C. DES PRATIQUES DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES NORMALISÉES

1. Moins de cinquante agents dont la majeure partie sont recrutés sous contrat de droit local

Au total, 46 emplois équivalents temps plein (ETP) sont affectés à la Villa en 2016 .

La grande majorité des agents est constituée de contractuels de droit italien dans la mesure où seuls les contrats de la directrice, du secrétaire général, du chargé de mission pour l'histoire de l'art et de l'agent comptable sont des emplois statutaires de droit public français.

Répartition par statut des emplois équivalents temps plein
de l'Académie de France à Rome

(en ETPT et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte financier de l'exercice 2015

Ainsi, en 2015, sur un total de 46 ETPT, le personnel statutaire représentait 8,7 % de l'effectif (4 ETPT) et le personnel de droit italien 91,3 % (42 ETPT).

2. Des dérives constatées dans le passé
a) Le dépassement du plafond d'emplois

L'Académie n'a pas respecté le plafond d'autorisation d'emplois voté par le Parlement de 2008 à 2011 avec un dépassement allant de 2 à 4 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT).

Plafond d'emplois et exécution de l'Académie de France à Rome
entre 2007 et 2015

(en ETPT)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le compte financier de l'exercice 2015 et les documents budgétaires

Il est vrai que l'Académie dispose de peu de marges de manoeuvre concernant son effectif en raison de la faible mobilité des agents de droit local . Ainsi, les seuls leviers d'ajustement résident dans la non-reconduction de quelques contrats à durée déterminée et dans le départ à la retraite d'agents italiens.

Mais le dépassement des plafonds d'emplois ne constituait pas le seul problème : il a coïncidé dans le temps avec des méthodes coûteuses de gestion des ressources humaines.

b) Jusqu'en 2011, une gestion au cas par cas coûteuse

Jusqu'en 2011, la gestion des ressources humaines de l'établissement reposait essentiellement sur deux socles : la convention collective « administrations publiques » d'une part, les décisions des différents directeurs d'autre part . En effet, l'article 8 du décret statutaire prévoit que le directeur « définit l'organisation des services de l'établissement, conformément aux orientations arrêtées par le conseil d'administration ».

Comme le souligne l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) dans son rapport de 2012 sur l'Académie de France à Rome, la gestion des ressources humaines a longtemps été « familiale » , avec la présence de véritables dynasties d'agents au sein de l'Académie. En outre, des différences de traitement entre les agents sont apparues avec le temps, relatives aux avantages indemnitaires perçus ou au bénéfice d'un « logement de service » au sein de la Villa.

Ainsi, comme l'indique la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2015 sur l'Académie de France à Rome, « la rémunération des agents, et plus particulièrement l'octroi de primes ou indemnités, n'a pas procédé avant 2011 d'une réflexion globale mais le plus souvent de décisions ponctuelles et individuelles ».

Les règles qui régissaient le fonctionnement de l'Académie en matière d'affectation de logement et de rémunération paraissaient donc inéquitables, dans la mesure où elles conduisaient à des différences de traitement entre les agents selon des critères difficilement objectivables.

Comme le montre la Cour des comptes dans son rapport précité, la masse salariale correspondant aux agents de droit italien a très fortement progressé entre 2003 et 2009, passant de 1 million d'euros en 2003 à 1,53 million d'euros en 2013, soit une hausse de 53 %.

Cette hausse marquée provient davantage de la hausse de la rémunération moyenne que d'une augmentation du nombre d'agents .

En effet, de nombreuses primes ont alors été créées ou étendues : à titre d'exemple, une indemnité de fonction a été allouée au personnel ayant atteint un certain niveau dans la hiérarchie par une décision du 3 mars 2003 et la prime d'exposition, instaurée en 1992 pour récompenser le surcroît de travail occasionné par l'organisation des expositions, a été élargie en 2006 à l'ensemble des agents en contrat à durée indéterminée. La prime de Noël a également été élargie et certains agents ont bénéficié de primes exceptionnelles sur décision du directeur.

3. Une normalisation progressive à partir de 2013
a) Une baisse des effectifs suivie d'une révision du règlement collectif du travail et de la grille de rémunérations

La nécessité d'une rationalisation de la gestion des ressources humaines a été reconnue dès le milieu des années 2000 et le dispositif a fait l'objet d'une refonte complète en 2011 , constituant selon la Cour des comptes un « progrès majeur ».

Tout d'abord, l'effectif a amorcé une décrue à partir de 2009. Le nombre d'agents de droit local est ainsi passé de 50,75 ETPT en 2006 à 43,18 ETPT en 2013, ce qui a permis tout à la fois de contenir la masse salariale et de respecter le plafond d'emplois fixé par le Parlement.

En outre, a été entreprise une rationalisation de la gestion des ressources humaines , avec l'élaboration d'un nouveau règlement collectif du travail (« disciplina » en italien), d'une nouvelle grille de rémunérations et le projet d'élaboration d'un répertoire des métiers.

Le conseil d'administration a esquissé les principales orientations du projet au cours de l'année 2010 et les grands axes du dispositif retenu ont été présentés au conseil d'administration puis au personnel au cours du deuxième semestre de l'année 2011.

Les deux premiers volets du dispositif, c'est-à-dire le nouveau règlement collectif du travail de l'AFR et la nouvelle grille salariale, ont été adoptés par le conseil d'administration en novembre 2011. Les agents pouvaient opter jusqu'au 31 mars 2012 pour le nouveau régime avec une mise en oeuvre avec effet rétroactif au 1 er janvier 2012. Dans le cas où les agents ne souhaitaient pas adhérer au nouveau dispositif, les primes et indemnités collectives qui préexistaient à la réforme étaient supprimées et remplacées par une indemnité dite de maintien de salaire, qui réunissait les primes et indemnités antérieures.

Se sont fait jour fin 2011 et début 2012 des tensions au sein de l'établissement , qui ont conduit la direction à retarder la mise en place du nouveau dispositif afin d'engager de nouvelles discussions avec le personnel. Le conseil d'administration a finalement adopté une nouvelle version de la « disciplina » le 10 juillet 2012 et son entrée en vigueur a été repoussée au 1 er août 2012.

À la suite de ces discussions, a été ajoutée au dispositif une clause d'ajustement de la « disciplina » sous un délai de deux ans . En outre, les agents ont obtenu la garantie qu'une procédure de recours devant une commission paritaire leur permettrait de demander le réexamen de leur situation, en particulier de leur position dans la grille salariale au regard de leur qualification et de leur ancienneté.

La réforme a finalement emporté l'adhésion d'une large part des effectifs : elle a concerné 41 des 46 agents. Fin 2014, seuls quatre agents demeuraient en dehors du nouveau dispositif.

De façon parallèle à cette réforme, le dialogue social a également été renforcé à travers la présence d'un représentant du personnel au conseil d'administration à partir de 2010 ainsi que la création d'un comité technique (CT) et d'un comité d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en 2012. Comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport précité, « même si ces dispositifs n'ont rien d'exceptionnel puisqu'ils existent dans la plupart des établissements publics, ils permettent à l'AFR de rattraper un important retard dans ce domain e ».

b) Une réforme en voie d'aboutir
(1) Un volet encore incomplet : l'élaboration d'un répertoire des métiers

L'Académie prévoit l'élaboration d'un répertoire des emplois , c'est-à-dire d'un recueil de fiches de postes correspondant aux différentes fonctions exercées au sein de l'établissement. Un tel répertoire devrait faciliter le recrutement d'agents de droit local en permettant de mieux définir les compétences attendues et les postes à pourvoir. L'établissement travaille également à l'élaboration d'un nouvel organigramme de l'établissement.

(2) La révision de la nouvelle « disciplina » à partir de 2014 : une refonte en profondeur du cadre juridique avec l'élaboration d'un accord d'entreprise

La nouvelle « discipline du rapport de travail des employés de l'Académie de France à Rome », dont la durée d'application initialement prévue était de deux ans, est arrivée à son échéance formelle le 10 juillet 2014 30 ( * ) .

Depuis le premier semestre 2014, les travaux de révision de cet accord d'entreprise ont donné lieu à un dialogue social entre la direction de l'Académie, les représentants des personnels et le syndicat représentatif des personnels et ont conduit à constater plusieurs carences de la nouvelle discipline.

Les carences de la « disciplina » adoptée en 2012

Le texte actuellement en vigueur :

- a fait l'objet d'une série d'actes individuels d'adhésion . Or, quatre agents n'ayant pas souhaité signer gardent un contrat individuel, ne se voyant pas appliquer les dispositions ni la grille de rémunération adoptées par les autres membres du personnel ;

- ne s'inscrit pas dans un cadre de négociation national et dans un système de droit évolutif , qu'il s'agisse de l'Italie ou de la France ; reprenant certains principes de droit italien, sans se raccrocher à la négociation nationale, le texte apparaît caduque sur plusieurs points ;

- pour le droit français, il ne prend pas en compte les obligations de l'employeur en matière de dialogue social , ne prévoyant pas l'existence ni le fonctionnement du comité technique et du comité hygiène, sécurité et conditions de travail ;

- à l'occasion d'un contentieux avec une ancienne salariée, en septembre 2014, la Cour de cassation italienne a souligné que la disposition en vigueur désignant le tribunal de Rome comme juridiction compétente ne pouvait pas être appliquée en l'absence d'un acte explicite de dérogation au principe de l'immunité juridictionnelle prévu pour les actions en justice ayant pour objet l'embauche, la reconduction du contrat de travail ou la réintégration d'un agent, dans un procès concernant un contrat de travail. Cette disposition doit donc être corrigée et complétée.

Source : réponse de l'Académie de France à Rome au questionnaire du rapporteur spécial

Une nouvelle démarche a donc été mise en oeuvre consistant à articuler les règles applicables aux personnels en deux niveaux de négociation et de textes .

Un premier niveau est constitué d'une convention collective nationale (contrat collectif national de travail) applicable à l'ensemble des employés italiens du même secteur d'activité et négocié par les partenaires sociaux italiens du secteur professionnel concerné au plan national, assimilable à un accord de branche. Il a été proposé au conseil d'administration, qui l'a accepté, de retenir la convention applicable aux employés des ambassades, des consulats, des légations, des instituts culturels et des organismes internationaux en Italie.

Un second niveau est celui de l'accord d'entreprise, c'est-à-dire un accord spécifique à l'Académie de France à Rome . Ce texte doit couvrir tous les aspects qui relèvent de la négociation collective interne, sans contradiction ni désavantage par rapport aux dispositions de premier niveau. Il permettra notamment d'intégrer les dispositions prévues par la réglementation française en matière de dialogue social et de tenir compte des spécificités de l'établissement .

D'après les éléments transmis à votre rapporteur spécial, la discussion sur le texte de second niveau est en cours . Après accord entre l'administration et les représentants des personnels sur le texte, celui-ci fera l'objet d'un vote de l'assemblée générale des personnels : en cas d'obtention d'un vote favorable de la majorité des agents, ces textes seront adoptés et s'appliqueront à tous.

Votre rapporteur spécial tient donc à souligner les efforts engagés par la Villa pour moderniser sa gestion et, s'il est indéniable que des dérives ont pu être constatées par le passé, considère que la gestion administrative et financière de l'Académie est aujourd'hui en voie de normalisation .

L'aboutissement de la révision de la « discipline » et de l'élaboration d'un nouveau répertoire des métiers permettront d'affermir une gestion plus transparente et plus équitable. Ils devraient donc tous deux faire l'objet d'une attention soutenue lors de la préparation du prochain contrat d'objectifs et de moyens .


* 30 Le texte reste applicable jusqu'à l'adoption d'un nouvel accord.

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