B. DES TRAVAUX CONSIDÉRABLES À MENER SUR LES QUINZE PROCHAINES ANNÉES POUR RATTRAPER PLUSIEURS DÉCENNIES DE SOUS-INVESTISSEMENTS CHRONIQUES

1. Si le Gouvernement a annoncé deux plans en faveur du réseau routier à quelques mois d'intervalle, sa remise à niveau exigera un effort financier important et durable

Le réseau routier national ayant été fortement dégradé ces dernières années par une succession d'hivers rigoureux (en particulier des successions de périodes humides suivies de gel), le Gouvernement a progressivement pris conscience de la nécessité de procéder à d'importants travaux de rénovation .

Il a ainsi décidé d'allouer en juin 2015 100 millions d'euros en plus de l'enveloppe prévue dans le budget 2015 du ministère des transports pour des travaux de régénération routière sur 150 chantiers . Selon la DGITM, tous ces chantiers étaient achevés au début de l'année 2016.

Cette somme demeurant insuffisante eu égard à l'ampleur des enjeux, le Gouvernement a annoncé le 8 février 2016 un nouveau plan d'investissement exceptionnel de 150 millions d'euros pour l'entretien du réseau routier national et des voies navigables.

Ainsi, selon la DGITM, près de 300 millions d'euros seront investis dans environ 400 opérations de régénération des routes nationales , soit une hausse de 55 % par rapport à 2015 des moyens qui leur sont consacrées , ce qui permettra d'atteindre le niveau d'investissement en faveur des routes le plus élevé des dix dernières années .

S'il a bien noté que le Gouvernement avait pris la mesure de l'urgence de la situation , votre groupe de travail estime toutefois que les deux plans de relance annoncés ces dernières années en faveur des routes demeurent insuffisants pour faire face à l'ensemble des besoins qui se manifestent sur le territoire français .

Il sera donc nécessaire de dégager durablement des ressources , et non pas seulement par à-coups, en faveur de notre réseau routier national pour parvenir à compenser plusieurs décennies de renouvellement insuffisant des chaussées .

2. Les investissements en faveur des voies navigables demeurent insuffisants

Selon les responsables de l'établissement public Voies navigables de France (VNF), les investissements actuellement consentis en faveur de nos voies navigables, à hauteur de 150 millions d'euros par an , demeurent insuffisants pour maintenir le réseau en état et empêcher son vieillissement .

Ainsi, certains ouvrages , notamment sur le petit gabarit, se dégradent et deviennent moins fiable , au point qu'il n'est plus possible d'y circuler (c'est le cas du canal Sambre-Oise par exemple).

Pour les remettre à niveau, il faudrait notamment procéder à des drainages , régénérer les écluses , renforcer l'automatisation et améliorer la sécurité des installations . La situation devrait demeurer sous contrôle encore cinq à six ans , mais deviendrait plus difficile au-delà sans investissements supplémentaires.

3. Le renouvellement du réseau ferré, chantier majeur des quinze prochaines années
a) L'audit Rivier a provoqué une prise de conscience et une montée progressive des moyens en faveur du renouvellement du réseau existant

Alors que l'effort annuel de rénovation du réseau ferroviaire n'était que de 900 millions d'euros en 2005 , il a progressivement été porté au cours des six dernières années à 2,5 milliards d'euros 57 ( * ) à travers les plans successifs de remise à niveau du réseau.

Mais, selon SNCF Réseau, ce montant d'investissements permet seulement de limiter le vieillissement des voies les plus circulées , mais pas de remettre à neuf la signalisation , ni de moderniser les lignes de desserte fine des territoires .

Alors que, dans un premier temps, l'ex-RFF avait eu tendance à se disperser en renouvelant en priorité des lignes peu fréquentées, SNCF Réseau concentre désormais ses investissements sur le réseau structurant , c'est-à-dire les lignes classées 1 à 6 par le classement international de l'International Union of Railways (UIC), qui classe les lignes de 1 à 9 58 ( * ) .

En ce qui concerne le renouvellement des lignes 7 à 9, c'est-à-dire les lignes les moins fréquentées, deux voies ont été explorées ces dernières années par SNCF Réseau en cas de volonté politique forte de les régénérer :

• une inscription dans les contrats de plan État-région (CPER) , dont près de la moitié des crédits y sont consacrés pour la période 2015-2020 (surtout en faveur des lignes 7 à 9 avec voyageurs) ;

• la mise en place de « tours de table » réunissant plusieurs partenaires financeurs pour remettre à niveau le capillaire fret , dans une perspective de développement économique local .

Dans les deux cas, le financement de SNCF Réseau est limité aux économies de maintenance que l'opération de renouvellement occasionne , soit environ 15 % du coût du projet .

Si le financement par les collectivités territoriales de lignes peu fréquentées dans une perspective d'emploi local et d'aménagement du territoire est pleinement légitime, les membres de votre groupe de travail n'en considèrent pas moins que la fermeture des lignes les moins circulées doit également être envisagé .

Le constat effectué en 2005 par l'audit Rivier sur la taille excessive du réseau français reste en effet valable pleinement valable aujourd'hui, avec 11 200 kilomètres de voies sur lesquelles circulent moins de 20 trains par jour (37 % du réseau) et 6 400 kilomètres avec moins de 10 trains par jours (21 % du réseau).

Or, seulement 200 kilomètres de lignes , essentiellement de fret, ont été retirées du Document de référence du réseau (DRR) par SNCF Réseau ces dernières années et ne font officiellement plus partie du réseau ferré français.

Votre groupe de travail considère donc qu'il ne faut pas s'interdire de fermer davantage de lignes non rentables , si cela peut permettre de rationaliser l'emploi de ressources financières rares, tout en respectant les principes d'aménagement équilibré du territoire .

b) Les moyens consacrés au renouvellement du réseau structurant demeurent insuffisants et resteront difficiles à réunir sans suspension des financements accordés aux nouveaux développements du réseau et aux lignes les moins fréquentées

Selon la direction générale du Trésor, entendue par votre groupe de travail, SNCF Réseau a proposé, dans sa trajectoire d'investissements présentée à l'État en juillet 2015, une forte hausse des investissements de rénovation qui pourraient atteindre 3,5 milliards d'euros par an en 2020 (contre 2,5 milliards d'euros en 2015), dont 3,1 milliards d'euros pour le renouvellement du réseau et 400 millions d'euros pour la mise en conformité.

Parallèlement, les investissements de développement du réseau (LGV, projets régionaux), représenteraient un investissement annuel de 1,6 milliard d'euros en 2020 et de 1,2 milliard d'euros en 2025 .

Votre groupe de travail considère que l'État doit pleinement soutenir le plan ambitieux de SNCF Réseau en faveur de la rénovation de son réseau ferré , voire même l'amplifier en retardant les projets de développement du réseau les moins urgents .

Il estime ainsi que, par rapport à la situation actuelle, il serait indispensable dégager 1 à 2 milliards d'euros supplémentaires en faveur du renouvellement des lignes structurantes de notre réseau ferré , afin de porter l'effort consenti par SNCF Réseau entre 3,5 et 4,5 milliards d'euros par an pendant quinze ans .

Seul des investissements de cette ampleur permettront de réhabiliter un patrimoine trop longtemps négligé , au détriment du confort et surtout de la sécurité de nos concitoyens .

Cette mobilisation exceptionnelle devra également être humaine.

Une partie considérable des ingénieurs de SNCF Réseau sont aujourd'hui mobilisés sur la conception et la construction des nouvelles lignes LGV, faisant de la régénération du réseau existant le parent pauvre .

Or les besoins humains pour réussir le gigantesque chantier de sa réhabilitation , qui comprend des aspects éminemment complexes comme les noeuds ferroviaires, rendra nécessaire une affectation massive de cadres supérieurs sur ce projet .

Proposition n° 9 : Investir massivement pendant les quinze prochaines années en faveur de la maintenance , du renouvellement et de la modernisation des réseaux existants , en particulier du réseau ferroviaire, dont le vieillissement est très inquiétant.


* 57 Les dépenses d'entretien du réseau, distinctes des dépenses de rénovation, représentaient pour leur part 2,1 milliards d'euros en 2015.

* 58 L'Union internationale des chemins de fer (UIC) a établi une classification des lignes en fonction des charges de trafic supportées par l'infrastructure ainsi que du type de trafic. Le groupe UIC 1 correspond à des lignes très chargées et, à l'opposé, le groupe UIC 9 correspond à des lignes très faiblement chargées.

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