II. UNE SITUATION ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE DÉGRADÉE QUI APPELLE UNE RÉACTION RAPIDE DES SOCIÉTÉS ET DE LA TUTELLE

A. UNE DÉGRADATION PRÉOCCUPANTE DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC DEPUIS 2010

Le tableau et le graphique ci-après retracent et illustrent l'évolution du résultat net de chacune des sociétés de l'audiovisuel public depuis 2010. On constate en particulier une forte dégradation de la situation financière de France Télévisions à partir de 2013, et de Radio France depuis 2014 .

Résultats nets des sociétés de l'audiovisuel public de 2010 à 2015

(en millions d'euros)

2010

2011

2012

2013

2014

2015 (budget)

France Télévisions

12,8

5,9

2,2

- 84,6

- 38,4

- 9,8

Arte France

- 0,06

2,1

0,9

1,88

- 2,0

0,0

Radio France

9,0

7,2

3,1

0,9

- 2,0

- 21,3

FMM 70 ( * )

/

- 3,9

3,9

0,1

0,0

0,0

INA

5,4

2,6

2,6

3,0

- 14,5

1

Source : tableau réalisé d'après les réponses de la DGMIC au questionnaire de vos rapporteurs

Évolution des résultats nets des sociétés de l'audiovisuel public depuis 2010

(en millions d'euros)

Source : graphique réalisé d'après les réponses de la DGMIC au questionnaire de vos rapporteurs

L'exécution 2014 confirme la dégradation inquiétante de la situation financière de France Télévisions et Radio France , tandis qu'Arte France et France Médias Monde parviennent à se maintenir à l'équilibre. En outre, l'INA connaît une dégradation exceptionnelle de son résultat net.

Dans le détail, Arte France a fait preuve en 2014 comme en 2013 d'une gestion performante, mais ses marges de manoeuvre sur la réduction des dépenses se réduisent. Le groupe a ainsi mobilisé son fonds de roulement net disponible à hauteur de 2,58 millions d'euros, contre une prévision de 3,97 millions d'euros.

En 2014, France Médias Monde a réalisé un résultat net à l'équilibre et a atteint une progression significative, bien qu'inférieure à la prévision, de ses recettes publicitaires . En revanche, ses autres ressources propres diminuent. En outre, la part des frais généraux dans les charges d'exploitation diminue, grâce à de réels efforts d'économies et à des gains de productivité réalisés sur l'ensemble des fonctions supports, des frais de fonctionnement généraux et les provisions de l'entreprise, qui atteignent cependant, aussi, leurs limites . En revanche, la part des charges de personnel dans les charges d'exploitation augmente de 51 % à 53,2 % entre 2013 et 2014, en raison d'une activité très dense.

La dégradation de la situation financière de France Télévisions a été continue entre 2010 et 2013, le plan d'économies ayant permis d'enrayer la tendance à compter de 2013, sans que France Télévisions parvienne pour autant à rétablir son équilibre financier. En 2014, l'entreprise réalise un résultat net à - 38,4 millions d'euros, en légère amélioration par rapport aux prévisions budgétaires qui s'établissaient à - 40,5 millions d'euros . La part des charges de personnel dans les charges d'exploitation augmente en raison d'un « très fort niveau d'activité en 2014 (jeux olympiques, élections municipales) » 71 ( * ) . Si les dépenses de fonctionnement demeurent stables, l'entreprise publique connaît une attrition très significative et préoccupante de ses ressources propres (- 6,2 %) par rapport à l'année précédente, qui concerne aussi bien les recettes de publicité et de parrainage que les recettes commerciales. En outre, les perspectives pour 2015 confirment cette dégradation. Cette année, l'entreprise devrait ainsi afficher une nouvelle perte, supérieure à 10 millions d'euros, s'ajoutant à celles enregistrées sur les trois précédents exercices, pour un montant de déficit cumulé entre 2012 et 2014 estimé à 200 millions d'euros. Il est donc quasiment certain que France Télévisions ne sera pas en mesure d'atteindre le retour à l'équilibre fin 2015 prévu par l'avenant au COM en cours d'exécution .

De surcroît, d'après les éléments contenus dans un message adressé par Delphine Ernotte Cunci aux membres du conseil d'administration de France Télévisions, « à cette heure, compte tenu des hypothèses budgétaires communiquées par notre actionnaire, les ressources publiques pour France Télévisions seraient au mieux stables en 2016 par rapport à 2015. Au regard par ailleurs de l'évolution du marché publicitaire, on peut considérer, si ce schéma était confirmé, que les ressources globales de l'entreprises diminueraient en 2016. La confirmation de ces montants conduirait (...) à un déficit prévisionnel pour 2016 de l'ordre de - 50 millions, malgré la prise en compte d'hypothèses d'économies par rapport à 2015 » 72 ( * ) .

Le futur COM devrait donc définir une trajectoire très précise de retour à l'équilibre, fondée sur des économies et des réductions de dépenses , ainsi que sur des prévisions de recettes plus réalistes que par le passé, notamment s'agissant de la publicité. En ce qui concerne les dépenses, Delphine Ernotte Cunci annonce à ses administrateurs qu'elle a « demandé à l'ensemble des équipes de préparer un plan d'économies, à l'exclusion de tout nouveau plan de départ » 73 ( * ) . Seul le plan de départs volontaires (PDV) en cours avant son arrivée, portant sur 340 postes, se poursuivra jusqu'à fin 2015. Le coût de ce PDV, qui compte un volet de départs en retraite et un volet de départs pour projet personnel, a été estimé à 43 millions d'euros 74 ( * ) . L'économie de masse salariale s'élèvera à 30 millions d'euros par an à compter de 2016 .

En 2014, Radio France fait quant à elle face à un exercice déficitaire pour la première fois depuis 1999 , alors que le budget a été voté à l'équilibre. Comme le relève la Cour des comptes dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire, « cet écart sans doute très significatif entre prévision et exécution pose la question de la fiabilité de la budgétisation et du mode de planification budgétaire » 75 ( * ) . L'entreprise affiche sur l'exercice un résultat net déficitaire de 2 millions d'euros . Or, cette situation ne devrait pas s'améliorer en 2015, le chantier de la Maison de la Radio faisant peser un réel risque financier sur Radio France, comme le conclut la Cour des comptes dans son rapport public thématique : « même si, lors de la finalisation des marchés de travaux, l'État a entériné la très importante dérive financière qui était d'ores et déjà constatable, la dérive postérieure et les incertitudes qui demeurent encore à ce jour quant au coût final réel de l'opération placent désormais Radio France dans une situation où l'achèvement du chantier fait désormais peser une menace sérieuse sur son équilibre financier » 76 ( * ) .

De façon beaucoup plus préoccupante, pour la première fois, en 2015, Radio France présente un budget en déséquilibre : le montant prévisionnel du déficit atteindrait - 21,3 millions d'euros. L'achèvement du plan d'affaires du COM 2015-2019 amènera donc l'entreprise à présenter à son conseil d'administration un budget rectificatif en cours d'exercice 77 ( * ) .

Afin de faire face à la gravité de la situation, un accord a été trouvé avec l'État dans le cadre des négociations pour le futur COM, pour couvrir les besoins de financement de Radio France sur 2015-2019 , estimés à 170 millions d'euros . Ainsi, comme l'écrivent les ministres dans leur réponse à la Cour des comptes sur le rapport particulier relatif à Radio France, « l'État accompagnera l'entreprise dans l'achèvement de cette opération, par une majoration par rapport à 2015 de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) d'investissement de cinq millions d'euros en 2016 et dix millions d'euros en 2017 et 2018. Cet effort financier de l'État en faveur du redressement de l'entreprise sera complété par une majoration de la CAP de fonctionnement 78 ( * ) par rapport à 2015 de neuf millions d'euros par an en 2018 et 2019, et enfin par l'octroi d'une dotation en capital de 55 millions d'euros. Cet effort de l'État ne saurait exonérer Radio France de la mise en oeuvre d'une réforme de son organisation et de son fonctionnement. Il doit au contraire être envisagé comme un accompagnement de la transformation de l'entreprise, qui doit lui permettre de retrouver un équilibre pérenne de son compte de résultat à l'horizon 2017 » 79 ( * ) . Le groupe pourra par ailleurs souscrire un emprunt pour un montant de 70 millions d'euros, sur une durée maximale de sept ans.

Enfin, l'Institut national de l'audiovisuel affiche également un résultat déficitaire pour la première fois depuis dix-sept ans . Les ressources propres de la société diminuent de 1,7 million d'euros par rapport à 2013, tandis que les charges d'exploitation augmentent de 2,1 millions d'euros. 2014 a également marqué une forte baisse de la ressource publique , l'État prélevant 20 millions d'euros au titre de la réserve constituée pour la réalisation du projet immobilier de l'INA, qui a en conséquence dû être revu et reporté. Compte tenu de la prévision du résultat net pour 2015, cette dégradation de la situation financière semble passagère mais des mesures de réduction de dépenses devront là aussi être réalisées dans le cadre du nouveau COM ( cf. infra ).


* 70 Les sociétés AEF, France 24 et RFI ayant fusionné en 2012, pour devenir France Médias Monde en juin 2013, l'analyse de la situation financière de FMM porte sur les exercices 2012, 2013 et 2014.

* 71 Source : rapport annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2014.

* 72 Source : message adressé par Delphine Ernotte Cunci aux membres du Conseil d'administration de France Télévisions le 14 septembre 2015.

* 73 Source : message adressé par Delphine Ernotte Cunci aux membres du Conseil d'administration de France Télévisions le 14 septembre 2015.

* 74 Une provision de ce montant a été inscrite dans les comptes 2013 de la société.

* 75 Source : Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2014, compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

* 76 Source : « Radio France : les raisons d'une crise, les pistes d'une réforme », Cour des comptes, rapport public thématique, mars 2015.

* 77 Le comité central d'entreprise du 9 septembre 2015 a présenté un scénario pour ramener l'entreprise à l'équilibre à l'horizon 2018 seulement, le gouvernement ayant indiqué, en juillet, que l'objectif initial de 2017 constituait un « horizon » et non une « date butoir ».

* 78 La distinction entre CAP d'investissement et CAP de fonctionnement n'est pas une distinction juridique mais un concept utilisé en gestion par les sociétés et leur tutelle.

* 79 Source : réponse de Michel Sapin, Emmanuel Macron, Christian Eckert et Fleur Pellerin à la Cour des comptes sur le rapport particulier relatif aux comptes et à la gestion de Radio France pour les exercices 2004 à 2013, 24 juillet 2015.

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