C. 5,5 MILLIONS DE PERSONNES BÉNÉFICIENT DE L'AIDE ALIMENTAIRE EN FRANCE

1. Le nombre de bénéficiaires a plus que doublé entre 2009 et 2017

Selon les derniers chiffres disponibles fournis par la DGCS 27 ( * ) , 5,5 millions de personnes bénéficiaient de l'aide alimentaire en 2017, soit plus du double qu'en 2009 , qui comptait 2,6 millions de bénéficiaires.

Outre les bénéficiaires de l'aide alimentaire, ce sont 8 millions de personnes qui sont en situation d'insécurité alimentaire pour raisons financières en France.

En 2017, 301 000 tonnes de marchandises 28 ( * ) ont ainsi été distribuées.

2. La part des femmes et des enfants bénéficiaires est en constante augmentation, confirmant le lien entre précarité alimentaire et pauvreté

En 2016, les femmes représentent 52,4 % des bénéficiaires de l'aide alimentaire en 2016, les enfants, 35 %. Cette part est en constante augmentation 29 ( * ) .

Le nombre de jeunes (de moins de 15 ans) aidés est très important, tandis que celui des personnes âges (de plus de 65 ans) est assez faible. Deux raisons peuvent expliquer cette sous-représentation des personnes âgées : les dispositifs d'accueil (hôpitaux, maisons de retraite, EHPAD etc.) et la difficulté de ces personnes à franchir la porte des associations pour demander de l'aide.

Toutefois, même si la part des personnes âgées reste faible, les associations d'aide alimentaire notent une augmentation de ce public depuis quelques années . Dans une enquête réalisée en 2016, la FFBA notait que 12 % des bénéficiaires étaient à la retraite, une hausse de 4 points par rapport à 2014.

De manière générale, la précarité alimentaire est à lier au taux de pauvreté. Les femmes et les enfants représentent la majorité des personnes en situation de pauvreté. Elles représentent 53 % des personnes pauvres, tandis qu'en 2014, un enfant de moins de 18 ans sur cinq vivait au sein d'une famille pauvre.

Par ailleurs, 40 % des enfants des familles défavorisées ne mangent pas à la cantine contre 17 % des élèves issus de familles de catégories socioprofessionnelles supérieures. L'obstacle économique est le premier motif évoqué par les familles qui n'inscrivent pas leur enfant à la cantine de son établissement.

Les bénéficiaires de l'aide alimentaire sont ainsi majoritairement des personnes avec une situation économique précaire . On observe ainsi une augmentation de la part des travailleurs pauvres ; l'enquête réalisée par la FFBA, en 2016, montre une augmentation importante des bénéficiaires en emploi, atteignant les 23 % (+ 8 points par rapport à 2014).

L'aide alimentaire permet aux bénéficiaires d'économiser en moyenne 92 euros par mois , une somme non négligeable pour ceux qui voient en l'aide alimentaire une « aide essentielle dont ils ne pourraient pas se passer ».

L'aide alimentaire peut également être considérée comme « un coup de pouce », bénéficiant à des personnes, de façon transitoire, touchées par des accidents de la vie (perte d'un emploi, décès etc.).

3. L'aide alimentaire, un dispositif essentiel aux multiples vertus
a) L'aide alimentaire, une réponse à des enjeux de santé publique

L'aide alimentaire en France est essentielle, en fournissant à 5,5 millions de personnes des denrées afin de subvenir à un besoin vital, se nourrir mais se nourrir correctement . Les actions mises en oeuvre en matière d'aide alimentaire intègrent de plus en plus cet impératif nutritionnel.

Une récente étude de l'INSERM de 2014 affirmait ainsi que « l'insécurité alimentaire est associée à un état de santé altéré à tous les âges de la vie » 30 ( * ) . L'alimentation est, en effet, le poste de dépenses qui sert de variable d'ajustement dans les budgets des ménages les plus précaires. Ainsi comme souligné par le Conseil national de l'alimentation, « les contraintes budgétaires orientent les choix alimentaires vers une alimentation riche en calories, mais pauvre en nutriments essentiels, ce qui explique la prévalence de l'obésité et de maladies chroniques dans les populations les plus démunies » 31 ( * )

L'aide alimentaire permet ainsi d'apporter une réponse à cette situation d'insécurité alimentaire, et à ces enjeux de santé publique qui ont un coût financier pour l'État . En effet, le coût social de l'obésité et du surpoids, estimé par la Direction du Trésor pour l'année 2012, s'élève à plus de 20 milliards d'euros par an. Le diabète coûte au régime général de la sécurité sociale 7,7 milliards d'euros par an et le nombre de personnes diabétiques ne cesse de croitre.

Mais l'aide alimentaire ne suffit pas à résoudre ces difficultés liées à l'insécurité alimentaire . Une étude sur l'Alimentation et l'État Nutritionnel des Bénéficiaires de l'Aide alimentaire (ABENA) - réalisée en 2011-2012 32 ( * ) , visant à analyser les évolutions depuis la dernière étude de 2004-2005 - montre que l'état de santé des usagers de l'aide alimentaire demeurait préoccupant avec des prévalences des pathologies liées à la nutrition (obésité, hypertension artérielle, diabète, certains déficits vitaminiques) particulièrement élevées.

L'étude souligne, en outre, un écart important entre les consommations de certains groupes alimentaires et les recommandations nutritionnelles, en particulier pour les fruits et légumes (ainsi, seuls 6,5 % des bénéficiaires de l'aide alimentaire interrogés déclaraient consommer des fruits et légumes cinq fois par jour ou plus) et les produits laitiers (14,7 % des bénéficiaires en consommaient trois fois par jour). Toutefois, l'étude montre aussi que certains marqueurs biologiques de l'état nutritionnel, ont évolué favorablement, depuis l'étude de 2004-2005, comme la baisse de l'anémie par carence en fer.

Ces résultats attestent ainsi de la nécessité, pour vos rapporteurs, de poursuivre les actions entreprises pour améliorer l'organisation de l'aide alimentaire (diversité des aliments proposés, choix pour les usagers...), mais également à mener d'autres politiques publiques complémentaire s.

b) L'aide alimentaire, une « porte d'entrée » vers l'insertion sociale

Au-delà de sa mission de répondre à un besoin vital, l'aide alimentaire constitue un dispositif aux vertus plus larges . Il permet d'engager un accompagnement social des bénéficiaires, lui conférant le statut de porte d'entrée vers l'insertion sociale.

La loi « EGAlim » - en insérant cette mission d'accompagnement dans la définition de l'aide alimentaire - a consacré la visée sociale de ce dispositif . L'aide alimentaire permet aux associations d'identifier des personnes qui n'auraient peut-être pas sollicité d'aides, pour leur proposer un accompagnement personnalisé afin de les conduire vers un processus d'insertion sociale. L'aide alimentaire permet, en effet, d'établir un lien entre les bénévoles et les personnes accueillies leur permettant de rompre leur isolement, et donc de proposer d'autres types d'actions d'aide à la personne.

« L'aide alimentaire est une rencontre. Elle désamorce l'isolement, celui qui abime l'existence » 33 ( * ) .

Formes d'accompagnements permises par l'aide alimentaire

- cours de cuisine et lien social (préconisations nutritionnelles, fiches de recettes) ;

- microcrédit et accompagnement à la gestion budgétaire ;

- accueil et écoute (premier accueil inconditionnel) ;

- soutien à l'accès aux droits (ouverture des droits, aide à la constitution des dossiers...) ;

- accès aux soins (bilan par un médecin généraliste/orientation vers un spécialiste) ;

- soutien à l'hébergement ou réinsertion dans un logement ;

- cours d'alphabétisation ;

- accompagnement scolaire ;

- aide au départ en vacances (séjours de vacances enfants/familles/personnes isolées) ;

- création de partenariats avec des associations de pays étrangers (Copains du Monde) ;

- soutien à la recherche d'emploi (accompagnement chez Pôle Emploi aide à la rédaction des CV et préparation des entretiens d'embauche) ;

- accès à la culture et aux loisirs (ateliers lecture, accompagnement au cinéma...).

Source : réponses aux questionnaires des associations

Ces actions ont ainsi une valeur sociale . « L'ensemble de ces missions sociales génère des bénéfices socio-économiques indirects conséquents et durables » 34 ( * ) pour l'État et la société tout entière. Cet impact social des associations est difficilement quantifiable, comme indiqué précédemment dans le rapport, mais constitue une composante qualitative de l'effet de levier .

Une récente étude 35 ( * ) - diligentée par la DGCS - a néanmoins mis en évidence les difficultés auxquelles sont confrontées les associations d'aide alimentaire dans cette mission d'accompagnement . Il s'agit essentiellement du manque de temps et de formation des bénévoles - occupés principalement à la gestion de la distribution des denrées - et du peu d'attentes exprimées parfois par les bénéficiaires eux-mêmes. Toutefois, l'étude montre également que les dimensions de l'accompagnement sont reconnues et appréciées par les bénéficiaires interrogés. Les actions mises en oeuvre par les associations d'aide alimentaire ne correspondent pas à accompagnement social classique - mis en oeuvre par les travailleurs sociaux - mais à un accompagnement plus global des personnes « dans un mieux être à la fois personnel, familial et social »

Ainsi vos rapporteurs souhaitent rappeler que cet accompagnement est complémentaire mais ne doit pas se substituer à une vraie politique publique d'insertion sociale.


* 27 Données recueillies en mai pour l'année N-1. Ce chiffre comprend également le nombre de bénéficiaires des CCAS/CIAS - qui ne sont pas obligés de déclarer leur activité au titre de l'aide alimentaire - qui a été estimé à 400 000.

* 28 Incluant les CCAS/CCIAS.

* 29 Données DGCS - en 2016 - données de l'année n-1 - dans le cadre du Système d'information de l'aide alimentaire (SIAA).

* 30 Inserm, Inégalités sociales de santé en lien avec l'alimentation et l'activité physique, 2014.

* 31 Conseil national de l'alimentation, « Aide alimentaire et accès à l'alimentation des plus démunis » avis n° 72, mars 2012.

* 32 Étude Abena 2011-2012 et évolutions depuis 2004-2005, « Alimentation et état nutritionnel des bénéficiaires de l'aide alimentaire », mars 2013.

* 33 Rapport annuel 2017 du Secours populaire, Éric Ollier, membre du bureau national, p32.

* 34 Restos du Coeur, « Mesure de l'effet de levier des Restos du Coeur », septembre 2015, p 38.

* 35 Étude sur les modalités de la distribution de l'aide alimentaire et les formes d'accompagnement social, FORS-RS, 2015.

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