III. LA PERSPECTIVE D'UN REPORT DE LA RÉFORME À L'HORIZON 2023, ET/OU D'UN RÉEXAMEN PARTIEL DE SES MODALITÉS, PAR LA PROCHAINE COMMISSION EUROPÉENNE

A. L'HYPOTHÈSE D'UN REPORT« PAR DÉFAUT » À 2023 DE TOUT OU PARTIE DE LA RÉFORME DE LA PAC

La rapporteure de la commission AGRI du Parlement européen sur le volet « plans stratégiques » de la future réforme de la PAC, Mme Esther Herranz García (PPE, Espagne), a pris position en faveur du report à 2023 de la date de mise en oeuvre de la prochaine réforme de la PAC.

Cette perspective offrirait l'avantage de rendre assurément moins brutaux les changements proposés. Serions-nous pour autant, in fine , mieux préparés ? Un jugement rétrospectif lucide sur l'utilisation, par notre pays, des précédentes périodes de transition pour les dispositifs importants, accordées le plus souvent sur l'insistance des autorités françaises, plaide en faveur d'un certain scepticisme . À titre d'illustration, la fin des quotas laitiers et sucriers a-t-elle été bien anticipée et son annonce longtemps à avance a-t-elle été pleinement mise à profit par les acteurs économiques français ?

L'option d'un report à 2023 de la réforme se heurte surtout à un obstacle majeur : celui du manque de financement dès 2021, au terme de l'actuel Cadre financier pluriannuel 2014-2020 .

La presse 22 ( * ) a également évoqué, sur la base de sources anonymes supposées proches de la Commission européenne, un autre « plan B » consistant en une réforme partielle ou progressive de la Politique agricole commune . Ce changement d'approche aurait été, en quelque sorte, préfiguré par l'adoption du « règlement Omnibus », en 2017-2018.

On passerait ainsi à un modèle de réforme « au fil de l'eau » en fonction des priorités politiques du moment , pour ainsi dire par touches successives. Un tel changement d'approche serait sans équivalent dans l'histoire de la PAC.

La poursuite des négociations au cours de la présidence autrichienne, suivie par les débuts de la présidence roumaine, n'ont pas, ou pas encore, donné corps à ces scénarios alternatifs.

B. REPARTIR SUR DE NOUVELLES BASES À L'INITIATIVE DE LA PROCHAINE COMMISSION ?

Le renoncement à une ambition commune ne facilite pas, il est vrai, la tâche de la Commission européenne.

Les responsables des États membres ont davantage débattu du niveau du futur budget que réfléchi à des objectifs partagés. On constate, malheureusement, une réelle incapacité à s'accorder sur ce que l'on veut pour notre agriculture.

Certes, les contraintes, notamment budgétaires, sont importantes et, dans ce contexte, la Commission européenne fait probablement au mieux. Sous le bénéfice de ces observations, l'élément le plus important réside dans le manque de volonté commune des États membres quant à la définition même d'une vision partagée pour l'avenir de l'agriculture européenne.

Ce problème n'est d'ailleurs pas récent : en témoignent les démarches de M. Michel Barnier, alors ministre français de l'Agriculture, à l'occasion d'une réunion informelle, à Annecy, en septembre 2008, auprès de ses homologues, pour parvenir à dégager un consensus sur cette question décisive et qui avaient échoué. Cet échec apparaît rétrospectivement comme un signe avant-coureur des difficultés actuelles.

La question posée à ce stade des négociations consiste à apprécier s'il serait encore possible d'améliorer sensiblement le projet de réforme au terme des travaux de l'actuelle Commission européenne.

Vos rapporteurs ne peuvent se résoudre à l'idée que l'on ne puisse inverser le cours des choses.

Dans cette perspective, le nouveau mode de mise en oeuvre de la PAC apparaît comme un sujet en soi compte tenu des risques qu'il représente à moyen terme pour la substance même de la Politique agricole commune . Dans l'immédiat, les États membres ne remettent pas en cause le principe de ce projet de dispositif, mais débattent sans fin de ses modalités opérationnelles. C'est pourtant l'économie générale de ce mécanisme qui est en cause.

En revanche, le reste des dispositions, présentées le 1 er juin 2018 par la Commission européenne, apparaît perfectible.

Plus le processus d'élaboration de la réforme aura avancé, plus il deviendra difficile d'en infléchir l'économie générale.

Une réorientation substantielle de la réforme ne serait toutefois pas impossible à partir de l'été 2019. Tout dépendra de l'ampleur des points restant en discussion au terme des travaux de la présidence roumaine du Conseil de l'Union européenne en juin 2019. Si le degré de consensus atteint devait être encore faible à cette date, une fenêtre d'opportunité pour en renégocier les termes deviendrait envisageable.

Dans ces conditions, le renouvellement de la Commission européenne après les prochaines élections européennes pourrait fournir l'opportunité bienvenue d'une remise à plat du contenu de la prochaine réforme de la PAC.


* 22 Bulletin quotidien européen , dans son édition du 1 er octobre 2018.

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