EXAMEN EN COMMISSION

La commission des affaires européennes s'est réunie le jeudi 16 mai 2019 pour l'examen du présent rapport. À l'issue de la présentation faite par Mme Sophie Joissains et M. Jacques Bigot, le débat suivant s'est engagé :

M. Jean Bizet , président . - Le Parquet européen n'avait pas été sans susciter un peu d'émotion : certains avaient craint une centralisation excessive. Nous avions fait valoir le principe de subsidiarité et il a été, comme Sophie Joissains l'a dit, bien encadré.

Il est certain que la cybercriminalité est en augmentation exponentielle et qu'un pays ne peut traiter seul le problème.

M. Simon Sutour . - Merci aux deux rapporteurs. Il peut nous arriver d'être pessimistes, mais finalement, les choses avancent dans l'Union européenne ! Je ne peux m'empêcher d'avoir une pensée pour notre ancien collègue Pierre Fauchon, qui se battait pour la création d'un Parquet européen, et ne l'aura finalement pas vu voir le jour. Nous avions enclenché la procédure de « carton jaune » contre le projet de règlement de 2013, car nous considérions que ce Parquet devait être collégial. D'autres pays l'avaient fait pour d'autres raisons, parfois pour de mauvaises raisons... Mais nous avons atteint le nombre de pays suffisant pour demander à la Commission de revoir sa copie. Cela avait provoqué beaucoup d'émoi. Des appels téléphoniques...

Mme Sophie Joissains , rapporteure . - ...venant directement de la Commission...

M. Simon Sutour . - ... ou de sa représentante à Paris. On a beaucoup fait appel à l'époque à notre compréhension...

Mme Sophie Joissains , rapporteure . - Mais nous avions bien compris de quoi il s'agissait !

M. Simon Sutour . - Les deux candidatures pour le poste de chef du Parquet européen sont bonnes, même si les deux profils diffèrent. Le Parquet européen traitera des infractions financières ; c'est un début !

Le mandat d'arrêt européen, qui a près de quinze ans puisqu'il fut créé en 2004, a été un grand progrès. Il fonctionne de façon quasi automatique. Mais je note qu'il n'a pas fonctionné récemment pour les anciens membres du gouvernement catalan qui résident à Bruxelles et à Édimbourg et sont passés par l'Allemagne. Les juridictions ne l'ont pas appliqué en mettant en avant les droits de l'Homme, provoquant les protestations de l'Espagne. Pour l'ancien président, M. Puigdemont, l'Allemagne avait accepté le mandat d'arrêt européen uniquement pour la malversation, soit pas grand-chose par rapport à l'essentiel, la rébellion - à tel point que le parquet espagnol l'a retiré. Les juges belges sont allés dans le même sens, comme les juges britanniques.

M. Jean-Yves Leconte . - Merci aux deux rapporteurs. Sur la cybercriminalité, il y a beaucoup à dire, mais elle représente déjà une bonne partie du travail des magistrats de liaison. Il faudra être prudent sur ce terrain comme sur celui de l'antiterrorisme : il ne faudrait pas remplacer une chose qui fonctionne par quelque chose qui ne fonctionne pas. Attention aussi au rôle de plus en plus prédominant du parquet dans l'antiterrorisme : cela pourrait devenir inquiétant si nous le déléguons à un Parquet européen.

Avant de devenir parlementaire, j'ai pu constater que lorsque l'Olaf contrôlait l'usage des fonds communautaires, il signalait le cas aux autorités nationales qui, souvent, ne faisaient rien.

Dans le cadre de la conditionnalité entre versement de fonds communautaires et État de droit, l'une des raisons de ne plus les verser pourra être la constatation de fraudes qui confinent parfois au hold-up organisé. On peut dès lors comprendre que la Hongrie, qui a centralisé l'usage des fonds communautaires, ne veuille pas du Parquet européen...

Je ne dirai pas que les deux candidats sont équivalents. Une personne qui a eu la pratique de la loi des suspects dans son pays ne pourra pas faire accepter le Parquet européen dans tous les pays. La lutte contre la corruption en Roumaine est bien sûr indispensable, mais ne peut pas se faire au détriment de l'État de droit. Compte tenu de sa personnalité controversée, la nommer à la tête du Parquet européen, ce serait nommer un symbole, plutôt qu'une personne qui le fasse fonctionner. Souvenons-nous qu'il aura peut-être un jour un rôle de garant de gardien des libertés individuelles.

M. Jacques Bigot , rapporteur . - La crainte que l'on peut avoir, c'est qu'il y ait une confusion sur les compétences du Parquet européen. J'ai peur qu'en novembre 2020, surtout si c'est un Français qui est nommé, le public croie qu'il s'agit d'un parquet antiterroriste. Nous devons faire en sorte que ses compétences soient bien comprises, et leur importance reconnue.

Bien sûr, les Français sont assez convaincus que le candidat français est compétent, pas en raison de sa nationalité, mais des raisons que vous avez indiquées. La victimisation de la candidate roumaine la fait apparaître comme un symbole, alors qu'il faut quelqu'un capable de travailler avec les procureurs et de saisir les juridictions des différents État membres. Nous avons donc une mission de pédagogie. Sophie Joissains et moi-même avons demandé au président Philippe Bas de présenter notre travail sur le futur Parquet européen à la commission des lois.

M. Simon Sutour . - Très bien !

M. Jean Bizet , président . - La commission des lois, à laquelle sera envoyée notre proposition de résolution européenne, pourrait même s'en saisir....

M. Pierre Laurent . - Les problèmes de fraude sont importants : on parle de 50 milliards d'euros pour la fraude à la TVA. En matière de corruption, il y a des pays dont on parle souvent, et d'autres moins : en Lettonie, le directeur de la banque centrale vient ainsi d'être mis en cause gravement. Concernant la nomination du chef de ce futur Parquet européen, le projet de résolution va vite en besogne en appelant à la transparence. De quelle transparence parle-t-on ? Quel candidat la France soutient-elle ? Elle soutenait au départ le candidat français, mais qui peut dire aujourd'hui quel est l'avis du président de la République ? Cette question fera probablement partie d'un paquet plus général de désignations aux hautes fonctions de l'Union européenne, et les critères ne seront pas uniquement la plus grande compétence. La question de la transparence est donc un vrai sujet. Il nous faudra faire preuve de beaucoup de vigilance sur cette question. Je m'abstiendrai sur la proposition de résolution européenne.

*

À l'issue du débat, la commission adopte - M. Pierre Laurent s'abstenant - la proposition de résolution européenne suivante, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne :

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