SOMMAIRE

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L'ESSENTIEL 5

I. UN MULTILATÉRALISME REMIS EN CAUSE 7

A. LE REPLI AMÉRICAIN 7

B. L'OBSTRUCTION RUSSE 10

C. LES ARRIÈRE-PENSÉES CHINOISES 10

D. LE RISQUE D'UN AFFAIBLISSEMENT DU DROIT INTERNATIONAL EN MATIÈRE DE PROTECTION DES DROITS DE L'HOMME 11

II. UN MULTILATÉRALISME ONUSIEN QUI RÉSISTE CEPENDANT 12

A. UN CADRE DE COOPÉRATION ET DE DIALOGUE QUI RESTE INDISPENSABLE 12

B. LA RÉFORME DES NATIONS UNIES : UNE NÉCESSITÉ POUR L'AVENIR 16

1. La réforme portée par le Secrétaire général 16

2. La réforme du Conseil de sécurité 18

III. PLACE ET RÔLE DE LA FRANCE À L'ONU 21

A. UNE PUISSANCE INFLUENTE ET ACTIVE 21

B. AVEC DES NUANCES CEPENDANT 23

C. LA MOBILISATION EN FAVEUR DU SAHEL : UNE PRIORITÉ POUR LA FRANCE 24

IV. UN ÉCLAIRAGE SUR TROIS CRISES RÉGIONALES 26

A. LA SYRIE 26

B. LA LIBYE 27

C. LE VÉNÉZUÉLA 28

V. L'UNION EUROPÉENNE À L'ONU 29

A. UNE PRÉSENCE ACTIVE ET VISIBLE 29

B. DE NOUVEAUX DÉFIS 30

EXAMEN EN COMMISSION 31

PERSONNES RENCONTRÉES AU COURS DU DÉPLACEMENT 43

INTERVENTION DE LA FRANCE DANS LE DÉBAT A L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE SUR L'ÉLARGISSEMENT DU CONSEIL DE SÉCURITÉ 45

AUDITION DE M. DE RIVIÈRE, AMBASSADEUR, REPRÉSENTANT PERMANENT DE LA FRANCE AUPRÈS DE L'ONU 47

L'ESSENTIEL

L'ESSENTIEL

1. Paralysée sur les crises syrienne, libyenne et vénézuélienne, l'ONU sert-elle encore à quelque chose ? Fragilisé et remis en cause, le multilatéralisme a-t-il encore un sens aujourd'hui ? C'est pour tenter de répondre à ces questions que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées s'est rendue auprès de l'Organisation des Nations Unies à New-York en  novembre 2019 , avec l'objectif de comprendre le fonctionnement du système onusien, d'appréhender la manière dont sont gérées les crises internationales et les « affaires du monde », mais aussi de saisir les rapports de force, les lignes de fracture et les grandes tendances qui influent sur notre environnement géostratégique.

2. Le multilatéralisme se trouve aujourd'hui à un tournant de son histoire , face à un risque qui n'est peut-être pas tant de disparaître que de se transformer profondément et de s'éloigner des valeurs qui l'imprégnaient à l'origine.

Plusieurs facteurs contribuent à cette remise en cause, en premier lieu le repli stratégique des Etats-Unis , dont la préoccupation première n'est plus de défendre les valeurs onusiennes, mais de limiter leurs engagements et leurs contributions financières.

Elle tient aussi au positionnement négatif de la Russie , qui à travers ses 14 vetos (le dernier en décembre 2019 pour bloquer de l'aide humanitaire) a notamment empêché les Nations Unies d'agir en Syrie, ainsi qu'à la montée en puissance de la Chine , qui promeut un tout autre multilatéralisme, aligné sur ses intérêts . Tout comme la Russie, la Chine défend avec force le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats et remet en cause le caractère universel des droits de l'homme.

Au-delà des membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU ou « P5 », d'autres pays, sous l'effet de la montée des nationalismes et des conservatismes , mettent en cause la légitimité des Nations Unies comme cadre de coopération internationale et en contestent ses valeurs fondamentales , notamment les droits de l'homme.

Cet affaiblissement du multilatéralisme ne s'observe d'ailleurs pas seulement dans le cadre de l'ONU. Il affecte aussi les autres institutions multilatérales que sont le Fonds monétaire international (FMI), la Banque mondiale et l'Organisation mondiale du Commerce, qui sont fragilisés par les attaques américaines (blocage du renouvellement des postes à responsabilité, hausse unilatérale des droits de douane...) et l'apparition d'institutions financières concurrentes comme la « Nouvelle banque de développement » des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) ou la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures (AIIB) créée par la Chine pour financer son projet de « Nouvelles routes de la Soie ».

3. Le constat d'une crise des Nations Unies doit cependant être nuancé . Sur bien des sujets, l'ONU conserve toute son utilité. Elle est le forum où tous les pays du monde peuvent se rencontrer et se parler. Elle joue un rôle irremplaçable pour gérer les conflits et parfois même les désamorcer, apporter de l'aide humanitaire en cas de crise, inventer des réponses aux grands défis internationaux (environnement, changement climatique, migrations, terrorisme...).

La célébration en 2020 du 75 e anniversaire des Nations Unies sera l'occasion de rappeler cette contribution certes imparfaite mais néanmoins positive du multilatéralisme onusien aux grands équilibres mondiaux. Si la tentation de l'unilatéralisme existe, elle ne saurait constituer une alternative viable, pas plus que la coexistence de plusieurs ordres internationaux concurrents . A l'échelle de la planète, les Etats doivent pouvoir parler un même langage dans un cadre commun et ce cadre ne peut être que celui des Nations Unies.

4. De l'examen plus fouillé de l'action de l'ONU dans le cadre de trois crises internationales d'une actualité brûlante - le dossier syrien, le conflit libyen et la situation au Venezuela -, il ressort que les difficultés auxquelles se heurtent les Nations Unies dans la résolution des crises résultent souvent des divergences entre puissances. Paralysée et impuissante, l'ONU se voit alors contrainte de limiter son action au champ humanitaire.

5. La commission s'est évidemment attachée à appréhender la place et le rôle de la France à l'ONU, ainsi que celui de l'Union européenne (UE) .

Malgré des moyens limités, la France conserve une grande influence à l'ONU . Sa légitimité tient à son statut de membre permanent du Conseil de sécurité, renforcé récemment par le Brexit puisque la France est désormais le seul pays de l'UE au sein du P5.

Mais elle est aussi liée au volontarisme dont notre pays fait preuve dans la défense et la promotion du multilatéralisme et de ses valeurs, tant à travers ses positions au Conseil de sécurité que par le biais d'initiatives destinées à mobiliser ses partenaires, telle que « l'Alliance pour le multilatéralisme », lancée en partenariat avec l'Allemagne. La France innove aussi par son approche « inclusive » qui, au-delà des Etats, vise à associer d'autres acteurs (collectivités territoriales, entreprises privées, ONG, société civile), comme l'illustre l'Appel de Pairs pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, qu'elle a lancée en novembre 2018.

L'UE aussi est active aux Nations Unies . Grâce à un important travail de coordination, elle parvient à afficher une unité entre ses Etats membres sur 90 % des dossiers. Les divisions existent sur certains sujets (Moyen-Orient, questions de société...) et le Brexit change la donne avec le départ d'un partenaire important. Mais l'UE a cependant conscience qu'elle joue un rôle essentiel dans la défense du multilatéralisme et c'est sans doute l'un des moteurs de son action à l'ONU.

I. UN MULTILATÉRALISME REMIS EN CAUSE

Alors qu'il est plus que jamais nécessaire, le multilatéralisme est aujourd'hui attaqué et mis à mal, notamment par les logiques de puissance et d'intérêts qui s'expriment au sein du Conseil de sécurité.

A. LE REPLI AMÉRICAIN

La ligne politique de l'administration américaine sous la présidence de Donald Trump constitue le premier facteur de cette remise en cause, alors même qu'historiquement, les Etats-Unis avaient porté et garanti le système onusien. Assumant un discours critique à l'égard du multilatéralisme - y compris à la tribune de l'Assemblée générale -, Washington multiplie aujourd'hui les décisions négatives qui affaiblissent l'ordre international : dénonciation de l'accord de Vienne sur le nucléaire iranien, retrait de l'accord de Paris sur le climat, arrêt des subventions à l'agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens (UNWRA), retrait du Conseil des droits de l'homme, de l'UNESCO...

Les Etats-Unis deviennent ainsi un partenaire difficile au sein du Conseil de sécurité , menaçant de faire usage de leur droit de veto sur un nombre croissant de dossiers (conflit israélo-palestinien, Syrie, Venezuela...), y compris sur des sujets prioritaires pour la France (G5 Sahel, Mali, FINUL...). De plus en plus, ils adoptent des positions « à la carte », en fonction de leurs intérêts. Considérant qu'elle n'est pas liée par les accords et les textes adoptés avant son accession au pouvoir, l'administration américaine va jusqu'à réinterpréter le droit international, considérant par exemple comme légales les colonies israéliennes en Cisjordanie.

Ils se montrent également en retrait sur les questions relatives aux droits de l'homme . N'ayant ratifié que trois des huit conventions des Nations Unies en matière de droits de l'homme, ils s'opposent aux travaux de la Cour pénale internationale à laquelle ils ne sont pas partie. Du fait de leur politique de lutte contre l'avortement, ils remettent en cause la protection des droits et santé sexuels et reproductifs, contribuant au recul du droit international en la matière (ils ont par exemple obtenu le retrait d'une référence à ces droits dans la résolution 2467 sur les violences sexuelles dans les conflits armés adoptée en 2019, alors qu'elle figurait dans les résolutions précédentes).

Enfin, les Etats-Unis cherchent à réduire leurs engagements financiers vis-à-vis de l'ONU , dont ils sont, de loin, le premier contributeur (10,5 milliards de dollars en 2017). Cela se traduit par des pressions sur les opérations de maintien de la paix, dont ils discutent âprement le renouvellement des mandats. N'étant pas parvenus à faire baisser le plafond de leurs contributions aux opérations de maintien de la paix, ils l'imposent de facto, en ne les payant pas, accumulant des arriérés au rythme de 250 millions de dollars par an. Ces arriérés de paiement ont pour conséquence une crise de trésorerie de l'ONU qui obère son fonctionnement courant.

Le financement de l'ONU

Le financement de l'ONU repose sur deux types de contributions :

1) Des contributions obligatoires au budget ordinaire et aux budgets des opérations de maintien de la paix

Les dépenses obligatoires de l'ONU sont supportées par les États membres selon une répartition négociée en cinquième commission, adoptée par l'Assemblée générale et révisée tous les trois ans. Le barème de contribution est fondé sur la capacité de paiement de chaque État Membre.

? Le budget ordinaire de l'ONU sert essentiellement à financer les dépenses de personnel, d'investissement et de fonctionnement du Secrétariat et dans les différentes implantations de l'Organisation.

Jusqu'ici approuvé par l'Assemblée générale par période de deux années civiles (« biennal »), le budget sera adopté pour une durée d'un an à compter de l'exercice 2020.

Pour la période 2019-2021, le budget ordinaire s'élève à 5, 868 milliards de dollars . La France est le 6 e contributeur, avec une quote-part de 4,43%, soit une contribution de 123 millions de dollars en 2019. Depuis 2000, les cotisations sont plafonnées à 22% par pays, taux qui est appliqué aux Etats-Unis.

Contribution des Etats au budget ordinaire de l'ONU en 2019-2020

Source : Représentation permanente de la France à l'ONU

? Les budgets des opérations de maintien de la paix

Chaque opération de maintien de la paix fait l'objet d'un budget spécifique, destiné à financer ses dépenses de personnel (troupes, personnels de police et personnels civils) et ses dépenses opérationnelles (fonctionnement et investissement).

Le barème de contribution au budget des opérations de maintien de la paix diffère de celui au budget ordinaire. En effet, les membres permanents du Conseil de sécurité, dont la France, assument une part prépondérante de ce financement du fait de leur responsabilité particulière dans le maintien de la paix.

Pour la période du 1 er juillet 2019 au 30 juin 2020, le total des budgets des 14 opérations de maintien de la paix actives et des dépenses de soutien transversales s'élève à 6,518 millions de dollars . La France contribue au financement de ces opérations à hauteur de 5,61%, soit 381 millions de dollars compte tenu des crédits dont elle dispose.

Contribution des Etats membres au budget des OMP en 2019-2020

Source : Représentation permanente de la France à l'ONU

2) Des contributions volontaires pour les autres fonds et programmes

Les contributions volontaires servent à financer des initiatives du Secrétariat général complémentaires et supplémentaires aux activités financées sur le budget ordinaire (tel est l'objet du compte spécial ou de la coopération technique).

Ces contributions additionnelles représentent des montants très largement supérieurs aux budgets obligatoires et font souvent l'objet de fléchage permettant de choisir la destination des fonds et cibler un programme particulier ou une initiative spécifique.

Elles servent aussi à financer les fonds et programmes de l'ONU (PNUD, ONU Femmes ou UNICEF notamment), de même que les institutions spécialisées de l'ONU (l'essentiel de leurs ressources provient de contributions volontaires versées par les États membres mais aussi par des particuliers).

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