IV. LE RESPECT DES DROITS DE L'HOMME ET DE L'ÉTAT DE DROIT

A. LE FONCTIONNEMENT DES INSTITUTIONS DÉMOCRATIQUES EN TURQUIE

La Turquie est actuellement confrontée aux conséquences de la guerre qui sévit en Syrie et dans les pays avoisinants, hébergeant près de trois millions de réfugiés, et aux menaces et attaques terroristes continues perpétrées notamment par Daech et le PKK, qui doivent être fermement condamnées.

Regrettant l'échec des pourparlers de paix sur la question kurde en juillet 2015 et la nouvelle escalade de la violence dans le sud-est de la Turquie, les rapporteures Mme Ingebjørg Godskesen (Norvège - CE) et Mme Nataa Vuèkoviæ (Serbie - SOC) s'inquiètent des allégations sérieuses de violations des droits de l'Homme durant ces opérations de sécurité, ainsi que des conséquences humaines et juridiques des couvre-feux de longue durée. L'Assemblée parlementaire devrait, selon elles, appeler les autorités turques à conduire des enquêtes effectives et à mettre en place des mécanismes pour observer la situation des droits de l'Homme et publier des rapports crédibles.

De plus, les rapporteures se disent très préoccupées par la levée de l'immunité d'un grand nombre de parlementaires, en majorité de l'opposition, par les nombreuses mesures et l'application abusive de dispositions légales restreignant la liberté d'expression et des médias, et par le manque d'indépendance du système judiciaire.

Elles concluent, de ce fait, que ces développements menacent le fonctionnement des institutions démocratiques et compromettent le respect des obligations de ce pays vis-à-vis du Conseil de l'Europe. L'Assemblée devrait ainsi continuer à suivre de près les développements dans le pays et inviter la Turquie à mettre sa législation et ses pratiques en conformité avec les normes du Conseil de l'Europe.

Mme Josette Durrieu (Hautes-Pyrénées - Socialiste et républicain) s'est adressée directement au peuple turc qui réélit régulièrement M. Erdogan, alors que celui-ci mène la Turquie vers un régime de plus en plus autoritaire. Elle affirme que le peuple turc a, aujourd'hui, rendez-vous avec son histoire face à un régime qui vient de lever l'immunité des parlementaires, touchant ainsi au coeur même du régime démocratique.

M. Yves Pozzo di Borgo (Paris - UDI-UC) a tout d'abord salué les progrès accomplis par la Turquie, notamment sur le plan économique, depuis 2002 et l'arrivée de l'AKP au pouvoir. Ayant observé les élections législatives de juin 2015 en Turquie qui se sont parfaitement déroulées, il explique la dégradation de la situation politique par les attaques terroristes nombreuses dont la Turquie est victime. Toutefois, la Turquie ne réagit pas comme une démocratie mature face à cela et cette évolution est très mal perçue par les opinions publiques européennes au moment où les négociations d'adhésion à l'Union européenne semblent relancées.

M. René Rouquet (Val-de-Marne - Socialiste, républicain et citoyen), président de la délégation française , a souhaité tout d'abord exprimer sa sympathie au peuple turc à la suite des nombreux attentats dont le pays a été victime. Certes, la pression migratoire et la guerre dans les pays voisins rendent la situation plus complexe, mais cela ne justifie pas les atteintes graves aux règles de l'État de droit, à la démocratie et aux droits de l'Homme. Il a ensuite regretté l'arrêt des pourparlers de paix pour résoudre la question kurde. Il a estimé que l'ouverture des chapitres relatifs à la justice dans le cadre du processus d'adhésion à l'Union européenne serait une bonne chose. Enfin, il a exprimé le voeu que les choses s'améliorent substantiellement en Turquie.

Mme Catherine Quéré (Charente maritime - Socialiste, républicain et citoyen) a évoqué le fait que, parmi les députés du HDP qui ont perdu leur immunité, une large majorité sont des femmes. Elle regrette que le rapport ne traite pas plus la question des droits des femmes. Après avoir été à l'avant-garde sur cette question, la Turquie affiche aujourd'hui une régression constante avec trois fois plus de femmes mortes sous les coups d'un homme depuis 2002.

Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) a dénoncé la dérive autoritaire dans laquelle la Turquie s'est engagée, citant tour à tour la censure des journaux et de sites Internet, la levée de l'immunité parlementaire des députés et les tentatives de mise au pas de la magistrature. Elle a réaffirmé l'interdépendance entre l'Union européenne et la Turquie pour faire face aux défis liés au contexte géopolitique dans la région, et exhorte les dirigeants de ce pays à se ressaisir.

Au cours de ce débat, les amendements tendant à remettre la Turquie sous monitoring ont été rejetés.

La résolution adoptée par l'Assemblée indique que « l'évolution récente de la situation concernant la liberté des médias et la liberté d'expression, l'érosion de l'État de droit et les violations des droits de l'Homme liées aux opérations de sécurité antiterroristes menées dans le sud-est de la Turquie menacent le fonctionnement des institutions démocratiques de ce pays et compromettent le respect de ses obligations vis-à-vis du Conseil de l'Europe » et que « les progrès accomplis sur les douze points du dialogue postsuivi (...) feront l'objet d'un examen dans le rapport de postsuivi qui sera présenté en 2017 . »

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