IV. LE REPOSITIONNEMENT EN QUESTION DE L'ADMINISTRATION PRÉFECTORALE

Aussi différentes soient-elles, les diverses évolutions des métiers et de l'environnement administratif du corps préfectoral convergent vers une question unique : quel est l'avenir de l'administration préfectorale ?

La réforme en cours de la gouvernance territoriale, l'émergence de nouvelles régions aux limites redéfinies et l'affirmation du fait métropolitain recèlent autant de facteurs de profonds bouleversements pour les collectivités territoriales. Face à ces mutations, l'État est immanquablement amené à s'interroger sur son administration déconcentrée. Dans un contexte général en mouvement, celle-ci ne peut pas rester inerte et, dans cette perspective, le réseau préfectoral est concerné au premier chef.

A. LE DEVENIR DU PRÉFET DE DÉPARTEMENT

1. L'indispensable représentant de l'État dans les territoires

Dans le schéma préfectoral issu du décret précité du 16 février 2010, le préfet de département est confirmé dans sa responsabilité de mise en oeuvre des politiques publiques auprès des citoyens.

Le champ de compétences du préfet de département

Le préfet de département est chargé de la mise en oeuvre des politiques nationales et communautaires dans le cadre fixé par le préfet de région tout en conservant ses missions propres.

Dépositaire de l'autorité de l'État dans le département, il a seul la responsabilité de l'ordre public et de la sécurité des populations étendue au champ de la sécurité nationale, du contrôle de légalité et de la police des étrangers . Ces missions régaliennes ne peuvent pas être l'objet du pouvoir d'évocation du préfet de région, non plus que les matières relevant de la compétence légale du préfet de département.

Désormais, le préfet de département a autorité sur le commandant du groupement de gendarmerie départementale dans le domaine relevant de ses compétences (ordre public et police administrative). Cet élargissement s'inscrit dans le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur.

Par ailleurs, le préfet dispose des moyens de l'ARS dans l'exercice de ses compétences sanitaire, de salubrité et d'hygiène publiques . En cas d'événement sanitaire pouvant constituer un trouble à l'ordre public, les services de l'agence sont placés pour emploi sous son autorité.

Certes, le mode de gouvernance retenu au niveau régional peut parfois renforcer le rôle opérationnel du préfet de département . Ainsi, en région Provence-Alpes-Côte d'Azur ont été constitués certains « pôles experts régionaux » confiés 34 ( * ) :

- au préfet des Hautes-Alpes s'agissant de l'aménagement et du développement rural ;

- au préfet des Alpes de Haute-Provence sur l'énergie photovoltaïque ;

- au préfet du Var pour la gestion des déchets inertes et du bâtiment travaux publics (BTP) ;

- au préfet de Vaucluse sur l'exploitation du gaz de schiste ainsi que sur les questions de sûreté nucléaire ;

- au préfet des Alpes-Maritimes concernant les questions relatives au loup.

Pour autant, ce nouveau schéma suscite des interrogations. Dans les préfectures de département, un doute , presque un désarroi, est tangible concernant le devenir des préfectures et de leurs missions. L'impression tend à se répandre de n'être plus qu'une simple courroie de transmission, sans prise véritable sur le cours des choses. Ce sentiment est renforcé par une inquiétude relative au manque de moyens (notamment humains) pour assumer les missions restantes.

Face à ces interrogations, votre rapporteure spéciale rappelle que le département demeure un échelon de proximité essentiel et que le préfet de département doit rester un interlocuteur indispensable pour les élus locaux ainsi que les acteurs du tissu économique et social de nos territoires (les chefs d'entreprises, les responsables associatifs...) .

2. L'adaptation à la réforme en cours de la gouvernance territoriale

L'administration préfectorale ne peut pas rester hermétique aux évolutions des territoires et de leur gouvernance . Or, de ce point de vue, ces évolutions sont rapides et profondes depuis quelques années.

Avec la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales, la métropole 35 ( * ) a trouvé sa place dans le paysage institutionnel local. La première métropole créée en application de la loi précitée du 16 décembre 2010 est ainsi la métropole Nice-Côte d'Azur (par décret du 17 octobre 2011). La loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles a en outre confirmé l'importance du « fait métropolitain ».

Actuellement en cours de discussion au Parlement 36 ( * ) , le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral vise, pour sa part, à redéfinir les contours des régions. Le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République 37 ( * ) redistribue, quant à lui, les compétences par niveau de collectivité territoriale.

Promus par ces textes, la montée en compétences des régions, l'agrandissement de ces dernières et l'importance croissante des métropoles auront assurément tendance à renforcer le rôle des nouveaux préfets de région . Interlocuteurs privilégiés de régions plus grandes, ils occuperont en effet une place proportionnellement rehaussée eux-aussi par la coordination de l'action de services de l'État densifiés.

L'exemple des services de l'État et des chambres consulaires dans les régions Auvergne et Rhône-Alpes

Source : La Montagne

Pour autant, le rôle des préfets de département pourrait ne pas souffrir de cette donne nouvelle, tout au contraire. Car, au niveau départemental, le besoin se fera sentir, notamment de la part des communes les plus fragiles, de s'appuyer sur un pôle d'expertise que les conseils généraux pourraient avoir du mal à être à l'avenir. Le préfet pourrait ainsi gagner en légitimité et en audience auprès des collectivités du département.

Recommandation n° 11 : tirer les conséquences sur l'administration préfectorale de la réforme en cours de la gouvernance territoriale et notamment de la montée en puissance des régions.


* 34 Cf. rapport d'information précité de Dominique de Legge.

* 35 En application de l'article L. 5217-1 du CGCT, une métropole regroupe plusieurs communes « d'un seul tenant et sans enclave » qui « s'associent au sein d'un espace de solidarité pour élaborer et conduire ensemble un projet d'aménagement et de développement économique, écologique, éducatif, culturel et social de leur territoire afin d'en améliorer la compétitivité et la cohésion ».

* 36 Le 2 juillet 2014, le Sénat a adopté une motion tendant à proposer au Président de la République de soumettre au référendum ce projet de loi. Ce texte a en revanche été adopté à l'Assemblée nationale le 23 juillet 2014.

* 37 Déposé sur le bureau du Sénat le 18 juin 2014.

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