III. LA MISSION « COLBERT » : UN PRESTIGE HISTORIQUE INDÉNIABLE MAIS UNE LÉGITIMITÉ AUJOURD'HUI INCERTAINE

Si la gestion de l'Académie de France à Rome ne présente pas d'irrégularité majeure et si des réformes administratives importantes ont été mises en oeuvre, il n'en reste pas moins que la légitimité de l'institution demeure précaire .

Historiquement et symboliquement, c'est la mission « Colbert » qui a donné à la Villa sa raison d'être et c'est elle dont les modalités et les finalités peinent le plus à être définies.

Le constat n'est pas nouveau et a inspiré la mise en place d'une commission mandatée par la ministre de la culture et de la communication pour « engager une réforme en profondeur du statut des pensionnaires », qui a débuté ses travaux en 2012. Les huit propositions formulées par la commission et présentées dans un rapport rendu public en avril 2013 ont conduit à une réforme significative des conditions d'accueil et de suivi des pensionnaires .

Cependant, votre rapporteur spécial considère que la réforme demeure inachevée sur plusieurs points : outre l'absence de statut des pensionnaires et la permanence d'un mode de calcul complexe et inéquitable des bourses des pensionnaires, ce sont plus largement les droits et les devoirs du pensionnaire qui restent confus.

Cette incertitude contribue sans doute au déficit d'image dont souffre la Villa , malgré une ouverture de plus en plus large au public et des démarches de mise en contact des pensionnaires avec le monde culturel romain.

A. UNE RÉFORME DES CONDITIONS D'ACCUEIL ET DE SUIVI DES PENSIONNAIRES QUI DOIT ÊTRE SALUÉE

Si Rome n'est plus l'épicentre de la création artistique, la pérennité de l'histoire dans laquelle s'enracine la Villa, et le prestige dont elle jouit, lui permettent d'exercer une force d'attraction réelle : en 2016, 601 candidatures ont été soumises pour seulement 14 projets retenus .

En outre, à la suite des préconisations de la commission de réflexion sur la mission « Colbert », de nombreux changements positifs ont été apportés à l'accueil et au suivi des pensionnaires .

1. Un accueil formalisé par la signature d'une lettre d'engagement et une intégration facilitée

L'accueil des pensionnaires à la Villa a été considérablement amélioré à partir de 2014, avec la mise en oeuvre progressive de réformes issues des propositions de la commission « Colbert ».

D'une part, une cérémonie, présidée par le ou la ministre de la culture et de la communication, est organisée à la suite de l'annonce des résultats du concours. C'est l'occasion d'une première rencontre de la « promotion » des nouveaux pensionnaires issus du dernier concours, mais cela permet aussi et surtout à chacun des pensionnaires de signer un engagement avec l'Académie de France à Rome qui formalise ainsi l'acceptation de leurs droits et de leurs devoirs à l'égard de l'État (modèle de lettre d'engagement en annexe).

L'émergence d'un esprit de promotion est favorisée par l'harmonisation des durées de séjour et des dates d'arrivée : d'après les éléments transmis à votre rapporteur spécial, les pensionnaires arrivent désormais tous en même temps, dans la première quinzaine du mois de septembre , généralement pour une période de douze mois. Jusqu'à la promotion arrivée en 2014, il était également possible d'opter pour un séjour de dix-huit mois et, en moyenne, un pensionnaire par promotion choisissait de le faire. Cette possibilité a été supprimée lors du concours 2016 et dans le futur, il est envisagé que tous les pensionnaires rejoignent la résidence pour un séjour de douze mois .

L'administration de l'établissement cherche aussi à répondre aux critiques relatives au manque de culture italienne des pensionnaires, souvent jugés déconnectés de la vie culturelle romaine et plus largement de l'Italie : depuis la rentrée 2014, les pensionnaires bénéficient d'un cours intensif d'italien pendant quatre à six semaines et, avant la fin du premier mois de résidence, une journée est organisée pour faciliter leurs relations avec la ville de Rome, ses artistes, ses institutions, ses lieux culturels et l'environnement des académies internationales. Cet évènement, intitulé L'Accademia nella città , constitue une initiative intéressante et dont votre rapporteur spécial considère qu'elle sera d'autant plus pertinente que sa personnalisation selon la pratique de chaque pensionnaire sera recherchée : un graveur, par exemple, n'aura pas besoin du même réseau ni des mêmes contacts qu'un scénariste.

Cette première phase qui vise, d'après les réponses de l'Académie au questionnaire de votre rapporteur spécial, « à intégrer les résidents dans leur environnement et à leur permettre de saisir des opportunités et initiatives locales », est complétée par un suivi renforcé des pensionnaires durant leur séjour.

2. Un suivi des travaux renforcé

A la suite des travaux de la commission, un agent a été affecté à temps plein au suivi des résidents à partir de 2013 - jusqu'alors, la personne chargée des pensionnaires était l'assistant ou l'assistante du secrétaire général. Un membre du personnel supplémentaire l'a rejoint à partir de 2014.

Ainsi, l'administration de l'établissement cherche à faciliter l'intégration des travaux des pensionnaires au sein de la programmation culturelle de l'établissement par des échanges réguliers entre les pensionnaires, l'équipe chargée de leur suivi (composée de deux personnes) et les programmateurs culturels. D'après les éléments transmis par l'Académie à votre rapporteur spécial, « les interactions entre les deux missions, de résidence et de diffusion culturelle, sont fortement encouragées » et « il est proposé aux pensionnaires, sur base volontaire ou selon les choix des commissaires et institutions tiers concernés, de se joindre à des projets en France (ex. commande de composition musicale pour le festival d'Aix), à Rome (ex. expositions collectives de la Fondazione Memmo) ou en Italie (ex. expositions collectives dans les Cantieri della Zisa à Palerme, ou résidence Capo d'Arte dans les Pouilles) ».

L'année 2014 a également vu la mise en place du « Nouveau Prix de Rome » , qui est une « personnalité française reconnue du monde des lettres, des arts et des sciences » choisie pour accompagner le parcours des pensionnaires d'une promotion et pour développer le dialogue entre artistes et disciplines de la création . Des rencontres régulières avec les pensionnaires sont organisées. Si le talent des personnalités choisies depuis 2014 ne fait guère de doute, votre rapporteur spécial s'interroge à la fois sur la dénomination de ce « parrain » (ou de cette marraine) de la promotion et sur ses attributions exactes 31 ( * ) .

En outre, une exposition collective , le « Théâtre des expositions » , permet une fois par an au public de découvrir une partie des travaux des pensionnaires, qui bénéficient chacun d'une enveloppe budgétaire dédiée à cette fin. Si cette manifestation a largement précédé la réforme de l'accueil en résidence menée en 2014 (2016 correspond à sa septième édition), elle a pour la première fois en 2016 été présentée en France à l'occasion du festival « Viva Villa ! » consistant à présenter les oeuvres des pensionnaires des trois résidences françaises d'artistes à l'étranger (Casa Velasquez, Villa Kujoyama, Villa Médicis) sur le territoire national.

Plusieurs moments individuels et collectifs sont par ailleurs proposés aux pensionnaires : il s'agit tout à la fois de dîners mensuels, de rencontre avec l'équipe de direction, mais aussi de la possibilité d'une participation volontaire aux activités d'accueil et d'explication au public ainsi qu'aux jeudis de la Villa.

Un rapport synthétique de bilan de leur séjour leur est demandé avant leur départ, et leurs activités postérieures au séjour font l'objet d'une brève présentation en conseil d'administration.


* 31 Cf. seconde partie du présent rapport.

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