N° 122

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 novembre 2016

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la phase I de l' approfondissement de l' Union économique et monétaire ,

Par Mme Fabienne KELLER et M. François MARC,

Sénateurs.

(1) Cette commission est composée de : M. Jean Bizet, président ; MM. Michel Billout, Michel Delebarre, Jean-Paul Émorine, André Gattolin, Mme Fabienne Keller, MM Yves Pozzo di Borgo, André Reichardt, Jean-Claude Requier, Simon Sutour, Richard Yung, vice-présidents ; Mme Colette Mélot, M Louis Nègre, Mme Patricia Schillinger, secrétaires , MM. Pascal Allizard, Éric Bocquet, Philippe Bonnecarrère, Gérard César, René Danesi, Mme Nicole Duranton, M. Christophe-André Frassa, Mmes Joëlle Garriaud-Maylam, Pascale Gruny, M. Claude Haut, Mmes Sophie Joissains, Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, Jean-Yves Leconte, François Marc, Didier Marie, Robert Navarro, Georges Patient, Michel Raison, Daniel Raoul, Alain Richard et Alain Vasselle.

Voir le numéro :

Sénat :

123 (2016-2017)

AVANT-PROPOS

La Commission européenne a présenté, le 21 octobre 2015, une communication sur la première étape de l'approfondissement de l'Union économique et monétaire. Ce document s'inspire des pistes de travail avancées par les présidents de la Commission européenne, du Conseil européen, du Parlement européen, de l'Eurogroupe et de la Banque centrale européenne dans un rapport publié en juin 2015. Ce document prévoit deux phases pour le renforcement des structures et des moyens de la zone euro. La première, censée se terminer le 30 juin 2017, doit permettre un approfondissement par la pratique, utilisant les instruments existants, alors que la seconde, prévue pour durer jusqu'en 2025, devrait entraîner des modifications institutionnelles plus ambitieuses.

Dans la lignée des recommandations du rapport des cinq présidents, les propositions de la Commission européenne se concentrent sur la modernisation du semestre européen, la mise en place de nouveaux organes consultatifs - autorités nationales de la productivité et Comité budgétaire européen - et la représentation de la zone euro au sein des institutions financières internationales.

Favorables à un approfondissement de l'Union économique et monétaire, vos rapporteurs estiment que celui-ci doit notamment permettre de clarifier les procédures associées à la gouvernance de la zone euro, afin qu'elles soient mieux comprises par le citoyen. Au-delà, il s'agit de permettre à la zone euro de se doter de structures renforçant tout à la fois sa visibilité et sa légitimité démocratique, tout en la dotant de moyens adaptés pour faire face à un nouveau choc économique. C'est dans ce cadre qu'ils ont analysé les propositions de la Commission européenne. Un travail sur la phase II de l'approfondissement sera mené ultérieurement en commun avec la commission des finances.

I. UN CADRE DE RÉFLEXION : LE RAPPORT DES CINQ PRÉSIDENTS

Le président de la Commission européenne et ses homologues du Conseil européen, de l'Eurogroupe, de la Banque centrale européenne et du Parlement européen ont présenté, le 22 juin 2015, un rapport sur l'avenir de la gouvernance de la zone euro « Compléter l'Union économique et monétaire ». Ce document répond aux conclusions du sommet de la zone euro, organisé en octobre 2014, qui invitait à une coordination plus étroite des politiques économiques afin d'assurer le bon fonctionnement de la zone euro. Le rapport dit des cinq présidents s'appuie, en outre, sur trois autres documents :

- le rapport dit des quatre présidents « Vers une véritable Union économique et monétaire » présenté le 26 juin 2012 ;

- la communication de la Commission européenne présentée le 28 novembre 2012 « Projet détaillé pour une union économique et monétaire, véritable et approfondie » ;

- la note d'analyse du 12 février 2015 sur la préparation des prochaines étapes de l'amélioration de la gouvernance de la zone euro.

Il prend également en compte les discussions approfondies avec les États membres et la société civile.

A. PRINCIPES ET CALENDRIER

Le rapport des cinq présidents reprend le constat d'une construction inachevée, la crise ayant permis à l'Union économique et monétaire de se doter de nouveaux mécanismes sans pour autant que soient totalement consolidées ses fondations. Le principal enjeu tient en effet toujours à la capacité de la zone à pouvoir absorber des chocs économiques, ce qui passe par un partage des risques entre États. Une première étape a été franchie avec le lancement de l'Union bancaire, partage des risques privé, qui doit prévenir le risque d'une déstabilisation des établissements financiers, à l'image de ce qu'ont connu récemment Chypre, l'Espagne ou l'Irlande. Il s'agit désormais d'aller plus loin et de viser à moyen terme un renforcement du partage des risques public, par l'intermédiaire d'un mécanisme de stabilisation budgétaire couvrant l'ensemble de la zone euro. La nécessité d'un tel dispositif est d'autant plus aiguë que la possibilité d'utiliser la politique budgétaire à des fins contracycliques diverge d'un État membre à un autre, ce qui ne participe pas de l'objectif initial poursuivi par la monnaie unique : la convergence économique.

Le rapport décline quatre pistes de travail pour parvenir tout à la fois à une plus grande solidarité entre États membres de la zone euro et à la convergence des économies de celle-ci :

- l'Union économique ;

- l'Union financière, fondée à la fois sur l'Union bancaire et l'Union des marchés de capitaux ;

- l'Union budgétaire, conçue comme un instrument de stabilisation et de viabilité budgétaires ;

- l'Union politique, envisagée comme une assise aux trois autres et reposant sur le principe de responsabilité démocratique.

Ces quatre Unions sont interdépendantes. Elles impliquent inévitablement un partage de souveraineté accru. Il importe, pour les cinq présidents, de dépasser le stade de la coopération ou de la coordination, ce qu'est, pour l'heure, le Pacte de stabilité et de croissance. Les États doivent accepter qu'un certain nombre d'éléments de leurs budgets nationaux et de leurs politiques économiques fassent de plus en plus l'objet d'une prise de décision conjointe. Il s'agit, de la sorte, de parvenir à un certain degré de partage des risques public. Celui-ci ne peut néanmoins exister que s'il est accompagné d'un renforcement de la participation et de responsabilités démocratiques, tant au niveau national qu'au niveau européen.

Pour aboutir à la mise en place de ces quatre Unions, le rapport des cinq présidents distingue deux phases :

- La première, qui a débuté le 1 er juillet 2015, devrait se terminer le 30 juin 2017. Elle devrait constituer un « approfondissement [de l'Union économique et monétaire] par la pratique ». Il s'agit, pour les États membres, d'utiliser les instruments existants et d'exploiter au mieux les traités afin de stimuler la compétitivité et la convergence structurelle. L'Union financière doit, au cours de cette période, être complétée. Les États et la zone euro doivent se doter, dans le même temps, de politiques budgétaires responsables. La première phase est également dédiée au volet démocratique.

- La seconde phase vise à l'achèvement de l'Union européenne, avec la mise en oeuvre de mesures de « grande ampleur » entre le 1 er juillet 2017 et 2025. Des critères de convergence, contraignants et revêtant un caractère juridique, devraient être adoptés au cours de cette période. Le respect de ces critères doit constituer une des conditions pour qu'un État membre puisse participer au mécanisme d'absorption des chocs qui serait institué au cours de cette période. Les étapes de cette phase devraient être détaillées dans un livre blanc de la Commission européenne, préparé par un groupe d'experts et qui sera rendu public au printemps 2017.

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