CONCLUSION GÉNÉRALE

André AZOULAY, Conseiller de Sa Majesté le Roi

Je souhaiterais vous faire part de ma fierté et de mon bonheur d'être marocain après avoir revisité ce Maroc avec chacun d'entre vous dans un discours empreint de lucidité et de détermination. Si nous n'avions pas su résister à cette culture du repli qui envahit nos rivages, je n'aurais pas osé exprimer cette fierté. Compte tenu des menaces qui pèsent sur le monde que nous laisserons à nos enfants, je souhaite porter ce témoignage car il provient d'un espace qui est celui de l'Islam. Cet Islam est trop souvent mis en scène, commenté, analysé, ostracisé et stigmatisé. Dans l'espace qui est le mien car je ne suis pas musulman mais marocain, je suis âgé d'un peu plus de 3 000 ans car je suis porteur d'une grande histoire. Dans le cadre de cette histoire, mon pays a fait le choix singulier, pas toujours compris, d'additionner toutes les civilisations qui l'ont enrichi et les cultures qui l'ont façonné. Il y a six ans, les Marocains ont adopté une Constitution, la seule au monde qui indique, dans son préambule, que le Maroc d'aujourd'hui a été modelé par la grande civilisation amazighe, la civilisation juive, la grande civilisation arabo-musulmane, l'Andalousie et notre africanité. Nous n'avons rien laissé sur le bord de la route car, pour la plupart d'entre nous, nous l'avons voulu. Il s'agit d'une réalité que nous devons rappeler, à chaque occasion, face à cette tendance générale à l'amnésie.

La ville d'Essaouira-Mogador a été oubliée après avoir connu une destinée formidable. Après avoir eu le privilège d'être nommé conseiller de Sa Majesté le Roi en 1991, j'ai pensé, en premier lieu, à ma ville. Nous avons donc entrepris une expérience exceptionnelle en réalisant un métissage des valeurs et cultures afin de l'aider à renaître. Aujourd'hui, Essaouira est probablement l'une des villes du Maroc qui accueille le plus de festivals. En 1991, cette ville comptait 6 hôtels. A présent, ils sont au nombre de 300. Il y a 25 ans, la majeure partie des Marocains ne s'était jamais rendue à Essaouira.

Nous avons réalisé ce chemin grâce à la culture. La culture est belle sous toutes ses facettes et ne peut être comprise uniquement dans sa seule dimension esthétique et émotionnelle. La culture permet d'être très exigeant et d'apporter des réponses que la politique n'est pas en mesure de donner. A Essaouira, la musique a été le premier signal de la liberté, de l'altérité, de la diversité et de l'universalité. Grâce à cette expérience, le Maroc et Essaouira sont devenus une sorte de navire amiral de l'art de tous les possibles et incarnent un espace de résistance pour tous ceux qui tournent le dos à la modernité alors que l'ensemble de la gouvernance mondiale ne peut apporter de réponses aux défis inimaginables auxquels nous sommes confrontés notamment après les drames contemporains que nous avons vécus, en l'occurrence le nazisme.

Dans cette avalanche de tragédies que nous lisons chaque jour, gardez en mémoire, lorsqu'on vous parle du monde arabe et de la civilisation musulmane, l'exemple du Maroc pour vous mobiliser et dissiper ces vents mauvais. Tout ce qui a été dit aujourd'hui est le fruit de la vision de Sa Majesté le Roi dans un consensus national dont il faut prendre la juste mesure et dans le cadre d'une mobilisation de notre société civile qui me réconforte et me donne toutes les raisons d'espérer.

Xavier DARCOS, Membre de l'Académie française, ancien Ministre de l'éducation nationale

Vous avez raison de dire qu'il faut concevoir la culture comme l'antidote à tous les malheurs du monde d'aujourd'hui. Le Maroc qui a su être accueillant envers ses diverses composantes culturelles a échappé au sort de ses voisins. Au Maroc, ce qui m'a frappé lors des dîners, c'est qu'on ne se couche pas car on ne cesse de discuter et d'échanger sur le fonctionnement de nos deux pays. Cette conscience formidable de la dialectique est la conscience de l'altérité. Avec quel pays pourrions-nous organiser ce type de colloque et entendre ce niveau de maîtrise de la langue française, cette subtilité dans l'expression et cette connaissance fine des dispositifs du monde éducatif et des exigences de la société moderne en matière de formation ?

La progression très rapide des connaissances représente un véritable défi comme l'a souligné Mme Tazi. L'idée que nous pourrions, chacun de notre côté, construire notre propre système est aujourd'hui irrecevable. La connaissance et le savoir sont aujourd'hui universels. Nous sommes donc condamnés à cette entente dans le domaine de la formation. Tout cela n'est rien sans le partage, par les individus, d'un humanisme et d'une conception de l'Homme.

Le Maroc est tourné vers la Méditerranée et adossé à cet immense continent africain. Les élites sub-sahariennes ont besoin de ce lieu de passage et de se confronter à cette limite qu'est le sud de la méditerranée. Les intellectuels, les journalistes et les jeunes artistes du continent africain se sont donnés pour mission de s'approprier leur patrimoine culturel et religieux pour la transformer en instrument de dialogue avec des cultures différentes. Au-delà de ce face-à-face amoureux en matière de savoir et de culture, nous avons tout intérêt à ce que le Maroc et l'Europe restent fortement liés car ils représentent un lieu de médiation entre deux mondes qui pourraient, sans cela, s'affronter.

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