C. L'AMBITION D'UN ACCOMPAGNEMENT MÉDICO-SOCIAL RATIONALISÉ

À la lumière des développements précédents, votre rapporteur propose de retenir une répartition simple pour le financement de l'accompagnement médico-social des personnes handicapées :

- à l' ARS reviendrait le financement de tout accompagnement médical, paramédical et aide technique. S'y ajouteraient les dépenses d'éducation spécialisée pour le cas des enfants handicapés accueillis en milieu spécialisé ou suivis par un Sessad ;

- à la PCH reviendrait le financement de tout accompagnement social requérant des aides humaines non médicales et des aides d'aménagement spécifique, notamment du logement.

1. Maintenir un financement départemental pour les aides humaines

L'une des principales difficultés liées au financement de l'accompagnement social de la personne handicapée réside dans l'échelon départemental et les risques d'iniquité territoriale qu'il suppose.

Il est avant toute chose important de signaler que, bien que versée par le conseil départemental, la PCH obéit à plusieurs critères définis par arrêté ministériel. L'arrêté du 28 décembre 2005 118 ( * ) définit les montants attribuables au titre des aides techniques, des aides pour le logement et des aides animalières. Ce sont essentiellement les aides humaines , qui sont fréquemment dénoncées comme variables d'ajustement départementales de l'attribution de la PCH . Il est à ce titre important de signaler que les aides humaines visées sont celles qui ne relèvent pas exclusivement du champ de l'assurance maladie ; il s'agit donc des aides d'insertion à la vie sociale (SAVS), des aides à domicile (SAAD) et des aides médicalisées cofinancées par le conseil départemental (Samsah).

Le même arrêté du 28 décembre 2005 précise que le montant maximal (et non attribuable) versé à la personne au titre de l'aide humaine est égal « au tarif horaire le plus élevé » entre le tarif défini par le président du conseil départemental et le tarif indiqué par un autre arrêté du même jour 119 ( * ) . Le tableau ci-dessous en retrace les principales modalités.

Les tarifs de la PCH appliqués à l'aide humaine
et la marge de manoeuvre départementale

La personne emploie
une aide humaine en...

Tarif indiqué par arrêté

Possibilité de modalité
par le PCD

Emploi direct

13,78 euros par heure

Non

Emploi direct avec réalisation de gestes prescrits par un médecin

14,46 euros par heure

Non

Service mandataire

15,16 euros par heure

Non

Service mandataire avec réalisation de gestes prescrits par un médecin

15,91 euros par heure

Non

Service prestataire (dans la plupart des cas autorisé par le conseil départemental)

17,77 euros par heure

Le tarif peut être fixé par convention entre le PCD et le service prestataire

Source : Arrêté du 28 décembre 2005

Une observation s'impose d'emblée : la marge de manoeuvre du conseil départemental semble a priori limitée dans l'attribution de la PCH. On ne doit néanmoins pas perdre de vue que, dans les cas très majoritaires où la personne handicapée fait appel à une aide humaine par le biais d'un service compétent qui en assure la coordination et le pilotage, le conseil départemental dispose en plus d'un second levier de tarification, à savoir le financement de ce service. En effet, l'article R. 314-130 du CASF dispose que les services d'aide à domicile relevant de sa compétence exclusive (SAAD, SAVS) ou conjointe (Samsah) sont financés par un tarif horaire pour chaque aide à domicile, auxiliaire de vie sociale ou technicien d'intervention sociale et familiale.

Votre rapporteur identifie là un risque de friction 120 ( * ) entre, d'une part, le tarif horaire versée à la personne handicapée au titre de l'aide humaine qu'elle requiert, dont les montants sont très largement déterminés par arrêté, et d'autre part le tarif horaire versé directement aux services par le conseil départemental pour leur fonctionnement, dont les montants sont librement fixés.

Dans le cas le « tarif de fonctionnement » serait d'un niveau trop limité , les services d'aide à domicile pourraient tout à fait faire peser sur les personnes handicapées un surcroît de financement que leur « tarif PCH » ne suffirait pas à absorber .

Par ailleurs, un autre risque concerne l' incitation (parfois explicite) des conseils départementaux faite aux personnes handicapées de recourir à des services mandataires , moins coûteux pour les finances départementales, au mépris de la liberté de choix reconnue à la personne par la loi. Or le service mandataire se distingue du service prestataire en faisant de la personne handicapée l'employeur de l'intervenant à domicile, avec la responsabilité afférente.

C'est pourquoi un référentiel de bonnes pratiques a été édicté en novembre 2016 avec, au nombre de ses indications, la recommandation du mode prestataire en cas de dépendance importance et l' alignement des tarifs de fonctionnement sur les tarifs PCH pour les Saad recevant un tarif de fonctionnement inférieur au tarif PCH. Relativement médiatisées pour le cas des personnes âgées, ces questions de la liberté du choix du service et de l'alignement des tarifs pour le cas de la PCH semblent relativement ignorées.

Proposition n° 38 : revêtir d'un impact normatif les recommandations relatives à la liberté de choix du service d'aide à domicile pour la personne handicapée ainsi que l'alignement du tarif de fonctionnement sur le tarif PCH pour les services « sous-tarifés ».

D'un point de vue strictement financier, votre rapporteur n'estime pas ces risques d'iniquité territoriale, susceptibles d'être corrigés par arrêté ministériel, de nature à questionner l'attribution au conseil départemental de l'accompagnement social de la personne handicapée.

2. Un nouveau schéma de financement qui assure la complémentarité des financeurs

À partir de ses préconisations, votre rapporteur suggère l'architecture suivante pour un nouvel accompagnement médico-social.

Schéma global de l'accompagnement médico-social de la personne handicapée

Enfant

Suivi par des services

Accueilli en établissement

Financeur

Mode d'intervention

Finalité

Finalité

Mode d'intervention

Financeur

Conseil départemental

PCH enfant consolidée
(PCH + AEEH)

Aides humaines supplémentaires
Aménagements du logement ou du véhicule

Aides humaines supplémentaires
Aménagements du logement ou du véhicule

PCH enfant consolidée et aménagée
(PCH + AEEH)

Conseil départemental

ARS

Centre d'aide technique

Aides techniques

Aides techniques

Centre d'aide technique

ARS

Dotation globale

Accompagnement médical et paramédical

Scolarité
Accompagnement médical et paramédical

Dotation globale

Éducation nationale

AVS

Scolarité en milieu ordinaire ou en milieu adapté

Adulte

Suivi par des services

Accueilli en établissement

Financeur

Mode d'intervention

Finalité

Finalité

Mode d'intervention

Financeur

CAF

Aides au logement

Alléger le coût du logement

Aides humaines supplémentaires
Aménagements du logement ou du véhicule

PCH aménagée

Conseil départemental

ARS

Centre d'aide technique

Aides techniques

CPAM

Soins de ville

Accompagnement médical et paramédical

Aides techniques

Centre d'aide technique

ARS

Conseil départemental

PCH

Aides humaines
Aménagements du logement ou du véhicule

Accompagnement médical et paramédical

Dotation globale

Source : Commission des affaires sociales

Plusieurs principes structurent ce modèle :

- la spécialité des financeurs : chaque intervention relève d'un financeur unique, dont la désignation dépend des implications médicales et paramédicales de son action. Le financement doit relever de l'assurance maladie pour tout suivi, tout accueil ou tout aide technique relevant d'un besoin médical ou paramédical identifié par un professionnel de santé. Tout autre besoin (aide humaine, insertion dans la vie sociale, aménagement du cadre de vie) doit relever du financement de la compensation ;

- en cas d'accueil en établissement, le financement doit être simplifié et unifié . À l'exception des foyers de vie, dont le nombre a de toute façon vocation à diminuer, l'ensemble des établissements d'accueil devrait être assuré par l'assurance maladie ;

- en cas de suivi par des services, la pluralité des financeurs ne pose pas de problème et découle directement de la liberté dont dispose la personne dans la composition de son parcours.

3. La question délicate du gestionnaire de cas

Une fois posés les grands principes du modèle financier à venir, il reste à traiter d'une question fondamentale : faire de la personne handicapée l'acteur principal de son parcours n'a de sens que si cette dernière dispose de l'appui nécessaire pour l'aider à en décider.

Votre rapporteur souhaite distinguer deux cas : celui où la personne handicapée est accompagnée par un aidant familial , le plus souvent un parent proche 121 ( * ) , et celui où elle se trouve isolée dans la construction de son parcours.

• Dans le cas d'une personne handicapée accompagnée par un aidant , plusieurs dispositifs de facilitation existent déjà, notamment de dédommagement financier. L'article L. 245-12 du CASF prévoit en effet que la personne handicapée peut employer sa PCH au dédommagement d'un aidant familial qui n'a pas de lien de subordination avec la personne 122 ( * ) . Il ne s'agit donc pas d'un rapport salarial.

L'arrêté du 28 décembre 2005 précise que ce dédommagement est égal à 3,80 euros par heure (50 % du Smic horaire net) ou à 5,70 euros par heure (75 % du Smic horaire nec) si l'aidant familial est dans l'obligation de cesser ou de renoncer totalement ou partiellement à une activité professionnelle.

L'arrêté précise par ailleurs que le dédommagement mensuel ne peut dépasser 979,77 euros (85 % du Smic mensuel net) ou 1 175,72 euros (majoration de 20 %) lorsque l'aidant familial n'exerce aucune activité professionnelle lorsque l'aide apportée nécessite une aide constante ou quasi-constante.

Votre rapporteur regrette que la majoration de 20 % ne soit accordée à l'aidant familial que dans le cas où ce dernier interrompt totalement toute activité professionnelle, alors que la majoration horaire s'applique même en cas d'interruption partielle.

Par ailleurs, aucun texte ne fait mention explicite de la mission de coordination de l'ensemble des prestataires intervenant autour de la personne que l'aidant familial assume en-dehors de l'aide directe qu'il apporte. Il paraîtrait opportun que le dédommagement connaisse une majoration particulière liée à cette mission de coordination, qui ferait de l'aidant familial une sorte de gestionnaire de cas de facto .

À cette fin particulière, la proposition de loi relative à la reconnaissance du rôle des proches aidants déposée par notre collègue Jocelyne Guidez et plusieurs de ses collègues 123 ( * ) comporte un dispositif susceptible de faciliter l'identification de l'aidant comme gestionnaire de cas.

L'article 6 de la PPL Guidez

Aux termes de cet article, le proche aidant ou aidant familial de la personne handicapée est destinataire d'une carte de l'aidant « portant à sa connaissance l'ensemble des droits dont il peut bénéficier ainsi que les ressources disponibles pour l'accompagner ».

Par ailleurs, l'article prévoit que les bénéficiaires de la PCH puissent nommer une personne de confiance au sens de l'article L. 1111-6 du code de la santé publique, qui sera consultée au cas où le bénéficiaire serait hors d'état d'exprimer sa volonté ou de recevoir l'information nécessaire et qui pourra l'accompagner dans toutes ses démarches. Le proche aidant ou l'aidant familial pourra être désigné par le bénéficiaire comme personne de confiance.

Votre rapporteur suggère que la mission de la personne de confiance, définie au code de la santé publique dans des termes strictement limités aux interventions médicales, soit élargie à la coordination du parcours d'ensemble de la personne handicapée et que l'attribution de cette qualité ouvre droit à une majoration du dédommagement financier reçu par l'aidant.

Proposition n° 39 : élargir la mission de la personne de confiance définie au code de la santé publique à la coordination du parcours de la personne handicapée et prévoir en conséquence une majoration du dédommagement financier reçu à ce titre.

• Dans le cas d'une personne handicapée isolée , les tâches du gestionnaire de cas doivent être assumées par un tiers extérieur. Malgré leurs missions déjà nombreuses et difficilement absorbables, les MDPH semblent l'acteur tout indiqué pour exercer ce rôle. Elles sont en effet à l'origine des notifications d'orientation et seront par ailleurs destinataires de toutes les informations relatives au parcours de la personne via le module d'information Via Trajectoire PH.

Cela étant, dans l'hypothèse où, selon les voeux de votre rapporteur, les informations relatives au parcours de la personne sont partagées par l'ensemble des intervenants composant ce parcours, il paraît tout à fait envisageable qu' un de ces intervenants, a priori celui qui assure le suivi le plus important, assume le rôle de gestionnaire de cas . L'hypothèse a d'ailleurs été soulevée par M. Denis Piveteau, selon lequel un établissement ou un service serait tout à fait désigné pour exercer une compétence d'assemblage du parcours, à côté de sa compétence d'accompagnement.

Proposition n° 40 : étudier les modalités selon lesquelles l'un des intervenants du parcours de la personne handicapée isolée pourrait jouer le rôle de gestionnaire de cas.


* 118 Arrêté du 28 décembre 2005 fixant les montants maximaux attribuables au titre des éléments de la prestation de compensation.

* 119 Arrêté du 28 décembre 2005 fixant les tarifs de l'élément de la prestation de compensation mentionné au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles.

* 120 Déjà soulevé par notre ancien collègue G. LABAZÉE, dans sa mission confiée par le Premier ministre sur la tarification et les perspectives d'évolution des services d'aide et d'accompagnement à domicile , remis en mars 2017.

* 121 Aux termes de l'article R. 245-7 du CASF, est considéré comme un aidant familial « le conjoint, le concubin, la personne avec laquelle la personne handicapée a conclu un pacte civil de solidarité, l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de la personne handicapée, ou l'ascendant, le descendant ou le collatéral jusqu'au quatrième degré de l'autre membre du couple qui apporte l'aide humaine ».

* 122 Cette situation se distingue de celle où la personne handicapée emploie directement un membre de sa famille comme salarié et le rémunère.

* 123 Proposition de loi visant à favoriser la reconnaissance des proches aidants : un enjeu social et sociétal majeur, n° 565, déposée au Sénat le 12 juin 2018.

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