Jean-Louis BILLOËT, Président du groupe INSA

Pendant des années, j'ai entendu de nombreuses personnes dire que le Maroc avait besoin de la France. C'est dorénavant l'inverse. Nous devons donc réinventer notre relation avec le Maroc, le Maghreb et l'Afrique. Je remercie le Ministre de l'éducation, Lahcen Daoudi, et la Ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, Geneviève Fioraso pour leur action afin d'inscrire l'INSA au coeur de l'Université Euro-Méditerranéenne de Fès. Nous avons repensé intégralement ce premier Institut Euro-Méditerranée de Technologie afin de lancer un concept novateur qui ne peut être dupliqué en France. Dans le cadre de ce projet, nous avons su réunir un certain nombre de partenaires mais nous devons encore progresser en nous posant des questions fondamentales. Quel ingénieur, demain, pourra participer au développement de l'espace euro-méditerranéen ? La première promotion marocaine de l'INSA, il y a deux ans, a accueilli 50 % de femmes alors qu'en France leur proportion n'est que de 32 %.

Sur le plan culturel, nous avons fait découvrir la médina de Fès à certains étudiants fassis qui ne l'avaient jamais visitée. Ces jeunes ont donc réfléchi à leur histoire et, plus largement, à celle de l'espace euro-méditerranéen.

Enfin, des moyens doivent être alloués à ces projets novateurs. Les financeurs qui jugent la durée de mise en place de tels projets trop longue doivent accepter de prendre des risques. L'INSA a mis trente ans pour atteindre son positionnement actuel. Il est donc important de laisser le temps nécessaire à ces projets d'envergure pour qu'ils puissent réussir, sinon nous céderons le terrain à l'obscurantisme et à tous ceux qui prônent le repli sur soi.

II. Synthèse et mise en perspective

Marianne de BRUNHOFF, Déléguée aux relations européennes et internationales et à la coopération du Ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche

Nos deux pays ont des ambitions communes portées au sein d'instances de dialogue partagées. Le Maroc et la France agissent ensemble au sein des mêmes instances internationales (UNESCO, Organisation internationale de la Francophonie, CONFEMED) pour préparer notre jeunesse au monde de demain.

Nos deux pays sont engagés, chacun au niveau national, dans un processus de réforme et d'adaptation de leur système éducatif et universitaire aux évolutions du monde afin de donner les moyens à notre jeunesse de répondre aux défis à venir. La loi d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République du 8 juillet 2013 a fixé un cadre permettant d'assurer la réussite de tous les élèves dans une logique d'école inclusive, en travaillant sur un nouveau socle commun de connaissances, de compétences et de culture.

La réforme du collège de 2016 s'appuie sur l'ensemble de ces orientations. L'apprentissage des langues vivantes et des cultures associées constitue un axe fort. L'enjeu de cette réforme est de former des citoyens ouverts sur le monde qui les entoure, la culture, les arts et le monde économique. Nous sommes entrés dans l'ère du numérique. Ce formidable outil d'accès au savoir fait donc l'objet d'un plan développé au niveau de notre système scolaire. Concernant l'enseignement et la recherche, nous sommes engagés dans une réforme majeure pour favoriser l'employabilité et l'insertion professionnelle des jeunes. C'est notamment l'objectif de la réforme des universités qui permet leur regroupement en Communauté d'universités et établissements (COMUE) afin de mieux former les étudiants.

Le Maroc est également engagé dans une vaste réforme éducative visant à ouvrir et améliorer la scolarité pour le plus grand nombre. Au niveau de l'enseignement supérieur marocain, la France a à coeur d'accompagner, sur le territoire marocain, la structuration d'une offre de formation adaptée aux évolutions socio-économiques du pays. La coopération franco-marocaine se caractérise par l'extrême diversité de ses champs, la multiplicité de ses acteurs, une longue tradition d'échange et une collaboration scientifique intense, notamment au travers du Partenariat Hubert Curien (PHC). Il permet aux deux pays de soutenir ensemble la formation d'une centaine de doctorants ainsi que 280 mobilités de chercheurs chaque année.

Quelles perspectives s'ouvrent à nous aujourd'hui ? Nous sommes confrontés à de nouveaux défis :

? mieux orienter et guider les diplômés de l'enseignement supérieur français qui souhaitent contribuer au développement des secteurs économiques porteurs au Maroc, en favorisant leur mise en relation avec les entreprises qui investissent dans ce pays ;

? contribuer au développement d'une offre de formation d'excellence en renforçant le réseau d'établissements d'enseignement supérieur présents au Maroc et ayant de forts liens avec la France ; en soutenant le dispositif de classes préparatoires aux grandes écoles qui a permis à 800 Marocains d'être admis dans une grande école française en 2016 ; en développant une offre de formation de techniciens et techniciens supérieurs au service des entreprises ;

? favoriser l'accès au savoir du plus grand nombre depuis le pays de résidence en travaillant sur la numérisation de nos systèmes de formation. À cet égard, la création de la plateforme Maroc Université Numérique en partenariat avec France Université Numérique (FUN) offre de belles perspectives en matière de co-construction de formations pour les étudiants de demain.

Nous espérons que nos coopérations contribueront à la mise en oeuvre de la stratégie d'éducation de l'Union Africaine pour 2015-2025. Enfin, nous travaillons étroitement ensemble afin de développer une offre de langues diversifiée. L'enseignement de l'arabe en France et du français au Maroc repose sur différents dispositifs que nous avons à coeur de faire évoluer afin qu'ils correspondent aux attentes de nos jeunes. La maîtrise de plusieurs langues, comme vous l'avez rappelé, est gage d'ouverture culturelle, de meilleure compréhension du monde et d'attachement à nos valeurs de liberté des deux côtés de la Méditerranée.

Rachid BENMOKHTAR, Ministre de l'éducation nationale et de la formation professionnelle

Je félicite les acteurs présents pour les projets et actions menés. Le Maroc est engagé dans une réforme ambitieuse qui visent à remédier aux carences de notre système d'éducation que nous critiquons très fortement. Pour la première fois, cette critique ne s'est pas arrêtée au diagnostic mais a fait l'objet d'une analyse approfondie sur le terrain et au niveau institutionnel. Une enquête sur le terrain, menée auprès de 70 000 enseignants, de parents et d'autres acteurs, a permis d'identifier les principaux axes d'amélioration à court et moyen terme et de définir des mesures prioritaires en réponse aux préoccupations exprimées. Plus de 92 % des 103 000 acteurs sur le terrain ont validé nos propositions. S'agissant des mesures à prendre sur le long terme, le Conseil supérieur a réfléchi à des objectifs en matière d'éducation à l'horizon 2015-2030.

Parallèlement, j'ai engagé avec l'Académie marocaine des Sciences et Techniques, une réflexion sur l'avenir de l'éducation. Celle-ci repose sur cinq socles :

? l'appartenance : un jeune Marocain doit se situer par rapport à son origine, son pays, le monde où il vit et son univers pour qu'il puisse comprendre les défis actuels de notre planète et les autres cultures ;

? la science : l'enfant doit acquérir le savoir avec des approches différentes qui utilisent les NTIC de manière naturelle. Il est également nécessaire d'introduire la recherche plus en amont du parcours scolaire et pas uniquement au niveau de l'enseignement supérieur ;

? le capital social : celui-ci doit être développé en fonction de la culture du pays et s'inscrire dans une logique de groupe afin que ce collectif devienne un agent de développement. L'école actuelle produit l'effet inverse car en s'adressant aux élèves individuellement, elle les empêche de travailler collectivement ;

? l'individu : il doit prendre conscience de son être, de sa responsabilité et apprendre à gérer sa santé et ses relations avec les autres ;

? le développement humain, économique et durable.

La réforme comporte 22 projets dont 16 purement éducatifs et 6 visant le rapprochement de la formation avec le monde de l'entreprise.

La langue française devient obligatoire à partir de la première année de l'enseignement primaire et la langue anglaise à partir de la 4 ème année. L'enseignement au collège et au lycée sera bilingue arabe-français. Les élèves auront la possibilité de choisir une autre langue en plus de l'anglais au niveau de l'enseignement secondaire. L'amazighe deviendra également obligatoire à partir de l'enseignement primaire.

Pour le français, nous avons lancé le programme « apprendre autrement » qui intègre le primaire, le collège et le secondaire. Les premières évaluations des établissements pilotes sont très encourageantes. Il sera généralisé à l'ensemble des écoles à partir de 2017. Par ailleurs, les centres d'épanouissement reçoivent les élèves de différentes écoles et organisent des ateliers en arts plastiques, histoire, théâtre, musique, langues étrangères, communication et design animés par des professionnels de ces secteurs. Ces centres en cours de création sont présents dans l'ensemble des académies. L'Institut français participe également à ce projet.

La qualité de l'enseignement est une dimension très importante. S'agissant des sciences, l'enseignement des mathématiques au niveau du primaire et du collège a fait l'objet d'une révision. Celle-ci sera menée ultérieurement pour le lycée. La méthode d'apprentissage par l'erreur a ainsi été développée afin de dynamiser le corps enseignant. Par ailleurs, une coopération très forte avec l'Agence française de développement (AFD) est prévue dans les instituts de formation aux métiers de l'industrie (automobile, énergies renouvelables). De nouveaux enseignements ont été introduits notamment l'Histoire de la Méditerranée.

Table ronde 1

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