II. UNE GESTION NORMALISÉE

L'éloignement géographique de la Villa Médicis, le caractère pluriel de ses missions et des abus passés conduisent à attirer sur l'établissement le soupçon d'une gestion budgétaire inefficace - certains évoquant même des « pratiques féodales » 16 ( * ) .

Votre rapporteur spécial a pu constater que le fonctionnement de l'établissement public est classique malgré le rôle particulièrement important dévolu au directeur. Le budget de l'institution est suffisant en fonctionnement courant mais des problèmes nouveaux, en particulier en matière de risques naturels et de sécurité, exigent un engagement ferme de l'État aux côtés de l'Académie de France.

La gestion des ressources humaines était en revanche, jusqu'à la fin des années 2000 , marquée par d'importants dysfonctionnements qui provenaient de l'histoire de l'institution et du caractère traditionnel de certains arrangements. Des mesures ont été prises à partir de 2011 pour engager une normalisation de la gestion de l'établissement qui semble aujourd'hui en voie d'aboutir.

A. UN ÉTABLISSEMENT PUBLIC AU FONCTIONNEMENT CLASSIQUE DONT LE DIRECTEUR JOUE UN RÔLE IMPORTANT

1. Un établissement public administratif sous tutelle du ministère de la culture au fonctionnement globalement classique

L'Académie de France à Rome est un établissement public administratif (EPA) sous tutelle du ministère de la culture .

La tutelle de l'établissement est assurée par le département du soutien à la création du service des arts plastiques, au sein de la direction générale de la création artistique (DGCA) . Compte tenu des missions de l'établissement, est également associée à l'exercice de la tutelle la direction générale des patrimoines (DGP), qui est présente lors des réunions de préparation des séances du conseil d'administration et en conseil d'administration ainsi qu'à l'occasion de la réunion de programmation pluriannuelle des travaux dont elle assure le pilotage.

L'exercice de la tutelle du ministère de la culture
sur l'Académie de France à Rome

L'interaction continue avec les services de la tutelle ministérielle est rythmée par des « conférences de tutelle » annuelles et formalisées.

Chacune des séances du conseil d'administration est précédée d'une réunion préparatoire conduite par la direction générale de la création artistique, qui y associe la direction générale des patrimoines et le contrôle budgétaire et comptable ministériel. Il s'agit non seulement de valider l'ordre du jour et d'analyser les documents de support du conseil d'administration, mais aussi de faire le point, trois fois par an, sur les enjeux, les difficultés et les résultats de l'établissement.

Un point téléphonique mensuel a été institué, depuis 2014, entre les services de tutelle (département du soutien à la création) et l'établissement (secrétaire générale, agent comptable et responsable des ressources humaines). Ce rendez-vous vise à un échange fluide de l'information et est l'occasion de points d'étapes sur les projets d'envergure et l'activité quotidienne de l'établissement.

Un tableau de bord, portant sur les indicateurs financiers et de performance de l'établissement, est communiqué à la tutelle (ainsi qu'aux administrateurs) à échéance mensuelle.

Enfin, une réunion de programmation pluriannuelle des travaux pilotée par la direction générale des patrimoines, se tient chaque année en présence de l'architecte en chef des monuments historiques, des inspections générales et de la direction générale de la création artistique.

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

L'établissement est dirigé par une personnalité dont la nomination relève du Président de la République . Muriel Mayette a succédé fin 2015 à Éric de Chassey, qui avait accompli deux mandats à la tête de l'institution.

Le directeur n'est pas nécessairement lié à l'État par un contrat : dans le cas où il est agent titulaire de la fonction publique, la mise en détachement peut suffire. Dans le cas de la directrice actuelle, sa nomination a été assortie d'un contrat provisoire avec l'établissement , dans l'attente de la refonte en cours par le ministère de la culture de l'arrêté d'application du décret n° 67-290 du 28 mars 1967 fixant les modalités de calcul des émoluments des personnels de l'État et des établissements publics de l'État à caractère administratif en service à l'étranger. Le ministère chargé des affaires étrangères et la direction générale de l'administration et de la fonction publique ont été saisis pour la validation de ce texte.

Le directeur est assisté d'un secrétaire général et d'un chargé de mission pour l'histoire de l'art , qu'il nomme tous deux.

Un conseil d'administration comprenant douze membres se réunit au moins deux fois par an à Paris ou à Rome. Le conseil d'administration comprend des représentants de plusieurs ministères (culture, affaires étrangères, finances) ainsi que du personnel de la Villa et des pensionnaires, ces derniers ne disposant que d'une voix consultative.

La composition du conseil d'administration de l'Académie de France à Rome

Le conseil d'administration comprend, outre son président, conseiller d'État , douze membres, soit :

Six représentants de l'État , membres de droit :

a) Le directeur général de la création artistique ou son représentant ;

b) Le directeur général des patrimoines ou son représentant ;

c) Le secrétaire général du ministère chargé de la culture ou son représentant ;

d) Le directeur des relations européennes et internationales et de la coopération au ministère chargé de l'éducation nationale ou son représentant ;

e) L'ambassadeur de France en Italie ou son représentant ;

f) Le chef du service du contrôle général économique et financier ou son représentant ;

Cinq personnalités qualifiées dans les domaines relevant de la compétence et des missions de l'établissement ;

Un représentant du personnel ou son suppléant .

Le directeur, le secrétaire général, l'agent comptable, le contrôleur budgétaire de l'Académie de France à Rome ainsi que les délégués des pensionnaires mentionnés à l'article 3 assistent avec voix consultative aux délibérations du conseil d'administration.

Le président est nommé par décret pour une durée de trois ans .

Les membres mentionnés au 2° sont nommés par arrêté du ministre chargé de la culture pour une durée de trois ans.

Le représentant du personnel au conseil d'administration est élu dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la culture. La durée de son mandat est de trois ans. Son suppléant est désigné dans les mêmes conditions.

Source : article 4 du décret n° 71-1140 du 21 décembre 1971 portant application du décret du 1 er octobre 1926 conférant la personnalité civile et l'autonomie financière à l'académie de France à Rome

L'examen des comptes rendus des séances du conseil d'administration ne fait pas ressortir de problème particulier concernant la participation des différents membres aux débats.

Le président actuel du conseil d'administration a demandé à ce que les séances se tiennent en milieu de semaine et en milieu de journée afin de permettre un aller-retour rapide et d'éviter de donner l'impression que les séances seraient organisées afin de permettre aux membres de passer la fin de la semaine à Rome.

Selon le décret statutaire, le conseil d'administration « règle par ses délibérations les affaires de l'établissement » tandis que le directeur en « assure le fonctionnement ».

Enfin, l'article 3-2 du décret statutaire de 1971, ajouté en 2012, prévoit la conclusion avec l'État d'un contrat d'objectifs et de moyens .

Contrat d'objectifs et de performance (COP)
et contrat d'objectifs et de moyens (COM)

Un contrat d'objectifs et de performance, ou COP , constitue un document de pilotage stratégique d'un opérateur récapitulant les objectifs assignés à l'opérateur et les indicateurs de réussite associés. Il peut présenter une trajectoire financière de référence sans que celle-ci ne constitue un engagement de l'État.

Un contrat d'objectifs et de moyens, ou COM , contient une trajectoire financière prévisionnelle correspondant à l'engagement de l'État sur les moyens accordés pendant la période contractuelle en contrepartie de l'engagement de l'organisme sur les résultats attendus en matière économique et financière.

Au regard de son caractère contraignant pour l'État, un contrat d'objectifs et de moyens ne peut être envisagé que dans des cas assez limitatifs : création d'un opérateur ou changement significatif de ses missions, activité pluriannuelle porteuse d'enjeux et de risques budgétaires ou financiers ou encore situation financière de l'opérateur fragile ou dégradée.

Source : commission des finances du Sénat, d'après la circulaire du Premier ministre du 26 mars 2010 relative au pilotage stratégique des opérateurs de l'État

Cependant l'Académie ne dispose pas, pour l'heure, d'un contrat pluriannuel de performance : le contrat signé en 2010 pour la période 2011 à 2013 a été prolongé par avenant pour couvrir l'exercice 2014 dans l'attente de la signature du prochain contrat, mais sa conclusion a été reportée à la fin de l'année 2015 afin d'attendre le renouvellement du directeur prévu en septembre 2015 et de permettre une première analyse des mesures mises en place à la suite de la réforme de la mission « Colbert » 17 ( * ) .

D'après les éléments transmis à votre rapporteur spécial, le nouveau contrat est en cours de préparation mais n'a pas encore été signé .

2. Un rôle important dévolu au directeur

Le rôle important du directeur de la Villa tient autant à l'histoire de l'Académie qu'à la réalité des pouvoirs administratifs qui lui sont confiés par les statuts et le règlement intérieur de l'institution.

Les attributions du directeur de l'Académie de France à Rome

1° Il prépare les délibérations du conseil d'administration et en exécute les décisions ;

2° Il est ordonnateur des recettes et des dépenses ;

3° Il peut créer des régies d'avances et des régies de recettes dans les conditions prévues par le décret n° 92-681 du 20 juillet 1992 relatif aux régies de recettes et aux régies d'avances des organismes publics ;

4° Dans le respect de la politique tarifaire définie par le conseil d'administration, il fixe les droits d'entrée et les tarifs des prestations annexes ainsi que les redevances dues à raison des autorisations d'occupation temporaire des immeubles appartenant à l'État qui sont mis à la disposition de l'établissement public ;

5° Il arrête, dans le respect de la politique définie par le conseil d'administration, la programmation des activités culturelles et scientifiques et des publications de l'établissement ;

6° Il a autorité sur les personnels et les affecte au sein de l'établissement ; il gère et recrute les personnels contractuels ; il définit l'organisation des services de l'établissement, conformément aux orientations arrêtées par le conseil d'administration ;

7° Il représente l'établissement en justice et dans tous les actes de la vie civile ;

8° Il signe les contrats et conventions engageant l'établissement.

Il rend compte de sa gestion au conseil d'administration.

Il nomme, pour une durée de trois ans renouvelable une fois, un secrétaire général et un chargé de mission responsable de la section d'histoire de l'art chargés de l'assister. Le secrétaire général supplée le directeur en cas d'absence ou d'empêchement.

Source : article 8 du décret n° 71-1140 du 21 décembre 1971 portant application du décret du 1 er octobre 1926 conférant la personnalité civile et l'autonomie financière à l'académie de France à Rome

Se sont succédé à la tête de la Villa Médicis des personnalités artistiques voire politiques connaissant une relative notoriété publique , ce qui la distingue d'autres institutions dont les directeurs sont peut-être moins connus du grand public. Cette spécificité contribue à donner plus de poids aux directeurs auxquels les statuts confèrent un pouvoir important .

Depuis 2012, c'est le directeur qui nomme le secrétaire général et le chargé de mission responsable de l'histoire de l'art pour l'assister dans l'exercice de ses fonctions - ils étaient auparavant nommés par arrêté du ministère chargé de la culture.

Le directeur fait également partie du jury de sélection des pensionnaires et décide de la programmation de l'action culturelle de la Villa , comme en témoigne la réorientation de la programmation au début du mandat de Muriel Mayette avec la suppression de plusieurs festivals au profit d'évènements plus réguliers et de taille plus modeste.

Ce rôle prépondérant du directeur pourrait poser des problèmes en matière de continuité de l'action de la Villa mais le risque d'une personnalisation néfaste à la pérennité de l'institution est limité par quelques forces de rappel que sont la surveillance du conseil d'administration, la tutelle du ministère de la culture et le souci généralement partagé des directeurs de ne pas remettre radicalement en cause les travaux engagés par leurs prédécesseurs.


* 16 Journal Libération, « Mauvais casting à la Villa Médicis », tribune publiée le 2 septembre 2015.

* 17 Cf. III de la première partie du présent rapport.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page