EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 4 juillet 2017, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission a entendu une communication de M. Serge Dassault, rapporteur spécial, sur les risques financiers liés à la remontée des taux d'intérêt .

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Ce rapport a bien sûr été préparé avant la déclaration de politique générale du Premier ministre devant l'Assemblée nationale. Permettez-moi de dire que j'ai été déçu : de nombreuses annonces sont faites, mais personne n'indique comment elles seront financées ! Ce n'est certes pas nouveau, mais on aurait pu espérer mieux...

Le seul élément que je retiens de cette déclaration, c'est l'affirmation selon laquelle nous dansons sur un voælcan. Je suis entièrement d'accord : à cause du risque permanent d'augmentation des taux d'intérêt, nous sommes en permanence sous la menace d'une grave crise de nos finances publiques. Le report de la réforme de l'impôt sur la fortune (ISF) est regrettable : cet impôt - qui rapporte peu - est antiéconomique et fait partir les investisseurs français et étrangers. Repousser cette réforme pour économiser quelques milliards me paraît incompréhensible : n'y a-t-il pas d'autres mesures à envisager qui permettraient de limiter nos dépenses, en particulier concernant les dépenses d'intervention de l'État comme le RSA ?

La France est dans une situation économique et financière catastrophique : notre dette atteint 2 220 milliards d'euros, qui s'accroit chaque année en raison de notre déficit budgétaire. Nous empruntons chaque année 200 milliards d'euros par an, pour financer le déficit et les échéances de nos emprunts. Je vous rappelle que, pour les entreprises, il est interdit d'emprunter pour rembourser les intérêts de prêts contractés dans le passé : cela s'appelle de la cavalerie et mène droit à la faillite.

La fiscalité est trop élevée et démotivante, les charges sur les salaires trop lourdes et la durée du travail non compétitive, ce qui entraine une faible croissance, un chômage récurrent et aggravent notre déficit.

Les taux d'intérêt, aujourd'hui encore très faibles à moins de 1 %, permettent à la France de s'endetter à faible coût, sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires. La charge de la dette annuelle, une dépense incompressible, s'élève à 42 milliards d'euros en 2017 : c'est donc un des budgets les plus importants de l'État.

Une augmentation des taux d'intérêts nous obligera à emprunter chaque année une somme encore plus élevée et conduira à faire croître la charge de la dette. Si cette situation perdure, elle fragilisera les finances publiques françaises et aggravera d'autant le déficit budgétaire. Bruxelles observe d'ailleurs la France avec inquiétude...

Il faut rappeler que la faiblesse des taux d'intérêt observée aujourd'hui n'est pas liée à l'action de nos précédents gouvernements qui ont tous mené une politique budgétaire déséquilibrée avec des dépenses excédant largement les recettes. Le déficit budgétaire pour 2017 présente d'ailleurs, comme la Cour des comptes l'a montré, un fort risque de dépasser 3 % du PIB.

Pire, ils ont pris de grands risques avec un État providence qui nous ruine. Nous n'avons plus les ressources fiscales nécessaires pour financer les dépenses de fonctionnement et d'intervention.

L'emprunt n'est pas un puits de pétrole inépuisable où l'on peut se servir quand on en a besoin. Le puits sera rapidement vide dès que les investisseurs, avant tout opportunistes, n'auront plus confiance dans la qualité de la signature de la France et que les taux remonteront. Ils ont déjà exprimé des incertitudes. La situation est très grave.

Par exemple, dans le cas d'une augmentation de taux de 2 points de pourcentage, l'augmentation de la charge de la dette dépasserait 9 milliards d'euros dès la deuxième année et s'élèverait à plus de 21 milliards d'euros dans cinq ans. Elle passerait de 42 milliards à 63 milliards !

Alors, que faire ?

La seule façon de réduire notre déficit budgétaire et les risques qui lui sont liés serait de changer totalement notre fiscalité en s'inspirant du système de « flat tax », c'est-à-dire de taxe à taux unique le plus vite possible.

Si le nouveau gouvernement conserve la fiscalité actuelle, qui bloque toute possibilité de croissance, alors le déficit budgétaire ne diminuera pas et les risques liés à l'augmentation des taux d'intérêts seront très importants.

En appliquant trois taux constants, faibles, sur l'assiette de la contribution sociale généralisée (CSG), suivant le niveau de revenus, on supprimerait totalement l'impôt sur le revenu actuel, avec une partie de ses niches. Le taux serait nul pour les plus faibles revenus. Le taux maximal s'élèverait à 25 %. Cela augmenterait le pouvoir d'achat de nombreux ménages, leur permettant d'investir davantage dans l'économie et donc de soutenir la croissance.

En élargissant l'assiette et en baissant les taux, on se rapproche de certaines recommandations du Premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, concernant le rapprochement de l'impôt sur le revenu et de la CSG.

Ainsi, au lieu d'avoir une fiscalité excessive et paralysante qui oblige l'État à créer des niches fiscales toujours plus nombreuses, qui atteignent aujourd'hui 90 milliards d'euros, tous les contribuables disposeront de moyen financiers pour satisfaire leurs besoins et l'État bénéficiera de revenus supplémentaires.

Grâce à la suppression des niches fiscales, le gouvernement pourra ramener les impôts sur les bénéfices des entreprises, sur les dividendes et les plus-values à 20 %, ce qui contribuera aussi au développement de l'économie.

L'État pourrait également obtenir des recettes supplémentaires en vendant les participations qu'il détient dans un certain nombre de sociétés privées. Ces participations atteignent près de 100 milliards et elles ne sont pas, pour la plupart, pertinentes.

En suivant ces quelques pistes, le Président de la République pourrait disposer, pour le budget 2018, de recettes supplémentaires lui permettant de réduire les impôts et de cesser la baisse des dotations aux collectivités territoriales, enclenchant un cycle vertueux de reprise de la croissance. À cet égard, la suppression de la taxe d'habitation est une très mauvaise idée : elle priverait les collectivités locales de ressources indispensables à leur bon fonctionnement.

Ce sont des propositions que je porte depuis longtemps et j'espère que le nouveau Gouvernement comprendra enfin ces arguments de bon sens.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - La création annoncée tout à l'heure par le Premier ministre d'un prélèvement sur le capital, de l'ordre de 30 %, se rapproche d'une flat tax .

Il existe par ailleurs des exigences constitutionnelles de progressivité de l'impôt, que la proposition de Serge Dassault respecte puisqu'elle repose sur trois taux.

M. Claude Raynal . - Je constate que vous avez fortement élargi le champ de votre contrôle, portant sur le risque de remontée des taux. Je ne m'y attendais pas totalement. Il y a des choses sur lesquelles nous ne pouvons pas vous suivre, comme la mise sur un même plan de l'ISF et du RSA.

Je suis toutefois d'accord avec vous sur un sujet précis : je confirme que les deux discours que nous avons entendus, aujourd'hui et hier, n'ont eu aucun contenu.

Il serait impossible de rentrer dans le détail de tous les sujets que vous avez évoqués. S'agissant toutefois des participations de l'État, il y a des cas dans lesquels elles ont du sens. Lorsqu'il s'agit, par exemple, de sauver l'entreprise Peugeot ou de trouver des solutions pour la relancer sans perdre le contrôle national, l'intervention de l'État peut se justifier, surtout lorsque les familles d'actionnaires sont déficientes, ce qui arrive parfois. Nous pourrions citer bien d'autres exemples.

Concernant les taux d'intérêt, la situation n'est pas si catastrophique que cela. Elle est difficile, je le reconnais, mais la question fondamentale est celle du lien entre la remontée des taux et l'inflation. S'il y a une franche remontée des taux dans un contexte de reprise de l'inflation, les problèmes sont moins graves. Je trouve que la façon dont les taux remontent, progressivement et avec des efforts, de la part des banques centrales, pour mieux informer les marchés, dissipe - pour le moment - le risque que vous mettez en avant. En outre, il faut, en France, sept à huit ans pour que cette hausse des taux se répercute sur l'ensemble du stock de dette. Vous avez raison de vous pencher sur ce sujet, mais il ne faut pas sonner le tocsin : la remontée des taux par elle-même n'est pas forcément dramatique. Il faut regarder les choses sans catastrophisme.

M. Marc Laménie . - Avez-vous quantifié l'impact, en milliards d'euros, d'une augmentation possible des taux ?

M. Michel Canevet . - Je remercie le rapporteur de nous avoir rappelé la situation préoccupante des finances publiques. Claude Raynal ne la juge pas catastrophique, mais lorsque la dette publique approche 100 % du PIB, la situation paraît quand même alarmante.

Y a-t-il encore des investisseurs qui prêtent à la France à des taux négatifs ?

Par ailleurs, j'ai bien entendu les propositions du rapporteur, mais je m'inquiète du niveau de la dette et du déficit budgétaire. Une diminution des recettes ne risquerait-elle pas de les aggraver ? Certains peuvent considérer que le Président de la République n'a rien dit lundi devant le Congrès, mais il a tout de même évoqué l'objectif de porter les dépenses militaires à 2% du PIB. Le rapporteur souscrit-il à cet objectif ?

M. Bernard Lalande . - Je ne suis pas particulièrement surpris par la tonalité de ce rapport. Néanmoins je pense que gouverner, c'est avant tout assurer à tous une vie de dignité et d'égalité, ce qui n'empêche pas les talents de pouvoir s'exprimer, et la possibilité de vivre dans un pays de liberté.

Pour en revenir aux taux d'intérêt, j'ai entendu que le Gouvernement souhaitait stabiliser la dépense publique. Mécaniquement, cela se traduira par des économies si la dépense publique est stabilisée. Par ailleurs, s'il est évident que la dette et le poids des intérêts doivent diminuer, il conviendrait de redistribuer cette économie à ceux qui en ont le plus besoin sur notre territoire. Or le rapporteur nous propose de consacrer cette économie à des baisses d'impôt.

M. Serge Dassault , rapporteur spécial . - Les taux d'intérêt pourraient augmenter de manière soudaine et abrupte en raison d'un mouvement de défiance des investisseurs, ce qui serait très grave. Le risque politique est une composante essentielle de l'évolution des taux d'intérêt, comme nous avons pu le voir lors de la campagne pour les élections présidentielles cette année. Les investisseurs étaient très inquiets de l'élection possible de candidats représentant des partis extrêmes.

Par ailleurs, si j'entends les remarques de certains, mais il n'en reste pas moins que l'État ne fait pas d'économies ! Certes, la suppression de certaines dépenses ne sera pas agréable pour tout le monde, mais il faut aussi que les gens se responsabilisent et qu'ils travaillent. À quoi cela rime-t-il de payer des gens qui ne travaillent pas ? Beaucoup de personnes qui bénéficient d'aides sociales ne cherchent pas d'emploi - et certains viennent même de l'étranger pour bénéficier de ces allocations.

Les investisseurs s'inquiètent... Cela fait des années que l'on nous promet que tout va s'arranger !

La réduction des impôts aura un effet vertueux sur l'activité et la croissance, et donc sur les embauches. La France sera beaucoup plus attractive avec un système fiscal moins lourd. C'est le cas à Dubaï : il n'y a quasiment pas d'impôt et une croissance extraordinaire ! Car l'argent est réinvesti dans l'économie.

M. Bernard Lalande . - Je ne pense pas qu'il suffise de ne pas payer d'impôt pour que les gens vivent bien. J'ai constaté que les pays dans lesquels on paie le moins d'impôts sont ceux dans lesquels le peuple vit le moins bien. Il doit y avoir un juste milieu entre l'impôt et le bonheur et la dignité des peuples.

La commission a donné acte de sa communication à M. Serge Dassault, rapporteur spécial, et en a autorisé la publication sous la forme d'un rapport d'information.

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