PREMIÈRE PARTIE - UN CADRE DE GESTION RIGIDE REPOSANT SUR LA DÉFINITION D'OBLIGATIONS HEBDOMADAIRES DE SERVICE SE TRADUISANT PAR UNE ALLOCATION INEFFICIENTE DES MOYENS D'ENSEIGNEMENT

I. UN CADRE LONGTEMPS FIXÉ PAR DES DÉCRETS DE 1950 ET DE 1992 EN DÉCALAGE AVEC LA RÉALITÉ DU MÉTIER D'ENSEIGNANT

La question des heures supplémentaires est indissociable de celle, plus générale, du temps de travail des enseignants.

Aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'éducation, « l'année scolaire comporte trente-six semaines au moins réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes ».

L'activité d'enseignement, répartie entre ces trente-six semaines de classes, prend la forme d'obligations règlementaires de service (ORS) fixées sur une base hebdomadaire par catégorie d'enseignant, voire par discipline. Les obligations règlementaires de service reposent sur une logique strictement calendaire ne prenant en compte ni les variations d'intensité qui peuvent être constatées au cours de l'année scolaire ni le volume d'heures défini pour chaque discipline par les programmes scolaires.

A. JUSQU'EN 2014, DES OBLIGATIONS HEBDOMADAIRES DE SERVICE NE PRENANT EN COMPTE QUE LES SEULES ACTIVITÉS D'ENSEIGNEMENT...

1. Un temps de travail défini sur une base hebdomadaire

Jusqu'en 2014, les obligations règlementaires de service des enseignants faisaient l'objet d'un encadrement règlementaire défini par quatre textes :

- le décret n° 50-581 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel enseignant des établissements d'enseignement du second degré ;

- le décret n° 50-582 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service hebdomadaire du personnel des établissements publics d'enseignement technique ;

- le décret n° 50-583 du 25 mai 1950 portant règlement d'administration publique pour la fixation des maximums de service des professeurs et des maîtres d'éducation physique et sportive, titulaires et délégués.

- le décret n° 92-1189 du 6 novembre 1992 relatif au statut particulier des professeurs de lycée professionnel.

Ces différents textes fixaient les maximums hebdomadaires de service à :

- 18 heures pour les enseignants certifiés et les professeurs de lycée professionnel ;

- 15 heures pour les enseignants agrégés ;

- 20 heures pour les professeurs d'éducation physique et sportive certifiés et 17 heures pour les agrégés ;

- 36 heures pour les professeurs documentalistes.

Par ailleurs, les professeurs en classe préparatoire aux grandes écoles (CPGE) étaient soumis à un régime horaire spécifique, qui dépendait de la nature de l'enseignement, du concours préparé et de l'effectif de la classe .

Maximums de service des enseignants en classe préparatoire aux grandes écoles

Discipline

Concours préparé

Effectif

Maximum de service

Mathématiques, sciences physiques et sciences naturelles

École normale supérieure

Plus de 35 élèves

8 heures

De 20 à 35 élèves

9 heures

Moins de 20 élèves

10 heures

École centrale des arts et manufactures, École navale, École de l'air, écoles nationales supérieures d'ingénieurs, institut national agronome, autres CPGE

Plus de 35 élèves

9 heures

De 20 à 35 élèves

10 heures

Moins de 20 élèves

11 heures

Philosophie, lettres, histoire et géographie, langues vivantes

Premières supérieures

Plus de 35 élèves

8 heures

De 20 à 35 élèves

9 heures

Moins de 20 élèves

10 heures

Lettres supérieures, classes préparatoires aux Écoles normales supérieures, École nationale des Chartes

Plus de 35 élèves

9 heures

De 20 à 35 élèves

10 heures

Moins de 20 élèves

11 heures

Source : commission des finances du Sénat

Les heures éventuellement effectuées au-delà des maximums de service faisaient l'objet d'une rémunération sous la forme d'heures supplémentaires, d'indemnités spécifiques ou pouvaient ouvrir droit à des décharges d'activité (cf. infra ).

2. Une définition des missions des enseignants restrictive se limitant au « face-à-face pédagogique »

Le cadre règlementaire fixé par les quatre décrets précités apparaissait particulièrement restrictif dans la mesure où il ne se référait qu'aux seules heures d'enseignement « classiques », c'est-à-dire aux activités de « face-à-face pédagogique » .

Ces dispositions entraient, par conséquent, en contradiction avec la définition des missions des enseignants prévue par l'article L. 912-1 du code de l'éducation, qui rappelle que « les enseignants sont responsables de l'ensemble des activités scolaires des élèves. Ils travaillent au sein d'équipes pédagogiques. [...] Les enseignants apportent une aide au travail personnel des élèves et en assurent le suivi. Ils procèdent à leur évaluation . Ils les conseillent dans le choix de leur projet d'orientation en collaboration avec les personnels d'éducation et d'orientation. Ils participent aux actions de formation continue des adultes et aux formations par apprentissage . Ils contribuent à la continuité de l'enseignement sous l'autorité du chef d'établissement en assurant des enseignements complémentaires ».

De même, le champ des missions fixé par les statuts propres à chaque corps d'enseignant apparaissait beaucoup plus large que celui prévu par les décrets de 1950 et de 1992 précités. Ainsi, le décret n° 72-581 relatif au statut particulier des professeurs certifiés prévoit qu'ils « participent aux actions d'éducation, principalement en assurant un service d'enseignement dans les établissements du second degré et dans les établissements de formation. Dans ce cadre, ils assurent le suivi individuel et l'évaluation des élèves et contribuent à les conseiller dans le choix de leur projet d'orientation ».

Ce décalage entre les obligations règlementaires de service fixées par les décrets de 1950 et de 1992 et les missions dévolues aux enseignants par le code de l'éducation et les statuts de chaque corps d'enseignant était doublement dommageable : d'une part, car il revenait à ne reconnaître qu'une partie des missions exercées par les enseignants et, d'autre part, car l'exercice d'autres activités entrant pourtant dans le champ des missions « normales » des enseignants dépendait, dans une large mesure, de la bonne volonté des professeurs concernés, le chef d'établissement n'étant pas en mesure d'en imposer la réalisation.

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