II. DES RELATIONS CONTRACTUELLES ASSAINIES

Le caractère indispensable du recours, par les hôteliers, aux plateformes de réservation en ligne a eu pour effet de mettre certains d'entre eux dans une situation de dépendance à l'égard de géants du net les amenant à s'engager dans des contrats d'adhésion, à l'image d'un consommateur à qui l'on impose ses conditions.

A. FACE AUX CLAUSES DE PARITÉ LIANT LES HÔTELIERS AUX PLATEFORMES DE RÉSERVATION HÔTELIÈRE...

L'attention des pouvoirs publics s'est focalisée sur les clauses dites de parité, qui exigent des hôteliers de bénéficier d'un tarif, de disponibilités et de conditions commerciales (conditions de réservation, inclusion ou non d'un petit-déjeuner, accès à une salle de sport, un spa...) au moins aussi favorables que celles proposées sur les plateformes concurrentes et sur l'ensemble des autres canaux de distribution .

Comme l'a souligné l'Autorité de la concurrence 40 ( * ) , de telles clauses avaient pour effet de :

- réduire la concurrence entre les plateformes ;

- constituer une barrière à l'entrée pour les plateformes souhaitant entrer sur le marché ;

- réduire la liberté des offreurs d'hébergement touristique dans la fixation de leurs prix, de leurs conditions et de leurs disponibilités 41 ( * ) .

B. ...LES POUVOIRS PUBLICS ONT ENTENDU RÉTABLIR DES CONDITIONS ÉQUITABLES DE CONCURRENCE.

1. En 2015, l'Autorité de la concurrence a permis aux hôteliers de retrouver une liberté tarifaire, de condition et disponibilité.

Dès 2013, la Commission d'examen des pratiques commerciales avait rendu un avis défavorable aux clauses de parité, sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce 42 ( * ) .

En avril 2015, l'Autorité de la concurrence, saisie par les principaux syndicats hôteliers français et le groupe Accor, a accepté les engagements pris par Booking, sur une durée de cinq ans, de modifier ses conditions contractuelles.

Elle a exigé la suppression de :

- toute obligation de parité tarifaire à l'égard des autres plateformes , de manière à ce que les hôtels puissent désormais pratiquer des tarifs plus bas que ceux affichés sur Booking avec les autres plateformes de réservation en ligne ;

- la clause de parité tarifaire à l'égard de l'ensemble des canaux de distribution des hôtels, à l'exception de la commercialisation sur son propre site internet ou sur une application mobile dédiée, ainsi que pour les programmes de fidélité ;

- des obligations de parité de conditions ;

- de toute obligation de parité des disponibilités , Booking s'engageant à faire figurer, lorsque son site affiche des informations relatives à la disponibilité ou au nombre de chambres disponibles à la réservation dans un hébergement, la mention « sur ce/notre site », afin d'éviter que les consommateurs ne pensent que plus aucune chambre n'est disponible sur l'ensemble des canaux.

Elle a également exigé la possibilité pour les hôtels de recontacter les clients antérieurs , c'est-à-dire des clients ayant déjà séjourné dans l'hébergement (ou dans un hébergement appartenant à la même chaîne) au moins une fois, quel que soit le mode de réservation utilisé pour le précédent séjour, y compris via Booking.

L'objectif de l'autorité était de dynamiser la concurrence entre plateformes et de donner aux hôteliers un contre-pouvoir en améliorant leur liberté commerciale et tarifaire, tout en préservant le modèle économique des OTA.

Suite à ces engagements de Booking, Expedia a, de façon volontaire, pris les mêmes engagements dans tous les pays d'Europe.

L'interdiction des clauses de parité tarifaires pour n'autoriser que les clauses de parité dites « restreintes », c'est-à-dire permettant aux hôteliers de pratiquer des tarifs inférieurs sur leurs autres canaux de distribution à l'exception de leurs propres canaux dont les tarifs sont publiés en ligne, est la solution la plus généralement adoptée par les autorités de concurrence européennes 43 ( * ) .

2. La loi sur la croissance et l'égalité des chances économiques a entendu aller plus loin.

L'article 133 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015 a créé les articles L. 311-5-1 à L. 311-5-4 du code du tourisme, réunis au sein d'une sous-section 2 de la section 1 du chapitre premier du titre premier du livre trois, intitulée « des rapports entre les hôteliers et plateformes de réservation en ligne » 44 ( * ) .

Il a ainsi imposé le mandat comme cadre contractuel obligatoire, sous peine d'une amende de 30 000 à 150 000 euros, sur le modèle de la réglementation des relations entre agence de publicité et annonceurs introduite par l'article 20 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques.

Surtout, le législateur a entendu aller plus loin que l'Autorité de la concurrence, en interdisant toute clause de parité tarifaire, y compris celles interdisant aux hôteliers de pratiquer des prix différents sur leurs propres sites ou sur leur application mobile.

Comme le souligne l'Autorité de la concurrence 45 ( * ) , il convient de noter que la clause de parité restreinte est toujours appliquée par Booking en France dans le cadre de son programme « établissements préférés ».


* 40 Décision de 2015 précitée.

* 41 Booking a néanmoins souligné auprès de vos rapporteurs que les clauses de parités tarifaires ont été historiquement demandés par les hôteliers afin de se prémunir de la vente à perte qu'aurait pu opérer certaines plateformes achetant des chambres en gros pour les revendre à l'unité, ce qui n'est pas le modèle économique de Booking.

* 42 Avis n° 13-10 sur les relations commerciales des hôteliers avec les entreprises exploitant les principaux sites de réservation hôtelière.

* 43 Commission européenne, Report on the monitoring exercise carried out in the online hotel booking sector by EU competition authorities in 2016, avril 2017.

* 44 Cette disposition a été introduire par un amendement du sénateur Jean-Claude Lenoir.

* 45 Bilan de l'efficacité des engagements pris par Booking.com devant l'autorité de la concurrence, publié par celle-ci en février 2017.

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