C. LES MÉDIAS, PARTENAIRES INCONTOURNABLES DE L'ACTION PUBLIQUE

1. Le service public, un partenaire traditionnel à conserver
a) Un partenaire lié aux pouvoirs publics

Les sociétés de l'audiovisuel public Radio France et France Télévisions sont liées au ministère de l'intérieur par conventions, encadrant notamment leur rôle de relais des informations de l'État en cas de crise . Celles-ci prévoient le passage prioritaire à l'antenne de messages d'alerte et d'information rédigés et validés par l'État : nature, imminence de la menace et bons comportements à adopter face à celle-ci.

Le ministère de l'intérieur indique que la révision de la convention-cadre avec France Télévisions est en cours et devrait être signée courant 2018. Celle-ci intègre le réseau Outre-Mer 1 ère , comme les vecteurs numériques du groupe France Télévisions, mais aussi le volet « prévention » lors du lancement des saisons cycloniques outre-mer. Une fois cette convention-cadre aboutie, les préfets pourront localement signer des conventions déclinant les dispositions de communication en situations d'urgence ou de crise.

Il est primordial d' assurer la bonne déclinaison au niveau local des coordinations et coopérations prévues au niveau national, et de faire ainsi travailler directement ensemble l'échelon opérationnel territorial et l'antenne locale de grande écoute.

Un recensement des moyens actuellement utilisés et des besoins en en matière de sensibilisation et d'éducation des populations dans les outre-mer a également été effectué par la direction générale de la sécurité civile et la direction générale des outre-mer en 2016-2017. Un constat de fort attachement aux médias radio a notamment été fait. À la suite de ce travail, il a été porté au programme d'actions 2018 le projet d'une communication utilisant le vecteur des messages et reportages radio adaptés aux risques locaux, qui seraient diffusés sur les différentes stations du réseau Outre-mer 1 ère , en partenariat avec France Télévisions, le groupe ayant donné son accord de principe.

Recommandation n° 58 : Dans le cadre du renouvellement des conventions entre le ministère de l'intérieur (DICOM) et l'audiovisuel public, renforcer l'intégration du réseau outre-mer des « 1 ères » de France Télévisions dans le dispositif national et veiller à des déclinaisons adaptées dans chaque territoire.

Les réseaux des chaînes publiques doivent également être identifiés comme des services prioritaires dans l'immédiat après-crise . Il n'est pas concevable de considérer les médias publics comme des sources prioritaires et incontournables d'information vers lesquelles la population devrait se tourner, sans pouvoir en garantir la diffusion en temps de crise.

Le retour d'expérience de l'ouragan Irma a montré les difficultés d'intervention des équipes de TDF pour le rétablissement des antennes à Saint-Martin et Saint-Barthélemy : la diffusion des antennes radio et télévisions de Guadeloupe 1 ère a ainsi été interrompue deux à trois jours sur Saint-Martin. Ces difficultés ont été d'ordre matériel mais aussi, pour beaucoup, d'ordre humain , avec l'impossibilité d'envoyer une équipe sur place, alors que l'ouragan José menaçait également les Antilles : le directeur du pôle outre-mer de France Télévisions estimait ainsi que le rétablissement de la diffusion aurait pu être opéré dès le 7 septembre, lendemain de la chute de l'antenne de Pic Paradis. D'un point de vue matériel, les stations devraient à l'avenir être davantage dotées en moyens de liaison et connexion satellitaires et que des installations « en kit » seraient déployables pour rétablir plus rapidement le service, sous réserve de l'acheminement du personnel.

Recommandation n° 59 : Assurer une capacité de rétablissement rapide de possibilités de diffusion radiophonique sur les territoires, notamment par le biais d'antennes provisoires.

b) Des plateformes d'information publique dans l''urgence : le cas de la radio Urgence info Îles du Nord

Si Radio France n'est pas l'opérateur historique de radiodiffusion outre-mer - les chaînes « 1 ères » de France Télévisions étant à la fois présentes à la télévision et à la radio -, le groupe et ses équipes se sont fortement mobilisés durant l'ouragan Irma.

L'idée d'une radio d'urgence, sur le modèle d'une radio éphémère comme celle réalisée durant le séisme de 2010 à Haïti, a émergé très vite en interne, le projet se concrétisant ensuite en collaboration avec France Télévisions et le ministère de l'intérieur.

L'envoi in situ d'une équipe était hors de portée et le choix d'émettre depuis Paris a été présenté comme une force, cette diffusion rendant plus visible encore le drame en cours. Les programmes ont été assurés durant 12 jours, du 10 au 22 septembre, en continu , par des équipes bénévoles. Cette expérience a été vécue comme l'exercice d'une réelle mission de service public et il convient de saluer et de valoriser cette initiative.

M. Étienne Guffroy, directeur adjoint en charge de l'offre éditoriale de France info, indiquait 78 ( * ) devant la délégation que le numérique avait été un levier pour faire connaître la radio à son lancement. Radio France a ainsi « diffusé en numérique et mis le flux sur Facebook Live et Periscope afin d'atteindre le plus de personnes possible », M. Étienne Guffroy soulignant que , « même l'émetteur rétabli, il n'y avait aucune certitude sur la qualité du signal et la connaissance par la population de l'existence de la radio - France inter n'étant pas la première radio sur le territoire ». Il est nécessaire que les stations du service public audiovisuel soient mieux identifiées par la population comme des repères en cas de crise majeure, alors même qu'elles sont gage d'une information fiable .

La vocation de la radio d'urgence était de permettre la diffusion d'informations très concrètes à l'égard des populations sinistrées. Les informations utiles pour répondre aux besoins urgents , comme les supermarchés encore accessibles pour le ravitaillement en produits de première nécessité, étaient ainsi relayées. Elle a également permis de donner la parole à des habitants, servant de relais dans l'hexagone aux habitants de Saint-Martin. Les programmes ont été réalisés en trois langues, français, anglais et créole , afin d'atteindre une cible large et de s'adapter à la population saint-martinoise.

Le traitement de l'urgence par le service public et la diffusion de messages gouvernementaux se sont faits dans le respect de l'indépendance de la radio, comme l'a souligné M. Étienne Guffroy.

Déroulé de la diffusion de la radio « Urgence info Îles du Nord »

- 8 septembre : projet d'une radio d'urgence éphémère,

- 9 septembre milieu de journée : réunion entre Radio France et la DICOM, identification de la problématique technique posée pour la réalisation du projet ; décision de diffuser en numérique et sur la fréquence de France inter aux Antilles,

- 9 septembre soir : équipes de Radio France prêtes à émettre, difficultés techniques sur place d'intervention sur l'émetteur,

- 10 septembre : annonce de la radio par le ministre de l'intérieur, début de la diffusion à 16 h 30 heure de Paris, soit 11 h 30 heure locale,

- 15 septembre : redémarrage de l'émetteur de Saint-Barthélemy,

- vendredi 22 septembre à minuit heure locale : fin de la diffusion après rétablissement des réseaux sur place.

Source : Audition de Radio France par la délégation sénatoriale aux outre-mer le 13 mars 2018

Les rapporteurs tiennent à souligner la solidarité et l'engagement des équipes de Radio France , avec France Télévisions, aux côtés des populations locales dans cette crise, et l'effort de diffusion en différentes langues, au plus proche des réalités.

Dans la logique de ce qui a pu être fait durant Irma, M. Walles Kotra, directeur du pôle outre-mer de France Télévisions, a enfin indiqué le développement depuis la station de Guadeloupe d'une plateforme numérique « Urgences 1 ères » . Celle-ci aurait vocation à réunir toutes les informations, les expertises, les reportages et les études concernant les phénomènes climatiques, cyclones mais aussi les tremblements de terre. Il conviendra d'assurer une bonne promotion de cette plateforme.

Recommandation n° 60 : Promouvoir l'écoute des fréquences de référence du service public en cas d'événement naturel majeur.

2. Les médias locaux, précieux relais à privilégier
a) Des médias de proximité, souvent amateurs, très mobilisés

Les médias nationaux ont une audience relative dans les territoires ultramarins, en raison d'habitudes différentes mais, surtout, en raison des décalages horaires , sans évoquer ici par surcroît le problème de visibilité des outre-mer dans les médias.

La presse locale est plus réactive et plus proche dans ses sujets des habitants des territoires ; elle a une audience bien supérieure aux quotidiens nationaux. Il en va de même d'un point de vue télévisuel avec une place prépondérante des chaînes « 1 ères » : le journal télévisé du soir de Guadeloupe 1 ère réalise une audience de près de 70 % par exemple, en faisant un rendez-vous médiatique incontournable.

Il faut en outre prêter une attention particulière au paysage radiophonique . Alors que le service public réalise de très fortes audiences en télévision, les radios commerciales sont très écoutées dans les outre-mer. C'est le cas par exemple de Radio Caraïbes International, dans les Antilles, ou de Radio Freedom à La Réunion. À celles-ci s'ajoutent de nombreuses radios amateurs , avec des audiences non négligeables, parties intégrantes de la vie locale.

Les médias territoriaux sont très mobilisés en cas d'aléa naturel. Lors de l'arrivée de cyclones, les bulletins cycloniques des « 1 ères » sont des points forts d'information des populations. De manière symbolique, RCI se rebaptise même parfois sur ses antennes « radio cyclone international ».

Si, lors du passage d'Irma, les médias locaux disposaient, à Saint-Martin par exemple, de moyens réduits et contraints par les dégâts causés par l'ouragan, les journalistes, rédacteurs et animateurs de radio locaux n'en étaient pas moins localement très motivés pour assurer le lien avec la population.

b) ... à mieux associer

La presse locale a fait état de difficultés à accéder aux informations et aux responsables locaux et nationaux . Cette situation n'est pas satisfaisante, comme évoqué précédemment dans ce rapport : les médias sont des partenaires de la gestion de crise, en amont comme en aval .

Surtout, cette situation a également été soulignée lors de la venue du Président de la République, du Premier ministre et de membres du Gouvernement dans les semaines suivant l'ouragan : la presse nationale avait des accès que la presse locale n'a pas eus. Un sentiment fort de relégation à l'arrière-plan des médias locaux a été ressenti, et ce malgré les efforts de certains services préfectoraux. Il est nécessaire de reconnaître à la presse locale le statut qu'elle assume au quotidien de lien fort avec les populations, au plus proche du terrain . Elle doit à ce titre être pleinement associée aux déplacements gouvernementaux sur les territoires, surtout dans de tels cas.


* 78 Audition du 13 mars 2018.

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