E. S'INTERROGER SUR LA COMPATIBILITÉ DU NOUVEAU MODE DE MISE EN oeUVRE DE LA PAC AVEC SES AMBITIONS ENVIRONNEMENTALES

Lors de son audition du 6 novembre 2018 par le groupe de suivi, M. Jean-Christophe Bureau, professeur d'économie à AgroParisTech et chercheur associé au CEPII, s'était inquiété d'une incompatibilité potentielle entre le mode de mise en oeuvre envisagé par la Commission européenne et l'accroissement souhaité des ambitions environnementales de la future PAC. Ces ambitions pourraient, en effet, être ruinées par des comportements non-coopératifs dans les États membres les moins vertueux au détriment, notamment, de nos producteurs nationaux.

La proposition de résolution entend faire écho à cette inquiétude, en lui consacrant trois points.

Le premier « juge que les « coupes » budgétaires envisagées (...) seraient (...) incompatibles avec l'objectif de renforcement des ambitions environnementales de la Politique agricole commune, faute de pouvoir fondamentalement faire mieux avec moins ».

Le second « appréhende, dans ce contexte, le fait que l'agriculture française ne pâtisse d'une exacerbation de la course au moins-disant (« dumping ») social et environnemental entre pays européens compte tenu des divergences que la nouvelle PAC ne pourra pas réduire et ne soit, en conséquence, prise en étau entre des exigences croissantes de standard de production, pour s'adapter à la demande des consommateurs, et, parallèlement, une pression déflationniste sur les prix ».

Le troisième point de la proposition de résolution consacré à ce sujet explicite la contradiction qui pourrait apparaître à l'avenir. Son texte souligne qu'il « deviendrait alors particulièrement difficile, ou improbable, pour l'agriculture européenne, de mener à bien la nécessaire transition environnementale et énergétique, du fait même d'une injuste pénalisation des producteurs les plus vertueux ».

F. SALUER LES ASPECTS POSITIFS DU PROJET DE RÉFORME PROPOSÉ PAR LA COMMISSION EUROPÉENNE

Par construction, cette troisième proposition de résolution européenne est centrée, pour l'essentiel, sur des sujets de désaccord ou sur des points d'inquiétude soulevés par vos rapporteurs. Il importe néanmoins de rappeler que les deux précédentes résolutions européennes du Sénat ne s'étaient nullement limitées à une présentation des seuls aspects problématiques de la future réforme : l'une et l'autre comportaient respectivement dix-sept et vingt-cinq points, formant un ensemble cohérent de demandes et de recommandations.

Dans la continuité de l'analyse réalisée ces deux dernières années, il est proposé de demander de nouveaux progrès en matière de mécanismes d'intervention et de gestion de crise , tout en saluant d'autres avancées qui pourraient intervenir.

Pour ce faire, la proposition de résolution réitère l'importance de recourir, en tant que de besoin, aux mécanismes de gestion de crise et aux mesures d'intervention, tout en saluant la proposition de la Commission tendant à créer une réserve financière pluriannuelle , dotée d'au moins 400 millions d'euros et destinée à remplacer l'actuel dispositif, demeuré totalement inopérant ces dernières années.

Le texte proposé tend aussi à approuver, d'une part, le renforcement envisagé des aides destinées aux jeunes agriculteurs , d'autre part, le soutien accru à la recherche , par l'affectation de 10 milliards d'euros issus du programme Horizon Europe, « tout en souhaitant que cette enveloppe budgétaire serve à valoriser les externalités positives de l'agriculture, en particulier pour son potentiel en matière de stockage de carbone, ainsi qu'à rémunérer les agriculteurs pour les services qu'ils rendent, tant à l'égard de la société que de l'environnement, ce qui devrait leur valoir une rémunération mieux conçue et plus simple des biens publics qu'ils produisent »

Plus largement, ces considérations renvoient à l'importance du soutien à la recherche et à l'innovation, jugeant « légitime, d'une façon générale, un renforcement de l'ambition environnementale de la PAC fondé sur des éléments scientifiques établis », tout en soutenant « que le principe d'innovation va de pair avec le principe de précaution ».

Enfin, il convient de saluer les progrès réalisés récemment sur la question de la concurrence. Ils se situent, certes, à l'extérieur du cadre strict de la future réforme de la PAC, mais apparaissent significatifs.

Tout d'abord, la proposition « rappelle, au-delà des avancées du « règlement Omnibus » (...), la nécessité d'adapter, en règle générale, le droit de la concurrence aux spécificités agricoles et de renforcer effectivement le poids des producteurs dans la chaîne de valeur alimentaire ». Enfin la proposition de résolution souligne les « progrès particulièrement encourageants enregistrés, en vue de l'adoption du projet de directive visant à lutter contre les pratiques commerciales déloyales, parallèlement aux négociations en cours sur la future PAC 2021-2027 ».

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L'ensemble de ces considérations conduit vos rapporteurs à vous proposer d'adopter cette proposition de résolution européenne « en faveur d'une PAC préservée à l'horizon de la fin des années 2020, tant dans son esprit que dans son contenu ».

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