C. LES RÉFORMES ENGAGÉES SUR LES PLANS FINANCIER ET COMPTABLE DOIVENT ÊTRE MENÉES À BIEN

1. L'apurement des impayés, une priorité mise en avant par la Cour des comptes

L'ANR est confrontée, depuis plusieurs années, à des difficultés d'apurement de ses engagements anciens , antérieurs à l'année 2010 . Il s'agit là d'un problème qui nuit à la crédibilité de l'agence et pèse sur ses relations avec les porteurs de projets .

En outre, la forte diminution , depuis trois ans, de la trésorerie disponible de l'agence , pilotée désormais en flux tendu (voir supra ), a rendu indispensable un travail de fiabilisation des prévisions de décaissement liées à la mise en oeuvre de cet apurement .

À cet effet, une mission d'audit conjointe pour l'analyse des encours d'engagement a été effectuée au deuxième semestre 2015 par l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche (IGAENR) et le contrôle général économique et financier (CGEFi).

Ses préconisations ont permis à l'agence de disposer d'une méthode d'apurement des millésimes les plus anciens (soit entre 2005 et 2010) et d'une proposition de rythme d'apurement au regard d'une première estimation de l'encours . Il s'agit là d'un dispositif dérogatoire qui s'applique aux aides accordées par l'ANR sur des crédits inscrits à son budget pour les années 2005, 2006, 2007, 2008, 2009 et 2010 et qui implique de modifier les règlements financiers en vigueur de 2006 à 2010.

Sur la base de ces préconisations, l'ANR a défini, en lien avec le ministère, un plan d'apurement intégré dans son contrat d'objectif et de performance et qui a été adopté en conseil d'administration fin 2016 .

Il prévoit sur quatre ans , de 2016 à 2020, l'apurement des engagements résiduels antérieurs à 2010 , à travers un rapprochement des dettes et créances des principaux bénéficiaires et une procédure accélérée de traitement des dossiers par édition.

Le ministère effectue dans ces conditions, en liaison avec la direction du budget, un suivi régulier avec l'agence de la conduite du plan d'apurement et de son impact dans les prévisions de décaissement .

Recommandation n° 10 : mener à bien l'apurement des impayés de l'agence , en particulier pour la période antérieure à 2010.

2. Le nouveau règlement financier de l'Agence nationale de la recherche devrait notamment permettre d'adapter la notion de préciput aux règles budgétaires françaises

Depuis de nombreuses années, les universités et les organismes de recherche demandent un relèvement du préciput qui leur est versé lorsque leurs équipes de chercheurs obtiennent des financements de l'Agence nationale de la recherche.

Le préciput est un mécanisme financier dont le but est d'encourager les organismes de recherche à se porter candidats à des appels à projets compétitifs . Il consiste à réserver systématiquement une partie des crédits obtenus par une équipe de chercheurs au financement des frais de fonctionnement de l'organisme qui abritera leurs recherches .

Le préciput est ainsi censé permettre aux établissements bénéficiaires d'amplifier le cercle vertueux qui leur a permis de faire émerger et de soutenir des projets scientifiques de haut niveau.

L'article L. 329-5 du code de la recherche prévoit bien qu'« une partie du montant des aides allouées par l'Agence nationale de la recherche dans le cadre des procédures d'appel d'offres revient à l'établissement public ou à la fondation reconnue d'utilité publique dans lequel le porteur du projet exerce ses fonctions ».

Malheureusement, dans la majorité des cas, le montant du préciput versé par l'ANR ne couvre pas l'intégralité des frais de fonctionnement pris en charge par l'organisme d'accueil de l'équipe qui a remporté l'appel d'offres 11 ( * ) : il s'élève seulement à 15 % des financements versés en faveur des projets de recherche de l'ANR , alors que les programmes européens prévoient un préciput de 25 % 12 ( * ) , un ratio conforme aux meilleures pratiques internationales.

Les universités et les organismes sont donc conduits à puiser dans leurs subventions pour charges de service public afin d'assumer les coûts induits supplémentaires inhérents aux projets de recherche lauréats . Cette situation fragilise l'équilibre financier des établissements et obère le financement d'actions de formation et le financement de base des laboratoires et des équipements.

Une telle situation n'incite pas suffisamment les organismes de recherche à se porter candidats aux appels à projets compétitifs de l'ANR et, lorsqu'ils les remportent, leur pose de sérieuses difficultés de gestion .

Votre rapporteur spécial considère donc que le préciput devrait rapidement être porté à hauteur de 20 % des financements sur projets accordés par l'ANR , afin de permettre à notre pays d'adopter pleinement un mode de financement qui a fait ses preuves dans les autres pays industrialisés.

Pour tenir compte de ce problème, le règlement financier de l'ANR relatif à l'attribution des aides a été modifié le 2 décembre 2016 .

La prise en charge de l'ANR se décline désormais selon deux modalités :

- l'ANR verse pour les projets sélectionnés dans le cadre de sa programmation un préciput aux établissements hébergeant les équipes lauréates dont le montant forfaitaire est fixé à 11 % des aides attribuées ; il est versé l'année suivant le début du projet ;

- une partie des frais de gestion des organismes et d'environnement des équipes de recherche imputables au projet peut figurer parmi les dépenses éligibles . Pour les bénéficiaires financés à coût marginal, ces frais correspondent, dans la limite du plafond d'aide accordé, à un forfait de 8 % des dépenses éligibles réalisées hors frais généraux ou d'environnement .

Cette disposition, appliquée aux appels à projets pour les bénéficiaires financés à coût marginal, (établissements d'enseignement supérieur et de recherche et organismes de recherche soumis aux règles de gestion publique), devrait, selon l'ANR, permettre d'améliorer les taux de couverture des coûts indirects et de se rapprocher des standards européens .

Il s'agit là d'un impératif, qui ne doit pas se faire au détriment de l'amélioration des taux de sélection des projets , qui nécessite elle aussi des moyens supplémentaires.

Recommandation n° 11 : consentir encore un effort pour rapprocher le préciput versé par l'ANR des standards européens .

Il faut noter que la refonte du règlement financier mentionnée supra a également visé à simplifier sa structure et à proposer des mesures permettant aux chercheurs d'en avoir une meilleure compréhension .

Il s'agit en particulier d'améliorer la prise en compte des dépenses d'un projet et de simplifier sa présentation , en se basant sur les coûts admissibles au sens du droit européen des aides d'État à la recherche , au développement et à l'innovation .

L'enjeu était également de parvenir à une meilleure définition et à un plafonnement des frais de gestion , ainsi qu'à une adaptation des taux d'intensité des aides en fonction des particularités des bénéficiaires .


* 11 Le montant du préciput est loin de couvrir la charge réelle des frais indirects supplémentaires et inévitables que doit assumer l'hébergeur du projet. Ce constat est largement partagé par les rapports récents des institutions de contrôle de l'utilisation des fonds publics (Cour des comptes, IGAENR, etc.).

* 12 En effet, dans le cadre des financements européens relevant du programme Horizon 2020, les universités et les organismes de recherche reçoivent 100 % des coûts directs éligibles pour leurs projets, ainsi qu'un taux forfaitaire de 25 % pour couvrir les coûts indirects (« overhead »).

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