II. UNE ORGANISATION MULTI-ACTEURS REPOSANT SUR UN TISSU ASSOCIATIF DENSE QUI A DÛ S'ADAPTER À LA MISE EN oeUVRE DU FONDS EUROPÉEN D'AIDE AUX PLUS DÉMUNIS (FEAD)

L'aide alimentaire, en France, repose sur une multiplicité d'acteurs - dont un tissu associatif très dense ( cf. schéma infra ). La mise en place du FEAD dans ce paysage de l'aide alimentaire a constitué un vrai changement de paradigme dans la gestion de ce dispositif, auquel tous les acteurs ont dû s'adapter.

Principaux acteurs de l'aide alimentaire en France

Source : commission des finances du Sénat

La gestion opérationnelle du FEAD est donc un élément clé dans l'organisation de l'aide alimentaire en France, qui repose essentiellement sur un modèle associatif fondé sur le bénévolat.

A. UN PILOTAGE CENTRALISÉ ET UNE EXÉCUTION DÉCENTRALISÉE REPOSANT SUR UN SECTEUR ASSOCIATIF DENSE MAIS FRAGILISÉ

1. Une gestion opérationnelle renouvelée pour la mise en place du FEAD

La mise en oeuvre du FEAD a imposé de nouvelles obligations aux acteurs gérant l'aide alimentaire , conduisant ainsi à la mise en place d'une nouvelle gestion opérationnelle du dispositif.

Tout d'abord, le passage du PEAD au FEAD a signifié un changement majeur, la gestion du programme passant d'une politique agricole à une politique sociale . Ce changement structurel s'est donc traduit dans le pilotage de cette politique en France : d'abord pilotés par le ministère de l'Agriculture et en particulier la Direction générale de l'alimentation (DGAL), les fonds européens liés à l'aide alimentaire sont - depuis la mise en oeuvre du FEAD - gérés par les ministères sociaux, en l'occurrence aujourd'hui le ministère des Solidarités et de la Santé, et notamment la DGCS.

Par ailleurs, dans sa gestion, le FEAD a été assimilé aux fonds structurels, ce qui a également conduit à l'instauration de nouvelles obligations pour les acteurs nationaux . Afin de répondre aux exigences européennes, la France a ainsi dû produire, dès 2014 , deux documents : le programme opérationnel (PO) et le descriptif des systèmes de gestion et de contrôle (DSGC) et mettre en place une procédure de certification des dépenses.

Nouvelles obligations imposées aux autorités nationales
par le règlement du FEAD

- La rédaction d'un programme opérationnel (PO) : le document présente les axes du programme et les caractéristiques des opérations financées au niveau national.

- La mise en place d'un système de gestion de contrôle par le biais du « descriptif des systèmes de gestion et de contrôle » (DSGC) présentant l'ensemble des procédures de suivi, de contrôle et de prévention des risques.

- L'établissement d'une procédure de certification des dépenses .

Source : commission des finances du Sénat

Ces nouvelles obligations se sont traduites, sur le plan institutionnel, par la désignation d'autorités françaises de gestion, d'audit et de certification ( cf . schéma infra ).

Mise en oeuvre du FEAD en 2014 :
une nouvelle architecture institutionnelle nationale

Source : commission des finances du Sénat

Principales étapes de la mise en oeuvre du FEAD en France

- 24 octobre 2012 : publication d'une proposition de règlement portant création du FEAD, sur la base de l'article 175 du TFUE ;

- 11 mars 2014 : parution du Règlement européen n°223/2014 relatif au FEAD ;

- 31 Juillet 2014 : validation, par la Commission européenne, du programme opérationnel de la France ;

- 10 Avril 2015 : validation par la Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) du DSGC - prévoyant la désignation de l'autorité de gestion et de l'autorité de certification - à la suite de son audit de décembre 2014 ;

- 20 août 2015 : Notification de ces désignations à la Commission européenne.

Source : DGCS

a) La DGCS, nouvelle autorité de gestion succédant à la DGAL

La DGCS, en tant qu'autorité de gestion, pilote la mise en oeuvre du fonds. Elle définit, formalise et actualise en tant que de besoin les procédures relatives à la mise en oeuvre du programme opérationnel et s'assure de leur bonne application dans la durée.

• Sur le plan opérationnel , la DGCS lance les travaux préparatoires à la passation des appels d'offres, met en place les conventionnements, participe à la sélection des associations habilitées à bénéficier du fonds, au choix des denrées, supervise l'exécution et le contrôle des campagnes d'achat de denrées et, le cas échéant, intervient pour répondre aux difficultés, imprévus ou arbitrages éventuels.

Sur le plan opérationnel, il convient également de noter que la DGCS collabore avec la DGAL, qui exerce encore plusieurs missions dans le cadre du FEAD. Ainsi la DGAL participe aux procédures d'habilitation et à l'appel à candidatures pour sélectionner les associations bénéficiaires du FEAD. Elle co-pilote également le processus de choix des denrées achetées, co-rédige les fiches nutritionnelles de chaque produit qui sont ensuite jointes aux appels d'offres et gère les crises sanitaires. Le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation est également le ministère de tutelle de FranceAgriMer, l'organisme intermédiaire. Par ailleurs, en dehors de la gestion du FEAD, il pilote également la lutte contre le gaspillage alimentaire participant ainsi à la politique publique de l'aide alimentaire.

• Sur le plan budgétaire , la DGCS assure le suivi de la maquette financière, créé les outils et met en place les circuits nécessaires à la certification des dépenses à intégrer dans un appel de fonds.

• S'agissant des tâches propres à la gestion d'un fonds communautaire , la DGCS organise la gouvernance et la comitologie avec les différentes parties prenantes du programme, assure la veille juridique en lien avec la Commission européenne, supervise les réponses aux audits, met en place le système de contrôle interne et de gestion des risques, ainsi que le système d'évaluation et de suivi du programme.

La DGCS supervise FranceAgriMer , établissement public à caractère administratif rattaché au ministère de l'Agriculture, à qui elle a délégué une partie de la gestion du fonds.

b) FranceAgriMer, organisme intermédiaire

FranceAgriMer a ainsi été désigné « organisme intermédiaire », mais également « organisme bénéficiaire » en lieu et place des associations pour limiter les risques financiers ; les associations étant considérées comme bénéficiaires uniquement pour le forfait des dépenses de transport et de stockage à hauteur de 5 % des denrées distribuées.

• FranceAgriMer est en charge de la passation des marchés publics d'achat de denrées pour le compte des associations d'aide alimentaire sélectionnées en tant qu'organisations partenaires du FEAD ;

• Il assure le suivi de l'exécution du marché , le contrôle des fournisseurs sélectionnés (contrôles documentaires et physiques dans les usines de fabrication et sur prélèvements en entrepôts), ainsi que le paiement des fournisseurs sur attestation de service fait ;

• Il réalise les contrôles sur place auprès des associations d'aide alimentaire pour s'assurer du respect des règles de gestion et de distribution des denrées FEAD aux bénéficiaires finaux ;

• Il réalise les contrôles de service fait (CSF) communautaires , outils de certification des dépenses nécessaires à toute demande de remboursement auprès de la Commission européenne.

c) La Direction générale des finances publiques (DGFiP), autorité de certification

La DGFiP - par le biais du Pôle national de certification des fonds européens (PNCFE) - a ainsi été désignée comme autorité de certification . Ce pôle est implanté auprès de la Direction régionale des finances publiques de Loire-Atlantique (DRFIP) et mobilise 0,5 ETP.

Ce pôle exerce les missions de certification identiques à celles réalisées pour le FEDER et le FSE . Il veille ainsi au respect des conditions posées par les règlements européens et les instructions nationales pour garantir la fiabilité des données déclarées à la Commission européenne dans les demandes de paiement et dans les comptes annuels.

Ce pôle exerce ainsi un contrôle de conformité exhaustif sur les certificats de service fait (CSF) transmis par FranceAgriMer afin de s'assurer de la fiabilité des données transcrites dans le système informatique . Afin de garantir l'éligibilité et la réalité des dépenses déclarées, le pôle met en oeuvre sur la base d'un échantillon de CSF sélectionnés, des contrôles approfondis sur le risque et des contrôles qualité certification. Ces contrôles sont effectués sur pièces et portent principalement sur :

- l'éligibilité des projets cofinancés ;

- l'éligibilité des dépenses au regard de la réglementation communautaire et nationale et notamment de la conformité des dépenses au projet initial, leur paiement effectif ainsi que l'exactitude des calculs de liquidation ;

- la vérification des cofinancements et l'élimination des sur-financements.

Une fois ces contrôles effectués, cette autorité de certification réalise et transmet à la Commission européenne les demandes de remboursement et des « comptes annuels » retraçant notamment le montant des dépenses éligibles déclarées et des corrections financières appliquées au cours de l'exercice comptable écoulé.

d) La Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC), autorité d'audit

La Commission interministérielle de coordination des contrôles (CICC) a logiquement été désignée autorité d'audit, puisque l'étant déjà pour les autres fonds structurels européens.

La CICC, un organisme méconnu mais aux pouvoirs importants

Outre le FEAD, cette commission est autorité d'audit pour le Fonds social européen (FSE), le Fonds européen de développement régional (FEDER), le Fonds européen pour la pêche (FEP), le fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE) et les fonds flux migratoires (fonds européen pour l'intégration -FEI-, le fonds européen pour les réfugiés - FER-, le fonds pour les frontières extérieures - FFE-, le fonds européen pour le retour - FR).

La CICC est une commission interministérielle indépendante, dont les membres sont nommés par le Premier ministre, et qui agit de manière collégiale . Elle est présidée par un inspecteur général des Finances. Son collège est composé de membres (un titulaire et un suppléant) de l'Inspection générale de l'administration (IGA), de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS), du Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) et de personnalités qualifiées.

Source : CICC

Au titre de la gestion du FEAD, la CICC doit 36 ( * ) :

- présenter, en début de programmation, à la Commission européenne une stratégie d'audit ;

- réaliser des audits pour s'assurer du bon fonctionnement du système de gestion et de contrôle du programme opérationnel ;

- procéder, tous les ans, à des contrôles d'opérations, sur la base d'un échantillon statistique répondant aux normes d'audit internationales ;

- donner un avis sur les comptes annuels produits par les autorités de gestion et de certification.

La CICC transmet ainsi chaque année à la Commission européenne, un rapport annuel de contrôle et un avis sur les résultats des contrôles et des audits réalisés au cours de la précédente période de 12 mois prenant fin au 30 juin de l'année concernée. Elle présente également à la Commission européenne, au plus tard le 31 mars 2017, une déclaration de clôture et un rapport final de contrôle.

Gouvernance nationale du FEAD et gestion opérationnelle

Source : commission des finances du Sénat

Des comités nationaux et européens structurent la gouvernance du FEAD

Existent, ainsi, les comités nationaux suivants, constitués des principaux acteurs de l'aide alimentaire en France :

Le comité stratégique national (DGCS, FAM, DGFIP, DB, DGAL, SGAE, CGET, DAEI, CICC, CE): il réunit à titre informatif l'ensemble des administrations concernées par la mise en oeuvre du FEAD en France ;

Le comité de programmation (DGCS, DB, DGAL): il examine l'ensemble des projets ou demandes de subvention à l'ordre du jour pour valider la programmation des crédits correspondants ;

Le comité technique (DGCS/FAM) : il permet de coordonner le travail de gestion courante, prendre des décisions pour la gestion du programme et établit un bilan opérationnel régulier.

Le comité de concertation (DGCS, FAM, OP) : il permet des échanges d'information relatifs à la mise en oeuvre du FEAD avec les associations d'aide alimentaire sur l'état d'avancement du programme, et le cas échéant de dialoguer sur les difficultés opérationnelles éventuelles.

Concernant les échanges avec la Commission européenne, l'autorité de gestion est régulièrement invitée aux instances suivantes organisées par l'unité « ESF and FEAD : policy legislation » :

FEAD Expert group : réunion des autorités de gestion sur l'évolution de la règlementation, le bilan opérationnel, l'adoption de guidances etc.

FEAD Evaluation partnership : réunion des autorités de gestion sur l'évaluation à mi-parcours, l'exploitation des données qualitatives transmises dans les rapports annuels d'exécution (RAE) et la consultation des autorités de gestion sur les réflexions post-2020.

Source : DGCS

2. Le secteur associatif, pilier indispensable de la mise en oeuvre de cette politique publique...

Les associations d'aide alimentaire sont responsables de la gestion et de la distribution des denrées aux personnes les plus démunies : le paysage associatif se compose à la fois de grandes associations têtes de réseau composées d'un large réseau d'entrepôts et de centres de distribution implantés en France métropolitaine et le cas échéant en outre-mer, et de petites associations locales indépendantes majoritairement approvisionnées par les banques alimentaires.

Outre les réseaux associatifs, l'aide alimentaire se trouve aussi localement mise en oeuvre par les municipalités via les centres communaux et intercommunaux d'action sociale (CCAS et CIAS), répartis sur l'ensemble du territoire. Chaque commune est libre de décider des formes d'aide alimentaire qu'elle souhaite mettre en place et des conditions d'octroi de cette offre.

a) Un processus d'habilitation nationale et régionale des associations bénéficiaires de l'aide alimentaire

Les structures bénéficiaires de financement au titre de l'aide alimentaire doivent être habilitées soit au niveau national lorsque leur activité est présente dans a minima 9 départements métropolitains et/ou outre-mer, soit au niveau régional . L'instruction nationale des habilitations est faite par la Direction générale de la cohésion sociale (DGCS) et la Direction générale de l'alimentation (DGAL), et la décision fait l'objet d'un arrêté ministériel. Au niveau régional, ce sont les services déconcentrés de l'État (DRAAF / DRJSCS) qui procèdent aux campagnes d'habilitation, et la décision est prise par arrêté préfectoral.

Conditions d'habilitation des associations (décret du 19 janvier 2012)

Art. R. 230-10. La demande d'habilitation mentionnée à l'article L. 230-6 est adressée soit au ministre chargé de l'alimentation dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 230-11, soit au préfet de région du siège de la personne morale dans les conditions prévues par les dispositions de l'article R. 230-15.
« Art. R. 230-11. Pour être habilitée au niveau national en application de l'article L. 230-6, la personne morale de droit privé doit satisfaire aux conditions suivantes :

« 1° Être une association, une union ou une fédération d'associations ou une autre personne morale de droit privé dont l'activité est à vocation nationale ;

« 2° Disposer d'une équipe nationale permanente de responsables opérationnels ;

« 3° Disposer d'une organisation permettant sur une partie suffisante du territoire :

« a) Soit la distribution de denrées alimentaires aux personnes les plus démunies ;

« b) Soit la fourniture de denrées alimentaires à d'autres personnes morales de droit public ou à des personnes morales de droit privé habilitées assurant la distribution des denrées aux personnes les plus démunies ;

« 4° Justifier d'au moins trois années d'existence ;

« 5° Avoir mis en place des procédures garantissant que les denrées distribuées ou fournies sont conformes aux exigences en vigueur en matière d'hygiène des denrées alimentaires ;

« 6° Assurer la traçabilité physique et comptable des denrées en son sein, depuis le premier point de livraison ou de collecte, soit jusqu'au lieu de distribution aux personnes les plus démunies, soit jusqu'à la fourniture des denrées à des personnes morales de droit public ou des personnes morales de droit privé habilitées ;

« 7° Avoir mis en place les procédures de collecte et de transmission des données mentionnées au dernier alinéa de l'article L. 230-6.

Source : Légifrance

Au niveau national , 17 structures sont habilitées ainsi que leur réseau par la DGCS et la DGAL pour bénéficier de financements publics à des fins de distribution de l'aide alimentaire sur fonds publics :

- Association Nationale des Épiceries Sociales (ANDES), bénéficiaire du CNES

- Association des cités du Secours Catholique (ACSC)

- Croix-Rouge Française, bénéficiaire du CNES et du FEAD

- Fédération de l'Entraide Protestante

- Fédération française des banques alimentaires (FFBA), bénéficiaire du CNES et du FEAD

- Fédération nationale des paniers de la mer

- Fondation de l'armée du Salut

- Imagine 84

- Les Restaurants du Coeur, bénéficiaire du FEAD

- Réseau Cocagne

- Revivre dans le monde

- Secours populaire français, bénéficiaire du FEAD

- Société de Saint Vincent de Paul

- ADRA France (Adventist Development and Relief Agency)

- Ordre de Malte

- Secours Catholique

- Le Refuge

En complément des associations d'envergure nationale doivent être comptabilisées les associations locales indépendantes. Près de 2 000 associations sont habilitées au niveau régional (antennes locales de ces associations), et peuvent ainsi bénéficier de subventions versées par les services déconcentrés ou les collectivités territoriales pour le soutien à leur activité, d'avantages en nature (prêts de locaux), de dons provenant de grandes et moyennes surfaces, d'entreprises ou de particuliers.

Un nouveau décret en préparation

La loi « EGAlim » - dans son article 12 - prévoit qu'un nouveau décret en Conseil d'État soit pris afin de préciser les conditions d'habilitation relatives à l'accompagnement des personne s, et de prévoir plus explicitement les modalités de contrôle par les services de l'État et les sanctions afférentes. Le décret n° 2012-63 du 19 janvier 2012 existant va être abrogé.

Selon les informations transmises par la DGCS, la révision de ce décret vise essentiellement à clarifier les dispositions existantes, et à le mettre en conformité avec les programmes FEAD et CNES, existants depuis 2014. Il est néanmoins envisagé d'introduire une condition relative aux moyens mis en oeuvre par les associations pour assurer une offre alimentaire qui soit favorable à la santé.

Les consultations ont débuté sur la rédaction du décret en Conseil d'État et du décret simple, et doivent se prolonger jusqu'en novembre. La saisine du Conseil d'État est prévue en janvier 2019.

Dans ce contexte de refonte des textes réglementaires, vos rapporteurs considèrent - au vu de la complexité et des exigences européennes - que le pilotage des processus d'habilitation doit être davantage clarifié et confié à la DGCS et aux DRDJSCS .

Une fois ce processus d'habilitation achevé, les associations habilitées nationalement peuvent répondre à un appel à candidature, valide pour une durée de 5 ans, pour bénéficier directement des denrées alimentaires du FEAD et/ou du CNES . C'est l'arrêté du 17 juin 2016 qui est venu préciser le cahier des charges et les modalités d'organisation de l'appel à candidatures pour bénéficier des denrées obtenues soit au moyen des crédits du Fonds européen d'aide aux plus démunis, soit des crédits nationaux destinés aux épiceries sociales. La publication de cet arrêté - un peu tardif puisque l'exécution du FEAD avait déjà débuté - a permis de mettre en conformité le cahier des charges aux dispositions réglementaires du FEAD, et notamment ses lignes directrices.

Lignes directrices du FEAD :
des obligations à respecter pour les associations

Les lignes directrices - issus du règlement du FEAD - précisent l'ensemble des obligations des organisations partenaires (OP) - c'est-à-dire les associations ou structures qui perçoivent directement ou indirectement des denrées alimentaires financées par le FEAD.

Ces obligations sont au nombre de huit :

1. Éligibilité des personnes démunies (rédaction de procédures permettant d'identifier les personnes éligibles au FEAD)

2. Gratuité de la distribution

3. Mise en place de mesures d'accompagnement (mesures d'accompagnement social proposées aux personnes accueillies soit en interne soit en les guidant vers d'autres structures)

4. Principes généraux : bonne gestion financière, non-discrimination, respect de l'environnement, équilibre nutritionnel

5. Information, communication et publicité (communication notamment autour du financement européen des denrées, par le biais, par exemple, d'affiches apposées dans les centres de distribution)

6. Remontée des données chiffrées (transmission d'indicateurs d'activité à l'État)

7. Conservation des documents - audit et contrôle (toutes les pièces justificatives concernant le FEAD doivent être conservées jusqu'en 2022)

8. Comptabilité matière (rédaction de procédures décrivant comment sont réalisées la comptabilité des produits du FEAD et les conditions de stockage pour la conservation des aliments).

Source : commission des finances du Sénat

Une fois sélectionnées pour distribuer des denrées FEAD ou CNES, les associations doivent en outre faire une demande d'émargement annuelle pour recevoir des denrées FEAD et CNES . Pour l'actuelle programmation FEAD, ce sont la Croix-Rouge française, la Fédération des Banques Alimentaires (FFBA), les Restaurants du Coeur et le Secours populaire qui ont été sélectionnés.

b) Plus de 9 000 structures concourent à l'aide alimentaire en France, dont 4 principales associations nationales

Environ 9 000 structures ou associations contribuent à l'aide alimentaire sur l'ensemble du territoire . Parmi elles, quatre têtes de réseau nationales : la Croix-Rouge française, la Fédération des Banques Alimentaires (FFBA), les Restaurants du Coeur et le Secours populaire - qui couvrent, en volume, la très grande majorité de l'aide alimentaire en France. La Fédération des banques alimentaires a cette particularité, qu'elle anime un réseau de 79 banques alimentaires et fournit 5 400 associations et CCAS partenaires.

Ces associations nationales - qui avaient été désignées dès 1987 comme bénéficiaires du PEAD - sont ainsi depuis 2014 bénéficiaires du FEAD . Ces « têtes de réseau » assurent, dans leur réseau, la distribution des produits mis à disposition par le FEAD.

Parmi ces 9 000 structures doivent également être citées les épiceries sociales et solidaires dont le modèle se développe. Aménagées comme des « commerces classiques » elles permettent aux bénéficiaires de faire des achats contre une participation financière de 10 % à 30 % du prix affiché. Vos rapporteurs se sont notamment rendus dans l'épicerie sociale « Entraide à la Source » à Chantilly dont l'activité repose sur 48 bénévoles essentiellement retraités. Cette épicerie sociale - approvisionnée par les Banques alimentaires - comptait, en 2017, 393 personnes inscrites et a distribué l'équivalent de près de 25 000 repas.

Épiceries sociales et solidaires : un modèle à encourager

Selon la définition utilisée notamment par l'Association Nationale de Développement des Épiceries Solidaires (ANDES), les « épiceries sociales », sont portées par une collectivité (à travers son CCAS), et les « épiceries solidaires » ou « sociales et solidaires », sont gérées par une association.

Ces épiceries sont majoritairement fournies - même si leurs sources d'approvisionnement sont plus larges - par les banques alimentaires , qui fournissent près de 700 épiceries. La FFBA est en effet bénéficiaire du CNES (par voie de marché), comme l'ANDES, la Croix-Rouge, Imagine 84 (par voie de subvention pour acheter des denrées) qui approvisionnent des épiceries.

Ces épiceries sont gérées généralement soit par des CCAS, soit par des associations :

- Les CCAS : 10% d'entre eux gèrent en direct une épicerie sociale, tandis que de nombreux autres soutiennent financièrement une épicerie solidaire.

- L'Association Nationale de Développement des Épiceries Solidaires (ANDES) , principal réseau d'épiceries sociales et solidaires en France, comprend 370 épiceries. Ces dernières ont ainsi accueilli, en 2017, 54 690 clients bénéficiaires et distribué 11 222 tonnes de denrées (dont 3163,99 tonnes données par les entreprises, et 556,65 tonnes données par les particuliers lors des collectes). ANDES fonctionne sur la base des partenariats avec la grande distribution, l'approvisionnement en circuits courts, ou le recours aux invendus des marchés (Rungis, Perpignan, Marseille, Lille).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par les associations

(1) Des modes de distribution plus ou moins classiques

Il existe différents modes de distribution de l'aide alimentaire. Parmi les modes de distribution classiques, réalisées par les associations ou CCAS, peuvent être citées, à titre principal :

• La distribution de paniers / colis alimentaires via des centres de distributions. Au Secours populaire, par exemple, ont été mis en oeuvre les libres services de la solidarité, lieux dans lesquels les bénéficiaires peuvent, dans la limite d'un volume défini, composer eux-mêmes en fonction de leurs besoins leur panier. Ils sont pour cela accompagnées par des bénévoles pour les orienter dans leurs choix au regard notamment de principes nutritionnels

• Les chèques et bons alimentaires (à titre d'urgence ou en complément des colis alimentaires)

• La distribution de repas chauds , le plus souvent à destination de personnes en très grande précarité. Ces repas sont servis soit dans des centres fixes (centres d'accueil, restaurants sociaux), soit au travers des « maraudes ».

• Les restaurants sociaux

Certains modes de distributions sont plus récents ou en développement comme la distribution de denrées au sein des épiceries sociales ou solidaires.

Des règles d'éligibilité fixées par les associations

Chaque association détermine selon ses propres critères les conditions d'accès à l'aide alimentaire . La décision de délivrer ou non l'aide alimentaire à une personne, ainsi que le volume de l'aide et la durée d'accès s'appuient généralement sur des critères objectifs (ressources, composition familiale) mais se fondent également sur une appréciation relativement ouverte, par les intervenants locaux, de chaque situation individuelle.

Outre les situations d'urgence (colis d'urgence ou maraudes) nécessitant un accueil inconditionnel, certaines modalités de l'aide alimentaire sont soumises, la plupart du temps, à des justificatifs de ressources . Les associations se basent ainsi généralement sur le calcul du reste-à vivre des ménages , prenant en compte leurs ressources et leurs charges. Ces critères d'attribution peuvent se fonder sur un barème national (comme aux Restos du coeur) ou alors être déterminés par les structures locales ou partenaires (Secours populaire, Banques alimentaires).

Par ailleurs, il convient de rappeler que les structures bénéficiaires directement ou indirectement du FEAD sont dans l'obligation de formaliser leurs procédures d'éligibilité (ligne directrice).

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données transmises par les associations

(2) Des sources d'approvisionnement diverses

Sources d'approvisionnement des 4 principales associations ( en 2017 )

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par les associations et la DGCS

D'après les données transmises par la DGCS et les associations , la FFBA, qui est la principale source d'approvisionnement des associations habilitées régionalement , se fournit à 41 % auprès des distributeurs (ramasse), à 24 % auprès des industriels de l'agro-alimentaire (dons), à 26 % via le FEAD et le CNES et à 11 % grâce à la collecte nationale.

Pour ce qui est des 3 grands réseaux nationaux (Restaurants du Coeur, Croix-Rouge et Secours populaire ), mis à part les Restaurants du Coeur qui achètent une part importante des produits distribués sur leurs fonds propres (36,3 %), leurs principales sources d'approvisionnement sont le FEAD (29 % en moyenne), les dons des distributeurs (32 %) et des industriels (19 %).

Ces différentes sources d'approvisionnement se complètent : le FEAD permet d'obtenir des produits de base (sucre, farine, beurre, conserves, viandes surgelées...), la ramasse des produits frais diversifiés, les industriels des produits spécifiques en fonction des partenariats établis. Par ailleurs, la collecte nationale est l'occasion de cibler des produits particuliers auprès du grand public. En outre, les fruits et légumes frais peuvent également provenir de différentes structures en développement permettant d'obtenir du frais : chantiers d'insertion, jardins, structure de gestion des dons des producteurs.

Chantiers d'insertion, jardins « solidaires » :
des structures conciliant insertion et aide alimentaire

Ces différentes structures (chantiers de réinsertion, jardins solidaires ou partagés) développées par les associations, permettent d'offrir aux bénéficiaires des produits frais mais également de réinsérer socialement et professionnellement des personnes en difficulté . De nombreuses associations d'aide alimentaire ont développé ce type de structures , qui entrent dans le champ de l'insertion par l'activité économique (IAE) :

Au Restos du Coeur , les chantiers d'insertion comprennent 41 jardins d'insertion , 19 entrepôts logistiques ou encore 11 ateliers de rénovation de logement qui accueillent des personnes éloignées de l'emploi. Les jardins alimentent en fruits et légumes les Restos, les entrepôts assurent la logistique et les travaux de rénovation remettent en état des logements destinés aux plus démunis.

Les Banques alimentaires développent, quant à elles, des unités de transformation dans lesquelles des fruits et légumes de saison non-distribuables ainsi que les viandes à date courte sont transformés (purées, soupes, plats cuisinés...). 11 ateliers sont en fonctionnement : Banques Alimentaires de l'Aude, de Bourgogne, du Cher, de Haute-Savoie, de Haute-Vienne, d'Ile-de-France, d'Isère, de la Loire, de Rennes et de Vendée et 6 en projet. En Haute-Vienne, par exemple, l'atelier est installé dans un lycée agricole et de nombreux produits y sont transformés en confitures, purées, sachets congelés, plats cuisinés.

Le Secours populaire développe des jardins solidaires , comme à Montauban, en partenariat avec le lycée agricole de la ville. Créé et exploité par les personnes aidées par l'association et les élèves du BTS horticole, le jardin abrite 37 espèces de fruits, légumes et herbes aromatiques, qui, une fois récoltées, sont distribuées aux bénéficiaires de l'aide alimentaire. Le projet remplit deux objectifs. En 2017, dix tonnes de fruits et légumes ont été récoltées. Des jardins solidaires existent également à Verdun sur Garonne (82) et Orléans (45) dans lesquelles des ateliers de cuisines et des espaces pour déjeuner sont organisés.

ANDES a développé également des chantiers d'insertion qui sont situés sur les marchés de gros de Rungis, Perpignan, Lille et Marseille . Ils ont pour vocation de collecter auprès des grossistes les fruits et légumes invendus, de les valoriser puis, de livrer des épiceries solidaires adhérentes au réseau ANDES et à d'autres structures d'aide alimentaire. La valorisation de ces produits est réalisée par des salariés en parcours d'insertion après une période de chômage, qui sont suivis et soutenus dans leur démarche d'insertion professionnelle par les équipes ANDES.

Parmi, les associations habilitées nationalement figurent également des structures exclusivement tournées vers la récolte et distribution de produits frais. Parmi elles, peuvent être citées les deux associations suivantes :

Les Jardins de Cocagne sont de véritables exploitations maraîchères biologiques , à vocation d'insertion sociale et professionnelle, sous forme d'ateliers et chantiers d'insertion. Ils accueillent des personnes en situation précaire qui contribuent à la production de légumes biologiques, distribués sous forme de paniers hebdomadaires à des adhérents-consommateurs.

Imagine 84 est une association qui récupère - sous forme de chantiers d'insertion - une partie des fruits et légumes destinés à être jetés mais consommables afin, après tri et conditionnement, d'être distribués à travers les grands mouvements nationaux d'aide alimentaire (Fédération française des banques Alimentaires, Croix Rouge Française, Secours populaire, Restos du Coeur,...), aux bénéficiaires. Depuis 2009, plus de 12 000 tonnes de fruits et légumes ont été récupérées dans près de 40 entreprises de la filière, soit en moyenne 109 tonnes par mois. À ce jour, près de 9 000 tonnes ont été distribuées après tri par l'équipe d'insertion, soit en moyenne 81 tonnes par mois.

Source : rapports annuels ou sites internet des associations

Le FEAD constitue ainsi une source d'approvisionnement indispensable pour les associations . Il s'agit d'un socle fournissant des produits de base qui compense l'instabilité des autres approvisionnements. La part des collectes et dons est essentielle mais reste fluctuante et surtout inégale selon les territoires . Par ailleurs, la ramasse se situe dans une logique de lutte contre le gaspillage alimentaire (gestion des invendus) pour les distributeurs et les dons des industriels relèvent du choix d'opérateurs économiques.

Toutefois, se développent des structures ou projets permettant de développer ces sources d'approvisionnement, notamment les dons des entreprises et producteurs. Peut ainsi être citée Solaal qui est une association reconnue d'intérêt général, qui facilite le lien entre les donateurs des filières agricole et alimentaire et les associations d'aide alimentaire. Elle rassemble un grand nombre d'organisations issues des secteurs agricole, industriel, de la grande distribution, des interprofessions agricoles et alimentaires et des marchés de gros. Elle a permis de donner aux associations d'aide alimentaire 13 500 tonnes de denrées depuis 2013 dont 99 % de frais. En 2017, la Croix Rouge a ainsi bénéficié de 87 tonnes de denrées via Solaal.

S'agissant des dons alimentaires en provenance des supermarchés, sont apparues des sociétés intermédiaires tels que Phénix et Comerso , qui assurent le transport logistique des denrées des magasins jusqu'aux associations. Il s'agit d'un modèle économique intéressant puisque les coûts logistiques ne pas sont financés par les associations mais par les opérateurs de la grandes distribution - qui économisent ainsi le coût de la destruction de la marchandise et bénéficient d'une réduction d'impôt. Le recours à ces structures est en augmentation mais reste néanmoins encore limité pour les associations.

L'aide alimentaire en outre-mer : des difficultés de mise en oeuvre

L'organisation de l'aide alimentaire dans les départements d'outre-mer a été rationalisée en 2010, conformément aux préconisations d'une mission IGAS/CGAER de 2009 . Les DOM, comme les autres départements, ont mis en oeuvre la procédure d'habilitation régionale, et bénéficient du FEAD via l'approvisionnement auprès des banques alimentaires (quand elles sont présentes sur le territoire).

À ce jour, la difficulté principale consiste à diversifier les sources d'approvisionnement et à bénéficier de denrées en quantité suffisante dans des territoires pauvres en commerces de proximité (ce qui réduit les dons). L'acheminement des denrées FEAD et CNES achetés par voie de marché public par FranceAgriMer ne permet pas de répondre aux besoins des personnes éligibles à l'aide alimentaire (taux de pauvreté supérieur à la métropole).

En Guyane, la Croix Rouge fait office de banque alimentaire pour les associations locales mais ne reçoit plus de denrées en provenance du FEAD depuis 2017 . La délégation territoriale effectue ses achats en local sur fonds publics et fonds propres. A la Réunion, la Croix-Rouge assure la fourniture des denrées (FEAD et autres) auprès des associations locales. Des difficultés ont persisté sur l'île de la Réunion, dues à des tensions entre les différents acteurs locaux, conduisant à une nouvelle mission IGAS/CGAEER dont les conclusions ont été remises en octobre 2015. En application des préconisations de la mission, la Croix-Rouge Réunion a progressivement repris son autonomie dans la gestion des denrées FEAD pour mettre un terme au monopole de la Banque Alimentaire des Mascareignes (BAM) qui contournait les entrepôts logistiques secondaires pour développer son propre réseau.

Plus récemment, la Guadeloupe et l'île de Saint Martin ont rencontré des difficultés liées au passage de l'ouragan Irma . Les associations d'aide alimentaire se sont fortement mobilisées pour apporter une réponse d'urgence aux populations démunies et leur délivrer des denrées alimentaires.

Source : DGCS

3. ...actuellement fragilisé financièrement et mis en difficulté par certaines évolutions dans le secteur de l'aide alimentaire

Toutefois, malgré l'apport du FEAD et les différentes sources de financement, les associations font face à des difficultés certaines.

La légère baisse des crédits budgétaires dédiés à l'aide alimentaire, en 2018, participe, avec d'autres facteurs, à une fragilisation du monde associatif, pourtant pilier essentiel de l'aide alimentaire , sans qui cette politique ne pourrait être mise en oeuvre.

a) Une insuffisante compensation des crédits issus de la « réserve parlementaire »

La suppression de la dotation d'action parlementaire (« réserve parlementaire ») n'a pas donné lieu à une compensation à hauteur des crédits existants. Concernant l'aide alimentaire , le manque à gagner pour les associations peut être estimé à 2,2 millions d'euros.

Montant de la réserve parlementaire au titre de l'aide alimentaire
en 2017 ( tous programmes confondus)

(en millions d'euros)

Programme

Montant

Action 14 « Aide alimentaire » / programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

1,74

Action 12 « Économie sociale et solidaire » / programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

0,10

Programme 177 : «Hébergement, parcours vers le logement, et insertion des plus vulnérables »

0,36

TOTAL

2,2

Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises par la DGCS

Les financements issus de la réserve parlementaire concernant l'aide alimentaire étaient inscrits principalement à l'action 14 du programme 304 mais également à son action 12 et au programme 177.

Le montant de la « réserve parlementaire » rattaché à l'action d'aide alimentaire - présente sur le programme 177 jusqu'en 2012, et sur le programme 304 depuis 2013 - était en nette évolution depuis 2012, représentant ainsi plus d'1,7 million d'euros en 2017 .

Évolution de la « réserve parlementaire » au titre de l'action 14 du programme 304

(en euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Montant LFI

503 000

606 160

1 057 400

1 000 450

1 549 822

1 735 727

Évolution N/N-1 en %

20,51%

74,44%

-5,39%

54,91%

12,00%

Source : DGCS

En 2017, au titre de l'action 14 « Aide alimentaire » du programme 304, ce sont ainsi 203 associations de distribution alimentaire qui ont bénéficié de la dotation d'action parlementaire . Ainsi, une grande majorité de dossiers concernait :

• Les Restaurants du coeur (siège et antennes), soit 127 dossiers (62%) pour un montant de 697 227 euros (montant moyen de 5 500 euros) ;

• Les Banque alimentaires, soit 38 dossiers pour un montant de 193 500 euros (montant moyen de 5 000 euros) ;

• Le Secours populaire français , soit 30 500 euros pour 7 dossiers (montant moyen de 5 357 euros).

Au-delà de la ligne budgétaire dédiée à l'aide alimentaire (action 14 programme 304), d'autres actions ont été identifiées comme bénéficiant de la réserve parlementaire au titre de l'aide alimentaire .

Ainsi, en 2017, selon les données transmises par la DGCS, 58 dossiers ont été examinés, au titre de l'action « économie sociale et solidaire » du programme 304 , pour un montant total de 220 325 euros. Une majorité des dossiers concerne également de l'aide alimentaire dans les épiceries sociales. Selon les estimations de la DGCS, cette perte s'élève à 110 000 euros pour l'aide alimentaire .

Par ailleurs, en 2017, 355 dossiers ont été examinés, au titre du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement, et insertion des plus vulnérables » pour un montant total de 2 195 467 euros . Sur ces 355 dossiers, 146 concernent les 4 associations nationales, soit 41 % des dossiers, pour un montant global de 722 000 euros. Ce montant se répartissait comme suit :

• Secours Catholique : 22 dossiers, pour un montant de 123 700 euros (montant moyen= 5 622 euros)

• Croix-Rouge Française : 41 dossiers, pour un montant de 158 639 euros

• Secours populaire Français : 72 dossiers, pour un montant de 300 728 euros

• Banques alimentaires : 3 dossiers, pour un montant de19 500 euros

Présumant qu'une partie assez conséquente de ces financements sont fléchés vers l'aide alimentaire, la DGCS estime à 361 000 euros la perte financière pour les associations en matière d'aide alimentaire .

Ce manque à gagner est d'autant plus dommageable que ces financements, comme l'ont expliqué les associations lors des auditions, permettaient de couvrir des dépenses de fonctionnement, mais également de déployer des moyens sur des territoires peu pourvus par ailleurs.

Pour compenser la suppression de la « réserve parlementaire », le Gouvernement a abondé, en projet de loi de finances pour 2018, le fonds de développement pour la vie associative (FDVA) de 25 millions d'euros 37 ( * ) . Toutefois, comme vos sénateurs l'ont rappelé à l'occasion de l'examen de leur rapport budgétaire, cette compensation est largement insuffisante, puisque cet abondement de 25 millions d'euros est loin de couvrir les 61 millions d'euros versés aux associations, en 2017, au titre de la réserve .

Outre la question du montant du FDVA - largement insuffisant - les associations d'aide alimentaire, lors de leur audition, ont alerté vos rapporteurs sur les conditions de mise en oeuvre du fond quelque peu chaotiques . En effet, le décret d'application n'est paru qu'en juin et les appels à projet ont été, pour beaucoup d'entre eux, publiés dans le courant du mois de juillet pour des réponses attendues en septembre.

Vos rapporteurs regrettent ainsi la manière dont ce fonds a été mis en place et souhaitent que les modalités de subventionnement de ce fonds soient revues l'année prochaine, avec la mise en place de délais raisonnables au regard de la nature des bénéficiaires : des structures associatives qui s'avèrent parfois de taille modeste et peu habituées aux formalités administratives.

b) La diminution du nombre de contrats aidés

Les associations d'aide alimentaire ont été touchées de plein fouet par la diminution du nombre de contrats aidés et du taux de prise en charge .

Ces structures - comme indiqué précédemment - reposent essentiellement sur le bénévolat mais emploient également des salariés en grande majorité sous forme de contrats aidés .

Vos rapporteurs ne disposent pas de chiffres consolidés de contrats aidés concernant le secteur de l'aide alimentaire, mais tiennent à relayer les inquiétudes des associations.

Ainsi, dans les 79 banques alimentaires, près de la moitié des salariés sont en contrats aidés (276 en 2017, dont 83 en chantier d'insertion). Pour le Secours populaire - qui en comptait 211 en 2017 - il s'agit de salariés sur des postes importants et stratégiques (62 départements) surtout dans les territoires en difficultés, pointant un risque de fragilisation des territoires en difficulté. De même, les responsables du réseau ANDES - gérant 370 épiceries sociales et solidaires - ont alerté vos rapporteurs sur les risques de fermeture de certaines épiceries sociales.

Vos rapporteurs seront ainsi attentifs à la mise en oeuvre des «  parcours emplois compétences » (PEC) qui sont censés se subsister aux contrats aidés depuis le 1 er janvier 2018 et feront état de leurs observations dans leur prochain rapport budgétaire.

c) L'incertitude sur l'avenir du FEAD

Par ailleurs, la question de la pérennisation du FEAD est également un sujet d'inquiétude pour les associations. Ce fonds - qui représente à peine 1 % des fonds dédiés à la politique de cohésion de l'Union européenne - est pourtant une réponse essentielle aux situations de grande pauvreté , comme indiqué précédemment.

Les négociations concernant l'après 2020 - date jusqu'à laquelle le FEAD actuel est garanti - ont commencé, avec la publication de la proposition de Règlement FSE+ le 29 mai 2018 par la Commission européenne . Ce projet de règlement, publié dans le cadre des négociations sur le prochain cadre financier pluriannuel (2021-2027), prévoit de regrouper sous la dénomination « FSE+ » 38 ( * ) tous les fonds structurels, y compris le FEAD .

Outre la fusion elle-même - qui était déjà, pour les associations, une source d'inquiétude relevée par vos rapporteurs dans leur rapport budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2018 - ce nouveau fonds suscite de nombreuses interrogations et craintes s'agissant du volet FEAD :

• S'agissant de son montant , la proposition de règlement prévoit une enveloppe globale de 200 milliards d'euros, les États membres devant affecter a minima 2 % de leurs ressources FSE+ à la lutte contre la privation matérielle 39 ( * ) , soit un montant global de 2 milliards d'euros, inférieur au celui de la programmation actuelle (2014-2020) Toutefois, la répartition de cette enveloppe entre les États membres sera connue fin 2018/début 2019.

• S'agissant du taux de co-financement , aucun élément ne figure dans la proposition de règlement. La crainte est de voir diminuer le taux de co-financement communautaire actuel qui s'élève à 85 % de l'enveloppe totale.

• S'agissant du risque de régionalisation - entendue comme une différenciation selon le niveau de ressources des régions - les crédits prévus pour la lutte contre la privation matérielle ne prévoient pour l'instant pas un tel principe. Toutefois, ce risque n'est pas à exclure, selon vos rapporteurs, la régionalisation étant appliquée pour les autres fonds structurels européens.

Vos rapporteurs considèrent ainsi que la pérennisation du FEAD - sous sa forme actuelle - est essentielle au regard du système français d'aide alimentaire et de la progression du nombre de bénéficiaires .

Selon les informations transmises par la DGCS, la ministre des solidarités et de la santé aurait exprimé la position de la France en la matière à Marianne Thyssen, commissaire européenne à l'emploi et aux affaires sociales, en avril 2018. Vos rapporteurs saluent cette initiative mais, sur un tel sujet - constituant un enjeu de la politique nationale de lutte contre la pauvreté - ils souhaiteraient que le Président de la République s'engage clairement et prenne position publiquement pour la préservation du FEAD dans sa forme actuelle .

Vos rapporteurs regrettent ainsi la quasi-absence du sujet de l'aide alimentaire - et notamment de l'avenir du FEAD - dans le plan pauvreté présenté par le Président de la République le 14 septembre dernier , alors que l'alimentation est une composante essentielle de la politique de lutte contre la pauvreté et que le FEAD représente aujourd'hui pour la France près de 500 millions d'euros de financement.

d) Le risque de diminution de la qualité du don

Avec l'augmentation des dons des entreprises - sous l'effet notamment de la loi « Garot » - la question de la qualité du don est essentielle. Les associations constatent ainsi, dans certains territoires, une baisse de la qualité du don , qui se manifeste par une absence de tri des denrées de la part de la grande distribution ou par des denrées données à J-1 de leur date limite de consommation.

Vos rapporteurs rappellent que les associations n'ont pas vocation à devenir la « poubelle » ou les « centres de tri » des grandes et moyennes surfaces. Ces dernières - motivées par l'aspect fiscal et contraintes par la loi Garot - semblent, pour certaines d'entre elles, de plus en plus négliger la qualité des produits données aux associations. Les représentants de la FFBA estiment qu'il faut veiller à « ne pas reporter le gaspillage d'un rayon à l'autre »

Le décret du 28 décembre 2016 de la loi Garot précise pourtant les conditions dans lesquelles les dons doivent être réalisés : le respect d'une date limite de consommation supérieure à 48 heures 40 ( * ) l'inscription dans la convention de l'obligation de tri des denrées alimentaires par les opérateurs.

Vos rapporteurs rappellent plus que jamais la nécessité de faire respecter ce décret et estiment que l'obligation de tri des produits doit être rappelée aux opérateurs économiques. Ils proposent - reprenant une proposition du député Garot - afin d'inciter les supermarchés à trier les denrées - de lier les avantages de la défiscalisation à la qualité des dons .

Par ailleurs, vos rapporteurs souhaitent également relayer l'inquiétude des associations quant à l'extension du don alimentaire à la restauration collective . L'article 15 de la loi alimentation a en effet autorisé le Gouvernement à prendre par ordonnance toute mesure dans le domaine de la loi visant à étendre les dispositions relatives au don alimentaire des grandes et moyennes surfaces à destination des associations caritatives, prévues à l'article L. 541-15-5 et L. 541-15-6 du code de l'environnement, à « certains opérateurs du secteur agro-alimentaire et de la restauration collective ».

Vos rapporteurs insistent sur la nécessité de consulter les acteurs de terrain avant la rédaction de ces ordonnances , car cette extension du don à la restauration collective pose certains problèmes pratiques, soulevés par les associations rencontrées. Il s'agit de questions d'équipement et de logistique pour le respect de l'hygiène et de la sécurité des aliments. Les ordonnances devront comprendre des dispositions précisant que les produits donnés soient froids (et non ouverts bien sûr) et qu'ils soient conditionnés par le donateur pour être distribués.

e) La concurrence des applications mobiles commercialisant les invendus de la grande distribution

La lutte contre le gaspillage alimentaire est un secteur qui voit naitre des initiatives de plus en plus nombreuses, visant notamment à commercialiser les invendus de la grande distribution . Un certain nombre de start-up se développent - parmi lesquelles « Too good to go », « Phénix » « Optimiam » - dont l'activité repose essentiellement sur des applications mobiles de géolocalisation, commercialisent les produits alimentaires avec une date limite de consommation courte.

Le développement de tels acteurs et de telles applications, est une source d'inquiétude, pour certaines associations . La démarche de ces nouveaux acteurs est certes louable puisque s'inscrivant dans l'objectif de lutte contre le gaspillage alimentaire, mais n'est pas sans poser de questions, la récupération d'invendus à des acteurs économiques risquant de « détourner », à terme, ces denrées du don alimentaire pour des marchés lucratifs.

Certaines applications orientent ces invendus également vers des associations, une orientation qu'il convient d'encourager.


* 36 Ses fonctions, pour la période de programmation 2007-2013, sont définies pars l'article 62 du R(CE) 1083/2006 du 11 juillet 2006.

* 37 Les crédits du FDVA sont portés par le programme 163 de la mission « Sport, jeunesse et vie associative ».

* 38 Le FSE+ résulte de la fusion de l'actuel Fonds social européen (FSE), de l'initiative pour l'emploi des jeunes (IEJ), du Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD), du programme pour l'emploi et l'innovation sociale (EaSI) et du programme «Santé» de l'UE.

* 39 Article 5 du règlement du FEAD.

* 40 Ce délai peut être inférieur à condition seulement que l'association puisse être en mesure de justifier qu'elle est apte à redistribuer les denrées concernées avant l'expiration de la DLC.

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