L'UNIFICATION DES RÈGLES CONCERNANT LES VENTES DE BIENS : UNE BONNE IDÉE SOUS RÉSERVE DE NE PAS AFFAIBLIR LA PROTECTION DES CONSOMMATEURS

Parallèlement à sa proposition sur la fourniture de contenu numérique, la Commission européenne a également présenté une proposition de directive concernant certains aspects des contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens. Ce texte venait à la fois compléter le premier pour couvrir l'ensemble des achats en ligne et la directive de 99/44/CE sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation en ce qui concerne les achats en magasin.

LES PROPOSITIONS DE LA COMMISSION EUROPÉENNE

UNE APPROCHE CIBLÉE SUR CERTAINS ASPECTS DES CONTRATS

Comme la proposition concernant la fourniture de contenus numériques, la proposition de directive sur les contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens avait pour objet d'harmoniser de manière complète certains aspects ciblés des contrats de vente en ligne et de toute autre vente à distance de biens conclus entre le vendeur et le consommateur. En particulier, elle visait des règles concernant la conformité des biens, les modes de dédommagement en cas de non-conformité, les modalités d'exercice correspondantes ainsi que les délais, de deux ans chacun, pour le renversement de la charge de la preuve et de la garantie légale de conformité.

Le texte proposait des critères de conformité auxquels les biens devraient satisfaire : des exigences objectives de conformité et une exigence supplémentaire en ce qui concerne les droits de tiers et ceux fondés sur la propriété intellectuelle. Il énumérait les modes de dédommagement et l'ordre dans lequel le consommateur pourrait y prétendre : d'abord la réparation ou le remplacement (au choix) dans un délai raisonnable, puis la réduction du prix ou la résiliation du contrat si le défaut de conformité ne peut être supprimé par la réparation ou le remplacement. Le consommateur aurait le droit de suspendre l'exécution de ses obligations jusqu'à la mise en conformité du bien, et le vendeur aurait l'obligation de récupérer à ses frais les biens remplacés. Il serait en outre soumis à un certain nombre d'obligations et notamment la charge de la preuve de l'absence de défaut de conformité pour une période de deux ans. Ce délai s'appliquerait aussi à la validité du droit à un dédommagement.

Enfin, un pas serait franchi pour mettre fin à la fragmentation du marché : contrairement à la directive de 1999 qui est d'harmonisation minimale, la proposition de directive serait, à l'image de celle concernant la fourniture de contenus numériques, d'harmonisation maximale. En conséquence, les États membres ne pourraient non seulement proposer à leurs consommateurs des garanties plus fortes, mais ils devraient en outre renoncer à des garanties existantes en ce sens. Enfin, la nouvelle directive abrogerait celle de 1999.

Face à cette évolution conséquente, le Conseil a estimé manquer d'éléments d'analyse. Aussi, alors que débutaient les discussions sur la proposition concernant la fourniture de contenus numériques, une évaluation était menée par la Commission européenne dans le cadre de l'exercice « Mieux légiférer » (REFIT dans son acronyme anglais), dont les résultats ont été publiés en mai 2017.

VERS UN RÉGIME UNIFIÉ DES VENTES DE BIENS : LA FIN DE LA DISTINCTION VENTE EN LIGNE/HORS LIGNE

Lors d'une réunion informelle du Conseil « Justice et affaires intérieures » le 7 juillet 2017, les représentants des États membres ont fait part de leurs réserves quant à la multiplication des règles concernant les ventes. La même réflexion a été faite au Parlement européen où une étude a conclu à la nécessité de disposer de règles cohérentes pour toutes les ventes.

De fait, si la réforme proposée par la Commission était adoptée en l'état, trois régimes juridiques différents se seraient appliqués en même temps avec un texte pour les ventes de biens en magasin, la directive de 1999, un texte couvrant les ventes de biens en ligne, et un texte réglementant la fourniture de contenu numérique.

C'est pourquoi la Commission européenne a présenté une nouvelle proposition visant, cette fois, certains aspects de l'ensemble des contrats de vente, texte enregistré à la Présidence du Sénat le 8 novembre 2017.

Cette simplification est nécessaire. L'un des objectifs des propositions de la Commission européenne est de simplifier la vie des entreprises dans le marché unique. Il convient de ne pas remplacer la fragmentation territoriale par une fragmentation par l'objet du contrat (bien ou contenu numérique) ou par le canal (en magasin ou en ligne) de vente. De même, il sera plus aisé pour le consommateur de connaître ses droits, quand bien même il faut tenir compte des spécificités de chaque objet et de chaque canal de vente.

À titre d'exemple, en cas de non-conformité du bien, la proposition révisée propose un alignement de la durée de la charge de la preuve pour le fournisseur sur la durée de la garantie légale, qui est de deux ans. Comme indiqué précédemment, en ce qui concerne la fourniture de contenu numérique, il est actuellement proposé un renversement de la charge de la preuve au bout d'un an. Si alignement des règles il doit y avoir, il serait bon qu'il se fasse sur la base de ce qui est le plus protecteur pour les consommateurs, c'est-à-dire un délai de deux ans.

À défaut, le consommateur français connaîtrait un véritable abaissement de sa protection, ce qui n'est pas acceptable. Or, cette menace existe du fait de la volonté de la Commission européenne d'introduire une harmonisation maximale des règles.

Page mise à jour le

Partager cette page