ».

La difficulté tient notamment au fait que l'exposition à l'amiante peut être professionnelle, para-professionnelle ou domestique (lors des activités de bricolage notamment). Les projections sanitaires présentent ainsi des limites liées aux modélisations utilisées.

Selon la Direction générale de la santé, qui s'appuie sur les travaux de l'InVS, le nombre de décès par mésothéliome oscillera entre 18 000 et 25 000 d'ici 2050, tandis que le nombre de décès causés par un cancer broncho-pulmonaires en lien avec une exposition à l'amiante devrait être compris entre 50 000 et 75 000 sur la même période.

Selon l'Andeva, l'amiante provoque 3 000 décès par an, et elle est responsable de 9 % des maladies professionnelles et 76 % des décès dus à une maladie professionnelle en 2011.

La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (Cnam) indique pour sa part que sur 54 105 maladies professionnelles reconnues en 2012, 4 531 sont liées à l'amiante (plaques pleurales et asbestoses, cancers broncho-pulmonaires, tumeurs malignes et mésothéliomes).

2. ... qui nécessite une mobilisation à long terme de tous les acteurs

Comme l'indique le « Guide des déchets de chantiers du bâtiment » de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe), il restait en France en 1998 environ 200 000 tonnes d'amiante non lié (flocage et calorifugeage) et 24 millions de tonnes pour l'amiante-ciment.

Or, comme le rappelle l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), l'amiante est un « puissant cancérigène sans effet de seuil ». Par conséquent, seule la valeur limite d'exposition professionnelle (VLEP) la plus basse possible est acceptable. L'Anses recommande donc au ministère chargé du travail de réévaluer régulièrement cette valeur, afin de l'abaisser.

Il faut éviter qu'au drame de l'amiante né de son interdiction tardive en 1997 s'ajoute un nouveau drame lié aux conditions du désamiantage .

Compte tenu de la séparation des pouvoirs dans un Etat de droit, le comité de suivi « amiante » n'a aucunement l'intention de se substituer au pouvoir judiciaire pour établir les responsabilités des différents acteurs.

Son objectif est de faire un bilan du suivi des préconisations de la mission commune d'information du Sénat et d'élaborer des propositions relatives aux enjeux du désamiantage.

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