ANNEXE II :
Étude réalisée pour la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation par le cabinet Michel Klopfer

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ANNEXE III :
Examen du rapport d'information en réunion de délégation

Le mercredi 12 novembre 2014, la délégation procède à l'examen du rapport de MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard sur « l'évolution des finances locales à l'horizon 2017 », avec présentation de la méthodologie utilisée par le cabinet Michel Klopfer, finances locales consultants

M. Jean-Marie Bockel, président. - Mes chers collègues, nous allons maintenant entendre nos trois rapporteurs MM. Philippe Dallier, Charles Guené et Jacques Mézard, auxquels la délégation avait confié, le 11 février 2014, un travail sur l'évolution des finances locales. Je sais qu'ils ont travaillé sur cette étude avec le cabinet Klopfer, dont je connais personnellement la qualité et le sérieux, y compris lorsqu'il s'agit de dire aux élus des choses pas toujours agréables.

Nous aurons aujourd'hui la présentation de la partie I du rapport, qui consiste en une analyse quantitative et globale des conséquences de la baisse des 12,5 milliards, afin d'éclairer le Sénat avant la discussion du projet de loi de finances pour 2015, qui débutera le 20 novembre prochain. La suite de leurs travaux étudiera les choix qui seront effectivement faits par les élus locaux pour faire face à la situation (partie II du rapport) avant de formuler des éléments de propositions en vue d'améliorer l'efficacité et l'équité de nos finances locales (partie III).

M. Jacques Mézard, rapporteur. - Nous avions pensé, au printemps dernier, qu'il était nécessaire de se pencher sur la situation financière des collectivités avant que les décisions soit prises et non après. C'est une façon de ne pas reproduire ce que nous avons connu ici, notamment à propos de la réforme de la taxe professionnelle. Pour cela, nous nous sommes entourés des conseils du cabinet Kloper qui n'hésite pas à dire les vérités... même lorsqu'elles sapent le moral des élus.

En guise de première étape aux travaux que nous menons sur les finances locales, il était en effet essentiel de pouvoir mettre à la disposition de nos collègues un constat chiffré et objectif de ce qui les attend.

Il ressort de ce constat qu'avant même que soit décidée la fameuse baisse des 11 milliards de la DGF (dotation globale de fonctionnement) entre 2015 et 2017, l'évolution des finances locales ne pouvait plus continuer ainsi. Comme disent les financiers, elle n'était pas soutenable.

Depuis quelques années, on observe « un effet de ciseau » entre des dépenses qui augmentent d'environ 3 % par an et des recettes qui ne progressent qu'entre 1,5 et 2 % par l'effet de la crise sur les bases fiscales et du gel de la majeure partie des dotations de l'Etat (qui affecte environ 50 milliards d'euros sur un total de 70) depuis 2011.

Afin de comparer ce qui est comparable, nous n'avons donc pas comparé la situation qui nous attend fin 2017 à celle des finances locales d'aujourd'hui, mais nous avons bien entendu considéré que, pour bien évaluer l'effet de la ponction de 11 milliards sur la DGF, il fallait comparer la situation dans trois ans avec ce qui se serait produit sans cette mesure, c'est à dire si tout avait continué au même rythme que ces dernières années, si les choses avaient évolué « au fil de l'eau ».

Comme je vous l'annonçais, du fait de l'effet ciseau entre dépenses et recettes, même ce scenario au fil de l'eau est inquiétant. Telle est la première conclusion de notre rapport.

Ce scénario est inquiétant pour chacun des indicateurs financiers que nous avons demandé au cabinet Klopfer d'évaluer. Il s'agit :

- d'une part, de l'épargne brute, c'est-à-dire, schématiquement, du solde de la section de fonctionnement, qui constitue la capacité d'autofinancement d'une collectivité. Généralement, quand l'épargne brute représente moins de 10 % des dépenses, la collectivité est en risque et les difficultés financières sont quasiment certaines lorsque ce taux est inférieur à 7 % ;

- d'autre part, de la capacité de désendettement qui chiffre la dette totale de la collectivité en nombre d'années d'épargne brute. On considère techniquement qu'une collectivité est en situation d'insolvabilité lorsque sa dette représente 15 années d'épargne brute, ce qui correspond à la durée de vie moyenne des équipements ;

- et enfin, nous avons examiné quels étaient pour les collectivités les risques de se retrouver en déficit de la section de fonctionnement, et même en « double déficit » lorsqu'il y a aussi impossibilité de rembourser l'annuité du capital de la dette avec des ressources propres, à savoir l'épargne brute, les éventuelles cessions et les dotations.

Le résultat de notre étude fait apparaître qu'au fil de l'eau, la situation se détériore de façon très sensible pour les villes de 10 000 à 50 000 habitants, les villes de plus de 50 000 habitants et pour les départements. En matière d'épargne brute (taux inférieur à 7 %) ou de capacité d'autofinancement (ratio supérieur à 15 ans), environ 10 %-15 % de ces collectivités connaissent déjà des difficultés, et elles seraient plus de 30 % en 2018 si on laissait l'évolution de ces dernières années se poursuivre.

Je conclurai par deux observations. Tout d'abord, ces résultats sont tributaires des hypothèses de recettes et de dépenses que nous avons retenues pour définir ce scénario au fil de l'eau. Nous avons notamment considéré que les dépenses de fonctionnement continuaient de croître au taux de l'inflation + 1 % en reprenant les prévisions d'inflation du projet de loi de programmation des finances publiques. En matière de prévision, on peut toujours discuter les hypothèses, mais je pense que celles qui ont été retenues - sur lesquelles le cabinet Klopfer reviendra tout à l'heure - sont particulièrement prudentes et loin d'être pessimistes.

Ensuite, le scenario au fil de l'eau révèle quelque chose qui demeure clair quels que soient les scenarios et les hypothèses retenus : les catégories en moyenne les plus en difficulté sont bien les villes de plus de 10 000 habitants et les départements. Or, pour mémoire, ces villes représentent quasiment la moitié de la population française (49 % de la population DGF). Pour ces collectivités en particulier, il est clair que les choses ne peuvent plus continuer comme avant. En fait, nous nous sommes livrés à un exercice de prévision qui montre que la situation était d'ores et déjà intenable. C'est un constat mathématique, chacun étant ensuite libre d'en faire les interprétations politiques qu'il souhaite. Inutile de vous dire que les choses ne s'arrangent pas avec la baisse supplémentaire de la DGF de 11 milliards.

M. Jean-Marie Bockel, président. - J'ai procédé, pour ma propre communauté d'agglomération, à une projection à 2017 et je constate effectivement ce que vous venez de dire... mais en pire.

M. Charles Guené, rapporteur. - Comme vous l'a indiqué Jacques Mézard, il me revient de vous présenter la deuxième des trois grandes conclusions de notre rapport qui résulte non plus du scenario « au fil de l'eau » mais de la prise en compte des fameux 11 milliards de baisse de la DGF, et ce afin de mesurer l'effet réel de la mesure annoncée par le Gouvernement.

N'oublions pas qu'en 2013, le Gouvernement avait déjà prévu une baisse de la DGF de 1,5 milliard d'euros en 2014 et qu'avec les 11 milliards pour 2015-2017 supplémentaires annoncés par Manuel Valls, la DGF baissera donc de 12,5 milliards au total entre 2014 et 2017. Pour reprendre les termes du projet de loi de finances, la « contribution des collectivités au redressement des finances publiques » qui était de 1,5 milliard en 2014 par rapport à la DGF 2013, s'élèvera donc à 5,2 milliards en 2015 par rapport à cette même année, à 8,8 milliards en 2016 pour finir à 12,5 milliards de dotations en moins en 2017.

L'objectif étant de réaliser des économies, il va de soi que ces baisses ne seront pas compensées même si les mécanismes de péréquation entre collectivités seront renforcés, qu'il s'agisse de la dotation de solidarité urbaine (DSU), de la dotation de solidarité rurale (DSR) ou du FPIC (fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales), qui poursuit sa montée en puissance comme prévu lors de son institution en 2012.

Mais la baisse de 11 milliards ne fait pas elle-même l'objet d'une péréquation qui aurait consisté à répartir l'effort en fonction de la richesse, sauf pour les départements car cela avait été une demande de l'ADF (Assemblée des départements de France).

De même que la diminution de 1,5 milliard en 2014, la contribution sera supportée par les trois catégories de collectivités à due concurrence de leurs poids dans les recettes totales, soit 6,16 milliards sur les 11 milliards pour le bloc communal, 3,49 pour les départements, et 1,35 pour les régions.

Au sein du bloc communal, la baisse a été répartie en principe à hauteur de 30 % sur les EPCI et de 70 % sur les communes au prorata de leurs recettes de fonctionnement. Entre les départements, comme je le disais, la répartition s'est faite en fonction d'un indice mesurant à la fois le niveau des charges (apprécié en fonction du revenu moyen par habitant) et la marge de manoeuvre fiscale (appréciée à partir du niveau du taux de la taxe foncière). Entre les régions, la baisse sera répartie au prorata des recettes totales de fonctionnement et d'investissement, hors emprunts et prélèvements du FNGIR (fonds national de garantie des ressources).

Si l'on conserve pour 2015-2017 le même mode de répartition de la contribution que pour 2014, en revanche, il est évident que l'on change complètement d'échelle. L'effort de 11 milliards qui est demandé est massif. Il ne représente pas loin de la moitié (43 %) du niveau actuel de l'épargne brute totale des collectivités. Surtout, il consiste à revenir en seulement trois ans au niveau des dotations de l'Etat de 2003 !

Cette rapidité de « l'atterrissage » demandé est sans doute l'aspect le plus frappant de ce qui est demandé aux collectivités. C'est évident, même pour ceux qui ne contestent pas l'objectif de rétablissement des finances publiques du pays.

Vous ne serez donc pas étonnés que la deuxième conclusion de notre rapport soit très préoccupante puisqu'elle a consisté à regarder ce qui se passerait si les collectivités subissaient à la fois l'effet de ciseau du « fil de l'eau » et la baisse des 11 milliards, sans prendre aucune mesure pour rétablir la situation.

Nous constatons que dans un tel cas, toutes les catégories de collectivités connaîtraient des dégradations particulièrement sensibles. Pour les catégories les plus fragiles (villes de plus de 10 000 habitants et départements), on arrive même dans une situation où les trois indicateurs financiers que nous avons suivis (taux d'épargne brute, capacité de désendettement et équilibre budgétaire) seraient « dans le rouge » pour plus de la moitié, voire pour les deux tiers des collectivités. Plus de 60 % des budgets des départements seraient ainsi en double déficit !

Même pour les catégories les moins menacées, les situations difficiles représenteraient souvent un tiers des collectivités, comme c'est le cas pour les communes de 2 000 à 10 000 habitants. Rappelons qu'il s'agit là de moyennes, et qu'il existe de très grandes disparités sur nos territoires, notamment pour ce type de collectivités.

À cet égard, s'il est vrai que la plupart des petites communes seront en général faiblement impactées du fait de leurs réserves et de leurs besoins limités, le caractère global de notre étude vient parfois en trompe l'oeil et masque certaines réalités. Je veux évoquer le cas de ces petites intercommunalités rurales et des bourgs-centres qui les animent et supportent l'essentiel des charges de services aux populations. Ils sont aussi les moteurs du rare investissement dans ces zones rurales et ne résistent jusqu'alors que grâce à la progression du FPIC, dont les effets cesseront fin 2016.

Aussi assisterait-on sans aucun doute à une multiplication spectaculaire des cas d'impasse financière. Le titre du II de notre rapport consiste d'ailleurs à dire que la poursuite du fil de l'eau sans réagir associée au prélèvement de 11 milliards risque de faire de l'impasse financière la situation de droit commun de nos collectivités.

Il ne sera bien évidemment pas possible de subir ces évolutions sans réagir. Il reste à déterminer les mesures qui seront nécessaires ; c'est le sujet de la troisième conclusion de notre rapport, sur laquelle je vais laisser la parole à Philippe Dallier.

Avant cela, je voudrais juste, en qualité de rapporteur spécial de la commission des Finances sur les crédits de la mission « Relations avec les collectivités territoriales », me féliciter du fait que notre délégation ait pu mener ces travaux et que nous soyons en mesure d'éclairer l'ensemble de nos collègues sénateurs sur ce sujet majeur avant le débat budgétaire. Bien que les informations du Gouvernement n'aient été disponibles qu'au dernier moment, tout a été fait pour que notre rapport soit adopté aujourd'hui et qu'il soit sur le bureau de tous nos collègues dès lundi prochain pour la discussion du projet de loi de finances. De plus, mercredi prochain, nous irons, au nom de la délégation aux collectivités territoriales, présenter nos travaux devant la commission des Finances. Je crois que c'est une bonne façon pour notre délégation de se rendre utile au Sénat et, partant, à l'ensemble des élus locaux.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - La dernière partie du rapport pourrait s'intituler « Et maintenant qu'est-ce qu'on fait ? » puisqu'il est effectivement démontré que, même au fil de l'eau, un certain nombre de collectivités territoriales se seraient retrouvées en difficulté. Mais, avec la baisse programmée de la DGF, la très grande majorité d'entre elles vont être confrontées à des difficultés. Puisqu'à la différence de l'Etat, nous devons équilibrer la section de fonctionnement, nous allons bien devoir réagir. La question est de savoir comment.

Pour revenir sur les propos de Charles Guené, il est vrai que l'on assiste régulièrement à un débat entre baisse de la DGF et augmentation de la péréquation. Dans cette discussion, l'Etat nous fait valoir que la baisse de la DGF sera compensée pour les communes les plus en difficulté par les mécanismes de péréquation que nous connaissons. Or, je voudrais juste attirer votre attention sur un point : certes, il n'y a pas de mécanisme de péréquation inversée sur la baisse de la DGF, mais on a tout de même proportionné celle-ci aux recettes réelles de fonctionnement des collectivités. Or il est bien évident que lorsque ces communes, par exemple celles de plus de 10 000 habitants, rendent des services payants à la population, elles augmentent ainsi leurs recettes alors même qu'elles se contentent de combler un déficit de fonctionnement. Malgré tout, plus vous avez de recettes de ce type, plus vous êtes impactés en proportion par la baisse de la DGF ! Il n'est pas donc tout à fait exact de dire qu'il n'y a pas de mécanisme de péréquation à la baisse. Quant aux dotations de péréquation elles-mêmes, force est de constater que l'on a fini par empiler des mécanismes pour aboutir à un ensemble complètement illisible, voire contradictoire. Je rappelle à l'envi qu'une commune comme la mienne peut percevoir de la DSU, être contributrice au FPIC et être neutre au fonds de solidarité de la région Ile-de-France. Au bout du compte, vous pouvez être prélevé pour quatre fois du montant que vous percevez en DSU !

Tout cela devra être réformé en même temps que la DGF, ce que l'on n'a jamais eu le courage politique de faire dans le passé. On a toujours créé une couche supplémentaire, pour soi-disant corriger les défauts de toutes les précédentes mais, au bout du compte, je crois que personne ne peut plus dire que le système est satisfaisant.

S'agissant de la troisième partie de notre rapport, un constat sur la situation des collectivités devrait, à mes yeux, faire l'objet d'un débat dépassionné dépassant le classique clivage droite-gauche. Mais force est de constater que lorsque le Gouvernement nous dit que les collectivités territoriales absorberont la baisse de la DGF en limitant l'augmentation de leurs dépenses de fonctionnement au niveau de l'inflation, ce n'est pas exact.

Pour faire notre démonstration, nous avons repris les prévisions d'inflation du Gouvernement inscrites dans le projet de programmation des finances publiques. Sur cette base, on constate effectivement qu'en ramenant la progression des dépenses de fonctionnement au niveau de l'inflation, ça ne passe pas.

Quand bien même cet objectif serait atteint, la situation des collectivités territoriales en 2018 serait moins bonne qu'aujourd'hui, essentiellement à cause de l'effet ciseau déjà évoqué. De toute façon, l'objectif d'un retour au rythme de l'inflation nous semble difficilement réalisable, dans la mesure où la plus grande partie des dépenses de fonctionnement concerne le personnel et que les mesures prises sur ce type de postes budgétaires ne peuvent avoir des effets immédiats. Que va-t-il se passer ? Comme nous sommes en début de mandat municipal, les élus pourront certainement corriger le tir en matière d'investissement. Tant pis pour ceux qui auront fait des promesses électorales trop larges ! Rappelons en effet qu'une dégradation de la section de fonctionnement d'un euro aboutit, du fait de l'effet de levier, à une baisse de l'investissement de 10 euros.

Dans l'une des simulations qui va vous être présentée, nous avons retenu l'hypothèse d'une réduction de l'investissement des collectivités de 30 %. Il en ressort que même avec cette baisse de 30 % complétée par un retour des dépenses de fonctionnement à l'inflation, on reviendrait à peine à la situation d'aujourd'hui.

Certes, il existe certainement des collectivités qui pourront s'endetter pour essayer de passer cette période difficile, mais elles seront sans doute peu nombreuses sans compter qu'un recours à l'emprunt serait assez antinomique avec l'objectif global de réduction de la dette publique. Nous pouvons donc en conclure, qu'outre la réduction de l'investissement, les collectivités territoriales vont devoir utiliser le levier fiscal dans des proportions plus ou moins importantes.

Telles sont nos principales conclusions, qui de surcroît s'inscrivent dans un environnement très incertain au plan législatif : la loi MAPAM (loi de modernisation de l'action publique et d'affectation des métropoles) a été adoptée et va être modifiée, tandis que la loi NOTRe (Nouvelle Organisation Territoriale de la République) arrive en discussion.

Tout cela ne va certainement pas aider les élus à prendre des décisions et peut-être les inciter à différer encore davantage leurs investissements, ce qui ne fera qu'accroître à mon avis le marasme économique. Telles sont donc les trois grandes conclusions de ce rapport, qui se poursuivra notamment par une étude sur le terrain ; nous irons demander aux élus comment ils envisagent concrètement de passer cette période difficile.

M. Jean-Marie Bockel, président . - Je propose maintenant que Michel Klopfer nous présente de manière synthétique la méthode employée pour réaliser l'étude.

M. Michel Klopfer, président du cabinet Michel Klopfer . - Avant tout, je rejoins ce qui a été dit par les rapporteurs ; je pense, qu'il y a, - y compris dans les services de l'État -, une méconnaissance de l'impact réel de la diminution des dotations sur les collectivités. Je citerai un exemple : l'année dernière, nous avons travaillé avec l'État et pour l'Assemblée des départements de France sur le financement des allocations individuelles de solidarité. Au départ, le ministère des Finances pensait qu'il n'y avait pas besoin de financements supplémentaires car la péréquation devait suffire à couvrir les besoins. Cette année encore, nous avons été invités en septembre, d'une part, par la ministre en charge de la décentralisation et, d'autre part, par le cabinet du Premier ministre. Dans les deux cas, il nous a été demandé de réfléchir aux mesures à prendre pour sauvegarder l'investissement, comme si cela était possible dans le contexte actuel, compte tenu de la tension exercée sur la section de fonctionnement du budget des collectivités locales.

Pour la réalisation de cette étude, nous avons travaillé en nous concentrant sur les indicateurs d'épargne brute, de capacité de désendettement, ainsi que sur la contrainte budgétaire, sachant qu'un certain nombre de collectivités ont déjà réagi à cette ponction budgétaire, notamment par une baisse de l'investissement et une moindre progression des dépenses de fonctionnement. Dans nos hypothèses, nous avons prévu que les collectivités territoriales allaient s'adapter à la nouvelle donne budgétaire car, dans le cas contraire, la situation budgétaire ne serait pas tenable.

Je laisse maintenant la parole à Céline Bacharan qui va expliciter la méthode employée.

Mme Céline Bacharan, consultante au cabinet Michel Klopfer. - En ce qui concerne les ressources, nous avons travaillé avec les comptes de gestion de 2013, c'est-à-dire les comptes des collectivités territoriales de 2013 et les budgets principaux. C'est un point important, car les budgets des collectivités territoriales recouvrent à la fois les budgets principaux, le financement des syndicats non dotés de fiscalité propre, et enfin les budgets annexes. Nous avons raisonné sur les seuls budgets impactés par la contribution « redressement ».

Nous avons tout d'abord étudié l'épargne brute des collectivités territoriales, qui est la différence entre les recettes réelles et les dépenses réelles de fonctionnement. Cette épargne brute constitue le nerf de la guerre. C'est elle qui permet de payer l'annuité en capital de la dette et d'investir. Le deuxième ratio examiné est la capacité de désendettement, c'est-à-dire l'analyse de la solvabilité et de la capacité de n'importe quel organisme, qu'il soit privé ou public, à rembourser sa dette. On la mesure en années en rapportant l'encours de la dette à l'épargne brute. Le solde d'insolvabilité se situe à 15 ans, ce qui est la durée de vie moyenne des investissements des collectivités et donc des emprunts souscrits pour les financer.

En ce qui concerne les résultats, nous nous sommes particulièrement intéressés à mesurer la proportion des collectivités qui sont dans une situation très dégradée. Il s'agit des collectivités dont l'épargne brute atteint un seuil égal ou inférieur à 7 % des recettes. Ce seuil de 7 % n'est en aucun cas un objectif de politique financière. En effet, si la collectivité se fixe comme objectif d'être à un seuil de 7 % à échéance de 5 ans, elle est alors incapable d'absorber le moindre aléa. C'est pourquoi nous recommandons de viser plutôt un taux de 10 %. Nous avons étudié la proportion des collectivités qui seraient dans une situation très dégradée, c'est-à-dire dont l'épargne brute ne représenteraient que 7 % des recettes, et qui seraient à plus de 15 ans de capacité de désendettement. Bien évidemment, les collectivités commenceront à réagir avant ces seuils, sinon les dégradations seront vertigineuses.

En ce qui concerne l'équilibre de la section de fonctionnement, l'épargne brute doit permettre de couvrir les amortissements des immobilisations. Dans le cas contraire, la collectivité est en déficit de fonctionnement. Par ailleurs, l'épargne brute majorée de ressources propres d'investissement, et notamment du fonds de compensation TVA, doit permettre le remboursement des annuités en capital de la dette. Les collectivités qui ne respectent pas ces deux conditions sont en situation de double déficit. Leurs budgets peuvent alors être déférés par le préfet à la chambre régionale des comptes, qui va proposer des mesures de redressement pour que le budget soit équilibré.

Nous avons reconstitué les comptes de 2013 des 38 222 collectivités territoriales et nous les avons répartis par catégorie pour obtenir des résultats lisibles : les communes de plus de 50 000 habitants, les communes de 10 000 à 50 000 habitants, les communes de 2 000 à 10 000 habitants, les communes de 500 à 2 000 habitants, les communes de moins de 500 habitants, les départements et les régions. Pour les communes, on note un très fort émiettement, car l'essentiel de la population est concentré dans les deux premières catégories de communes tandis que le nombre de collectivités territoriales est important dans les deux dernières. Nous avons également étudié les groupements à fiscalité propre en les regroupant en deux catégories : les groupements de moins de 50 000 habitants et les groupements de plus de 50 000 habitants.

Nous avons ensuite appliqué à ces 38 200 collectivités des hypothèses de prospective. Nous avons tout d'abord envisagé une hypothèse « au fil de l'eau ». Pour cela, nous avons appliqué les mêmes hypothèses d'évolution des recettes à toutes les collectivités, avec la même évolution des produits de fiscalité directe, à savoir l'inflation majorée de 1,5 %. Cette hypothèse de travail permet de faire apparaître la structure de recettes de chaque collectivité. Une collectivité dont le poids des dotations reçues est très important dans ses ressources aura une progression de celles-ci qui évoluera moins vite qu'une collectivité dont les ressources sont principalement constituées par de la fiscalité directe. Toutefois, cette méthode applique un traitement uniforme à l'ensemble des collectivités, et nous sommes bien conscients qu'il existe une forte diversité. Certains territoires se développent et accueillent des bases fiscales de manière plus accélérée que dans la moyenne obtenu par cette méthode. D'autres, au contraire, sont loin d'atteindre les résultats obtenus par nos hypothèses de travail.

Par ailleurs, nous avons travaillé sur un scénario sans recours au levier fiscal. Or, lorsque l'on regarde les comptes des collectivités territoriales par le passé, on observe qu'elles ont toujours maintenu des ratios de solvabilité acceptables, y compris depuis que l'augmentation des dotations de l'État a ralenti grâce à un recours au levier fiscal.

En ce qui concerne les dépenses de gestion, nous sommes partis de l'hypothèse qu'il n'y aurait pas d'efforts particuliers d'économie, ce qui représente une progression de ces dépenses à hauteur de l'inflation majorée de 1 %. Là aussi, certaines collectivités connaissent une évolution des dépenses de gestion plus rapide et d'autres plus lente.

À ce « fil de l'eau », nous avons ensuite appliqué la minoration des dotations. Ce scénario intègre en effet déjà 3 milliards de baisse de dotations de l'État prenant en compte ce qui a déjà été décidé au printemps 2014 : 1,5 milliard d'euros de moins en 2014 et 1,5 milliard de moins pour 2015. Or, entre le scénario au « fil de l'eau » et le scénario prévisionnel, on passe d'une ponction de 3 milliards à 12,5 milliards d'euros.

Une fois ces hypothèses établies, nous leur avons appliqué des mesures correctives. Ainsi, les dépenses de gestion ont été ramenées au niveau de l'inflation, et les investissements ont été réduits. Vous trouverez en annexe du rapport nos principales hypothèses et les conséquences pour les catégories de collectivités. Nous avons travaillé de façon simple, en reconstituant les prélèvements pour l'année 2013, et nous leur avons appliqué proportionnellement la hausse de ce prélèvement sur chacune des catégories de collectivités.

S'agissant des principales hypothèses de recettes, nous avons supposé que les bases des produits de fiscalité directe évoluaient de 1,5 % par an pour ce qui est des bases physiques, avec un coefficient forfaitaire calé sur l'inflation de l'année précédente. Nous avons considéré que la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) augmentait au même rythme que le PIB. Les dotations d'État sont, en revanche, considérées comme figées, à deux exceptions près : nous avons intégré une baisse de la dotation forfaitaire pour les communes un peu plus riches que les autres et nous avons majoré de 10 % la DSU de toutes les communes éligibles à la DSU cible. Dans nos hypothèses, les mécanismes de péréquation horizontale du bloc communal augmentent dans les mêmes proportions que l'enveloppe nationale.

Nous n'avons en revanche pas opéré le même ajustement en ce qui concerne les départements. La taxe intérieure sur les produits pétroliers reste figée tandis que nous avons intégré 1,8 milliard de recettes nouvelles au titre des nouveaux fonds dont ceux-ci ont disposé à partir de 2014 pour financer les allocations individuelles de solidarité.

Pour conclure, je voudrais indiquer que ces simples hypothèses confirment l'existence d'un effet de ciseau. La moyenne de progression des recettes est inférieure à celle de l'inflation moyenne. On constate bien chaque année un différentiel de croissance entre recettes et dépenses de fonctionnement. Lorsque l'on prend ensuite en compte la contribution de 12,5 milliards au redressement des finances publiques, ce différentiel est très fortement démultiplié. Au final, si en 2016-2017 les dépenses de fonctionnement continuent d'évoluer comme par le passé, l'épargne brute disparaîtra.

En ce qui concerne les investissements, nous sommes partis du chiffre de 55 milliards de dépenses en 2013. Nous avons diminué les montants correspondants de 15 % pour le bloc communal parce que 2013 est une année de pic. Mais nous avons maintenu la dépense 2013 des départements et des régions, qui sont sur une pente descendante depuis quelques exercices. Par ailleurs, nous avons supposé que la trésorerie de 31 milliards des collectivités territoriales serait utilisée avant le recours à l'emprunt.

M. Michel Klopfer. - Je précise que nos hypothèses ont été fixées de façon modérément optimiste. Il est important de comprendre que la situation est déjà extrêmement grave, même avec ces hypothèses modérées. Par exemple, les taux d'épargne brute de 2013 sont déjà bien dégradés dans les communes de plus de 10 000 habitants.

Je précise également que les départements sont particulièrement pénalisés par la contrainte des dotations d'amortissement sur les subventions d'équipement et sur les fonds de concours, dont les règles sont particulièrement contraignantes.

Voyons maintenant l'impact sur les taux d'épargne brute de la contribution de 12,5 milliards au redressement des finances publiques. En moyenne, on assiste à une dégradation de ce taux de 15,1 % en 2013 à 8,4 % en 2018, toutes choses égales par ailleurs. Pour atténuer cet impact, nous avons fait l'hypothèse que deux mesures pourraient être prises par les collectivités : la limitation de l'augmentation de leurs dépenses courantes au niveau de l'inflation et la réduction du montant de leurs investissements de 30 % (soit une réduction de 45 % par rapport à 2013 pour le bloc communal). Malgré ces mesures, les taux d'épargne ne remonteraient que faiblement : de 3,5 % à 7,5 % pour les communes de 10 000 à 50 000 habitants, de 4 % à 8 % pour les départements. Ces niveaux de taux d'épargne sont excessivement dégradés.

Quel impact sur la capacité de désendettement ? Celle-ci se dégrade aussi très fortement pour les villes : les communes de plus de 50 000 habitants et celles de 10 000 à 50 000 voient leur capacité de désendettement passer respectivement à 39 ans et 22 ans d'épargne brute pour rembourser leur dette. Les départements atteignent 10 ans. Les mesures correctrices précitées permettraient de revenir à des taux plus convenables.

Mme Céline Bacharan . - Je précise qu'une capacité de désendettement au-delà de 20 ans perd sa signification.

Michel Klopfer . - Au total, plus de 60 % des départements et des communes de plus de 10 000 habitants verraient leur taux d'épargne brute descendre au-dessous de 7 % et leur capacité de désendettement monter au-delà de 15 ans. Après les mesures correctrices envisagées, 40 % de ces collectivités resteraient tout de même dans ces niveaux de ratios très dégradés.

Mme Céline Bacharan . - Je terminerai par deux considérations. Dans de nombreux cas, limiter le rythme d'augmentation des dépenses au niveau de l'inflation ne suffira pas et il faudra donc les baisser en valeur. En outre, la mise en oeuvre des mesures correctrices posera un problème de délai. L'ajustement portera nécessairement sur trois leviers : une baisse des dépenses courantes, une réduction de l'investissement, mais aussi éventuellement une augmentation des impôts. Le délai sera une difficulté supplémentaire car la baisse des dotations de l'Etat se fera sur trois ans, obligeant les collectivités à prendre des mesures qui pourraient avoir un impact rapide.

M. Jean-Marie Bockel, président . - J'ouvre le débat.

M. Jean-Pierre Vial . - J'ai deux questions. La première est relative à la diminution des dépenses d'investissement des collectivités territoriales. J'ai lu qu'elle était déjà significative au niveau européen. La seconde porte sur l'effet de la décision que vient de prendre l'Assemblée nationale de faire en sorte que les fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP), auparavant gérés au niveau départemental, soient désormais gérés au niveau national pour bénéficier aux communes bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine (DSU).

M. Michel Klopfer . - Les FDPTP représentent au total 430 millions d'euros. L'idée de les gérer non plus au niveau départemental, mais nationalement avait émergé en 2011, avec l'intention du Gouvernement de l'époque de les verser au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) créé en 2012, mais cela n'a pas été fait.

Le niveau des FDPTP est très variable suivant les départements, selon que leur territoire comprend ou non des établissements industriels importants, générateurs d'une forte CVAE. La moyenne est de 6 euros par habitant, mais l'écart va de l'absence totale de FDPTP à plus de 70 euros par habitant. Une répartition de ces fonds au niveau national permettrait d'harmoniser le traitement des communes défavorisées n'appartenant pas au même département. En revanche, cela n'aura aucun effet sur la baisse des dotations de l'Etat de 12,5 milliards, puisque seule la répartition des FDPTP sera modifiée et non leur montant global.

M. François Grosdidier . - Votre analyse trace une perspective très pessimiste pour 2018 s'agissant des collectivités territoriales les plus fragiles, c'est-à-dire les villes de plus de 10 000 habitants et les départements ; ces collectivités verraient en effet leur capacité de financement diminuer environ de moitié. Ces données mériteraient d'être croisées avec les perspectives d'évolution quasi-mécanique à la hausse des dépenses de fonctionnement. Dire, comme le fait le Gouvernement, qu'on peut stabiliser ces dépenses à niveau de service constant est mensonger. En effet, les dépenses vont s'accroître, du fait :

- du glissement vieillesse/technicité (GVT), certes gelé pour l'instant, mais qui ne pourra le rester très longtemps ;

- de la croissance prévisible de la TVA, des versements dus à la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales (CNRACL), ainsi qu'aux ponctions sur les budgets locaux consécutives à la réforme de la protection sociale des élus, dont la contrepartie en termes de prestations est minime ;

- du financement de la réforme des rythmes scolaires, qui sont devenus quasi-obligatoires depuis la décision du 10 octobre 2014 du tribunal administratif de Marseille, même si le Gouvernement pérennise son fonds d'amorçage, qui deviendrait un fonds de compensation partiel ;

-et enfin, la mise aux normes requise par l'accessibilité des bâtiments accueillant du public, évaluée à 1 milliard d'euros par an.

M. Louis Pinton. - Ce diagnostic est en effet inquiétant, et il faudra envisager différents remèdes car nos concitoyens sont surtout sensibles aux résultats de notre gestion. Pour ma part, j'estime que les dépenses de fonctionnement sont loin d'être incompressibles, et que leur croissance constante n'est pas une fatalité. On constate des différences considérables entre les départements en matière de frais de fonctionnement par habitant. Je prendrai l'exemple d'un département rural que je connais, et qui emploie 1 000 pompiers volontaires, gérés par 26 personnels administratifs. Un département voisin, petit, pauvre et peu peuplé, dispose de 52 personnels administratifs pour gérer 600 sapeurs-pompiers volontaires. Il dépense donc quatre fois plus pour faire fonctionner son SDIS, alors que ses responsables ne cessent de se plaindre de leur sort. Cet exemple montre qu'il existe des marges dans les dépenses de fonctionnement, et que ces dernières doivent être surveillées, contrôlées et réduites. J'estime que, dans mon propre département, il est encore possible de réduire ces dépenses d'environ 10 %.

M. Charles Guené, rapporteur. - Les suites de notre rapport consisteront à avancer des propositions concrètes en matière de gestion des finances locales.

M. René Vandierendonck. - J'estime également qu'il existe des marges, comme des disparités, considérables entre collectivités selon la durée du temps de travail, les régimes indemnitaires, etc.

J'observe que, dans mon département, les syndicats sans fiscalité propre regroupent 65 % de l'effectif en ETP des EPCI. C'est pourquoi j'aurais aimé avoir, pour chaque territoire, des ratios permettant une comparaison réaliste.

M. Charles Guené. - J'observe un fort contraste entre les positions de M. Grosdidier et celles des deux autres intervenants.

M. Michel Klopfer . - Je souhaite répondre aux questions posées par MM. François Grosdidier, Louis Pinton et René Vandierendonck. Lorsque nous indiquons, dans un scénario de base, que les dépenses évolueront au rythme de l'inflation + 1 %, y compris en intégrant les allocations individuelles de solidarité comme le revenu de solidarité active, nous prenons en compte le fait que certaines collectivités territoriales réaliseront des économies pour rééquilibrer leurs comptes.

Je souhaite signaler que les hypothèses de croissance des recettes et de maîtrise des dépenses que nous avons retenues sont modérément optimistes.

Mme Céline Bacharan . - Nous avons pu observer, dans notre activité professionnelle, que certains départements étaient parvenus à réduire leurs dépenses de façon significative et durable. J'ignore toutefois si ces économies ont été réalisées à service public constant.

Je ne crois pas qu'il soit possible de rétablir l'équilibre des comptes en ramenant simplement la croissance des dépenses de gestion au rythme de l'inflation : pour ce faire, il faudrait également trouver des économies. Le fait est que certaines collectivités en ont déjà réalisé un grand nombre, tandis que d'autres ont encore beaucoup à faire. Certaines collectivités sont en mauvaise santé financière mais ont la possibilité de dégager des économies, alors que d'autres affichent une bonne santé financière mais disposent de peu de marges de manoeuvre. La possibilité pour une collectivité de dégager des économies n'est pas nécessairement liée à sa situation financière.

Un autre point concerne le délai de mise en oeuvre de ces économies. Celles-ci devront être réalisées sur trois années. La question est la suivante : quelles collectivités pourront suivre ce rythme de réduction des dépenses ? Quand bien même une collectivité pourrait réduire un poste de dépense ou sa dépense globale de 10 à 15 % en 2015, on peut se demander si elle pourrait faire de même en 2016 et en 2017. En effet, les collectivités devront préserver un minimum de capacités financières d'ici à 2018.

Je le répète, le délai de mise en oeuvre des économies constitue la principale difficulté que nous observons. Certes, les collectivités territoriales ont la maîtrise de leurs dépenses courantes, cependant certaines d'entre elles auront du mal à réduire leurs dépenses aussi rapidement. Dans le bloc communal et, dans une moindre mesure, dans les départements et les régions, les économies ne pourront concerner que les exercices 2016 et 2017, les projets de budget pour l'année 2015 devant être arrêtés dans deux mois.

Il ne s'agit pas de dire qu'il n'y a pas d'économies possibles. La question est plutôt de savoir si ces économies seront réalisées, d'une part, à service public constant et, d'autre part, dans les délais impartis.

M. Charles Guené, rapporteur. - Je note que vous avez, dans vos projections, raisonnablement tenu compte de la hausse des dépenses de fonctionnement.

M. Michel Klopfer . - Malgré un scenario très raisonnable, notamment quant à l'hypothèse d'évolution des dépenses, la situation financière des collectivités territoriales explose. Je crois que c'est le message qu'il faut retenir.

En ce qui concerne les délais, je me souviens avoir travaillé pour des communes du sud de la France dans le cadre de plans de redressement au début des années 1990. Les décisions budgétaires prises par les conseils municipaux devaient être imminentes. En effet, si rien n'était fait dans les quinze jours, le préfet pouvait refuser le budget. Ce que nous essayons d'expliquer aujourd'hui à l'ensemble des conseils municipaux, c'est que des décisions sont à prendre très rapidement car, même si la dégradation financière n'a lieu qu'à l'horizon 2018, la réalisation d'économies est d'autant plus aisée qu'elle est précoce.

M. Charles Guené, président . - M. Jean-Marie Bockel a dû s'absenter, il m'a demandé d'assurer la présidence de la suite de la réunion.

M. Philippe Dallier, rapporteur. - L'intérêt de cette étude est de porter sur plus de 38 000 collectivités territoriales. Certes, pour chaque type de collectivité, il existera toujours de très bons et de très mauvais exemples. Ce qui importe ici, c'est la vision d'ensemble ainsi que l'évolution de la situation financière des collectivités territoriales. La conclusion est une dégradation sans précédent.

L'enseignement de cette étude chiffrée est très clair : les collectivités territoriales, à tout le moins une grande partie d'entre elles, vont se retrouver dans une situation d'impasse. Encore une fois, il nous faut garder à l'esprit que les projections retenues ne sont pas très pessimistes, et que la dégradation des finances locales pourrait être pire qu'annoncée. C'est le message que nous souhaitons faire passer au Gouvernement, et j'espère qu'il l'entendra.

Par ailleurs, la baisse des dotations n'entraînera pas seulement une baisse de 30 % de l'investissement local mais également une hausse de la fiscalité locale, alors que l'on promet qu'il n'y aura pas d'augmentation d'impôts à partir de 2015. L'augmentation des impôts locaux est le corollaire assuré de la baisse des dotations.

M. Jacques Mézard, rapporteur. - Il est des messages que nos collègues élus locaux doivent entendre. La baisse des dotations équivaut à une baisse générale des recettes de 6 %, qui devra nécessairement être prise en compte lors des trois exercices à venir. Le diagnostic que nous avons établi est important, car il permet de savoir de quels maux souffrent les finances locales.

Un autre élément doit être pris en considération : la brutalité du choc. Un traitement nécessite du temps. Or, dans notre cas de figure, les décisions ne pourront pas être prises aussi rapidement. Je crois qu'il nous faut être conscient de cette réalité.

M. Charles Guené, président. - Je souhaite remercier le cabinet Michel Klopfer pour cette étude. Je consulte à présent la délégation sur l'adoption de ce rapport d'étape.

Le rapport est adopté.

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