B. LA PROTECTION DE LA LIBERTÉ DES MÉDIAS EN EUROPE

La liberté des médias constitue un indicateur essentiel de la démocratie, des libertés politiques et de l'État de droit d'un pays ou d'une région. Compte tenu de la détérioration de la sécurité des journalistes et de la liberté des médias en Europe, les États membres du Conseil de l'Europe doivent intensifier leurs efforts sur le plan national et multilatéral pour assurer le respect des droits fondamentaux à la liberté d'expression et d'information ainsi qu'à la protection de la vie, de la liberté et de la sécurité de ceux qui travaillent pour et avec les médias.

Concernant les agressions présumées visant des journalistes dans le conflit armé dans l'est de l'Ukraine et les agressions physiques présumées commises par les forces de police ou de sécurité à l'encontre de journalistes couvrant des manifestations et d'autres mouvements de protestation populaire, les États membres doivent conduire des enquêtes judiciaires approfondies sur ces attaques, en raison de leurs obligations respectives en vertu de la Convention européenne des droits de l'Homme.

Les parlements nationaux sont invités à organiser des débats publics annuels sur l'état de la liberté des médias dans leurs pays respectifs, et une action du Conseil de l'Europe doit être prise conformément à la Résolution 68/163 de l'Assemblée générale des Nations unies.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - SRC), président de la délégation française, a fait observer que ce débat, programmé depuis longtemps, arrivait à un moment particulièrement opportun, après les tragiques événements survenus en France. Il s'est inquiété de ce que l'assassinat des journalistes de Charlie Hebdo illustrait un refus viscéral chez certains de la liberté d'expression et, au-delà des cercles terroristes, la volonté, notamment aux États-Unis, de la subordonner à l'interdiction d'offenser quelque croyance que ce soit, même s'il a noté le succès foudroyant, en France, au cours des derniers jours du Traité sur la tolérance de Voltaire, publié en 1767, qui rappelle que le combat pour la liberté est permanent. Il a indiqué qu'au-delà de ce cas extrême, les atteintes à la liberté de la presse étaient nombreuses, parfois directes, parfois économiques, dans un contexte marqué par l'essor des réseaux sociaux et par des contraintes budgétaires qui pèsent sur les médias de service public, et a salué une proposition du rapporteur visant à accroître la transparence économique dans le secteur des médias.

M. Frédéric Reiss (Bas-Rhin - UMP) a rappelé qu'Albert Londres résumait son métier de journaliste engagé avec la formule « il faut s'efforcer de porter la plume dans la plaie » et a noté que des hommes et des femmes avaient payé ce courage de leur vie. Il a estimé que le massacre des journalistes de Charlie Hebdo n'était pas fortuit, les journalistes constituant une cible privilégiée des terroristes comme des dictatures car la liberté des médias est vitale pour l'existence même du système démocratique. Insistant sur le fait qu'un citoyen bien informé était un citoyen libre, il a regretté que, dans bien des pays du Conseil de l'Europe, la liberté des médias n'était encore qu'un vain mot, la pression exercée sur les journalistes prenant diverses formes. Il a rappelé que les « Net-citoyens » étaient, depuis quelques années, particulièrement persécutés dans certains pays, en Russie, en Azerbaïdjan, mais aussi en Hongrie. Il a aussi considéré que la liberté n'était rien sans une prise de conscience des journalistes sur leurs responsabilités et a jugé que la couverture hors normes des attentats de Paris avait de nouveau montré les dangers de l'information à haute vitesse, notamment la collision possible avec le travail des policiers et une tendance à oublier la notion de responsabilité. Il a rappelé une réflexion du journaliste polonais Adam Michnik pour qui l'éthique du journaliste avait deux composantes : la liberté et la vérité et que la recherche de la vérité rendait indispensables l'investigation et la vérification des informations avant diffusion, y compris sur Internet et sur les chaînes d'information.

L'Assemblée a adopté un amendement au projet de résolution cosigné par plusieurs membres de la délégation française, et aussi par le rapporteur, ainsi rédigé : « Atterrée par les crimes lâches et odieux commis à Paris, l'Assemblée rappelle son attachement à la liberté d'expression, pilier essentiel d'une démocratie. Lorsque dans une société la peur et l'autocensure se substituent à la liberté de blâmer et d'enquêter, cette démocratie est alors bien malade. La liberté et la sécurité des journalistes est aussi notre liberté et notre sécurité ».

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