C. LE PRÉLÈVEMENT À LA SOURCE DE L'IMPÔT SUR LE REVENU PAR LES PLATEFORMES : UNE SOLUTION ÉCARTÉE À CE STADE

1. La réforme prévoyant le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu n'a pas de conséquence pour le dispositif proposé

Le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu , prévu par l'article 60 de la loi de finances pour 2017 76 ( * ) et dont l'application est, dans le droit actuel, prévue à compter du 1 er janvier 2018, est neutre pour le dispositif proposé .

En effet, à la différence de l'impôt dû sur les traitements, salaires, pensions et revenus de remplacement, l'impôt dû au titre des revenus des activités non salariées ou des revenus fonciers ne peut pas être collecté par des tiers et devra, dès lors, être payé selon des modalités spécifiques. L'impôt sur les revenus de l'année en cours fera donc l'objet d'acomptes, calculés par l'administration sur la base des revenus de l'année précédente 77 ( * ) , et payés mensuellement ou trimestriellement par prélèvement bancaire.

Dans ce cadre, les revenus perçus par l'intermédiaire de plateformes en ligne ne présentent - et ne demandent - aucune spécificité par rapport aux autres revenus d'activités indépendantes ou revenus fonciers. Une fois versés par la plateforme sur le compte bancaire de l'utilisateur, ils seraient soumis au prélèvement bancaire, calculé sur la base de l'ensemble des revenus des professions non salariées (après application de l'abattement forfaitaire de 3 000 sur la part de ces revenus issue des plateformes).

La seule particularité, d'ampleur très limitée, pourrait être la variabilité plus importante des revenus issus de plateformes en ligne, s'ils correspondent à des activités accessoires ou occasionnelles (location d'une voiture etc.). Ceci pourrait conduire le contribuable à demander plus souvent la modulation du montant de ses acomptes 78 ( * ) , prévue par la réforme, mais puisqu'il s'agit de revenus accessoires, il n'est même pas certain que cela soit nécessaire. Quant aux professionnels présents sur les plateformes en ligne, par exemple les chauffeurs VTC ou les travailleurs indépendants présents sur des plateformes comme Hopwork ou Stootie , la réforme adoptée l'année dernière serait sans impact sur eux.

2. Faire des plateformes les collecteurs de l'acompte : une fausse bonne idée

Il est vrai que le recours par un travailleur indépendant à une plateforme en ligne introduit une spécificité : la présence d'un intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur, qui propose une mise en relation mais aussi, bien souvent, un service de paiement.

Dans la mesure où l'opérateur de plateforme en ligne connaît, en temps réel et à l'euro près , le montant des revenus bruts versés à l'utilisateur, qu'il doit d'ailleurs lui rappeler sous la forme d'un récapitulatif annuel (article 242 bis du code général des impôts) et bientôt déclarer à l'administration fiscale, il pourrait être envisagé de lui confier, aussi, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu .

Cette solution, évoquée à plusieurs reprises lors des auditions du groupe de travail, n'apparaît toutefois pas opportune :

- premièrement , en admettant que les plateformes disposent du taux d'imposition à appliquer, elles ne pourraient pas pour autant déterminer si le contribuable franchit le seuil de 3 000 euros proposé par le groupe de travail, et le cas échéant à quel moment, compte tenu de la possibilité d'une activité sur plusieurs plateformes. Or le montant de l'impôt dépend de l'application de cet abattement 79 ( * ) ;

- deuxièmement, en cas d'option pour le régime réel au lieu du régime micro-fiscal , il reviendrait à la plateforme de déduire le montant des charges supportées par le contribuable, ce qui ajoute à la complexité ;

- troisièmement, le prélèvement à la source pourrait produire de nombreuses erreurs du fait des caractéristiques de l'économie collaborative, par exemple le prélèvement de l'impôt sur un revenu relevant in fine d'une vente d'occasion ou d'un partage de frais ;

- quatrièmement, surtout, la déclaration automatique offre déjà une fiabilité très grande : les risques de fraude sont extrêmement minces , pour un dispositif beaucoup moins intrusif, coûteux et complexe à mettre en oeuvre.

Pour l'ensemble de ces raisons, il apparaît que la seule déclaration automatique des revenus est préférable à une collecte à la source de l'impôt sur le revenu .

3. Une exception : le versement libératoire de l'impôt sur le revenu des micro-entrepreneurs

Ceci dit, le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu par les plateformes serait techniquement possible dans un cas : celui des micro-entrepreneurs ayant opté pour le versement libératoire de l'impôt sur le revenu , et donné mandat à la plateforme de prélever à la source le montant des cotisations et contributions sociales, en application du régime de déclaration et de prélèvement automatiques créé par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 (cf. supra ). Dans la mesure où l'impôt sur le revenu est dans ce cas payé en même temps que les cotisations sociales, au taux fixe de 1 % (marchandises BIC), de 1,7 % (services BIC) ou de 2,2 % (services BNC), cette opération ne pose techniquement aucun problème, et constitue même un service à l'utilisateur .

A contrario , le fait que la loi ne prévoie pas actuellement cette possibilité prive de fait les micro-entrepreneurs présents sur les plateformes en ligne de choisir à la fois le prélèvement automatique et le prélèvement libératoire. La proposition du groupe de travail répond donc à un objectif de simplification .

Proposition n° 9

Pour les utilisateurs ayant le statut de micro-entrepreneur, et avec leur accord, permettre aux plateformes de collecter non seulement cotisations et contributions sociales, mais aussi le prélèvement libératoire à l'impôt sur le revenu.

Enfin, si les revenus tirés de l'économie collaborative devaient faire l'objet d'un prélèvement forfaitaire libératoire, une collecte à la source par les plateformes deviendrait envisageable. Ceci dit, pour les raisons exposées supra , tenant au principe constitutionnel d'égalité devant l'impôt, le groupe de travail a écarté cette solution.


* 76 Article 60 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 77 Plus précisément, le montant de l'acompte de l'année N sera calculé en septembre de l'année N-1, en fonction des revenus de l'année N-2 déclarés au printemps de l'année N-1.

* 78 En cas de changement de situation conduisant à une variation prévisible de l'impôt significative, le contribuable pourra, s'il le souhaite, demander sur impots.gouv.fr une modulation en cours d'année du montant de l'acompte.

* 79 Il convient de noter que ce problème se poserait même si la proposition du groupe de travail n'était pas adoptée, car il existe déjà un abattement forfaitaire de 305 euros dans le cadre du régime micro-fiscal. Les revenus issus de plateformes collaboratives étant souvent modestes, il ne serait pas prudent de présumer que ce seuil est systématiquement franchi.

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